Cultures marines n°311 - 28

environnement

Actualité

Un nouveau capteur
de pH a été déployé
par l'Ifremer
en rade de Brest.

diminue. Pour un pH de 7,2 et une
température de 20 °C, la croissance
larvaire est « ralentie de moitié et
la métamorphose compromise »,
rapporte Stéphane Pouvreau.
Dans une publication récente, le
commissariat général au développement durable (CGDD) s'est aussi
ému de l'acidification des océans

Niveau marin : +1,8 mm par an
e

Pour fêter le 70 anniversaire de l'ordre
des géomètres experts, 70 d'entre
eux avaient relevé simultanément, le
7 mai 2016, les mesures de 44 marégraphes répartis sur l'ensemble du
littoral français. Ils ont ainsi enregistré
le niveau de la mer, chaque seconde
entre 9 h et 13 h, collectant ainsi plus
de 15 000 données.
Un an et quelques mois après
les relevés, les résultats viennent
d'être rendus publics. Ainsi, le niveau
moyen de la mer a augmenté à une
vitesse d'environ 1,8 mm par an
au cours du XXe siècle. Mais pas de
manière uniforme. « On constate des
grandes différences régionales »,
confirme Laurent Testut, enseignant
chercheur au laboratoire d'études
en géophysique t océanographie
spatiales.
La hauteur moyenne de l'Atlantique est ainsi plus élevée que celle
de la Méditerranée d'environ 15 cm

Cultures MARINES n°311 - novembre 2017

Marion LARRONDE-LARRETCHE
(1) Le réseau Velyger a pour vocation
d'observer, analyser et gérer
la variabilité de la reproduction
et du recrutement de l'huître creuse
en France.

Une eutrophisation problématique

et cette différence est justement due
à une hausse du niveau de la mer
plus rapide sur la façade atlantique
(+31 cm depuis la fin du XIXe siècle)
qu'en Méditerranée (+16 cm). Cette
élévation connaît une accélération
depuis le siècle dernier et est liée en
partie au réchauffement climatique
qui entraîne une fonte des glaces
terrestres et une dilatation des eaux
de surface océaniques.
Les marégraphes historiques possèdent plus de deux siècles d'observations continues sur la montée du
niveau des océans là où les satellites,
lancés dans les années 1990, « ne
sont pas encore en mesure d'offrir
une telle profondeur historique,
indispensable à l'établissement de
tendances à long terme », explique
Vincent Donato, chef du département Marée et courants au Shom.
M. L.-L.

Quelque 70 géomètres
ont enregistré le niveau
de la mer dans
44 marégraphes répartis
sur le littoral français.

et de ses impacts socio-économiques. Le document rappelle
ainsi qu'« en raison de l'impact de
l'acidification sur les coquillages,
la conchyliculture est reconnue,
y compris par les professionnels
du secteur, pour être la principale
activité impactée par l'acidification des océans ».

Le CGDD souligne également
que « la recherche sur l'acidification des océans s'est largement
intensifiée et les réponses des
océans sont de mieux en mieux
comprises avec une mobilisation
scientifique et internationale sur
cette question depuis les années
2000 » mais affirme que « l'acidification des océans a des implications multiples et les études pluri
ou trans-disciplinaires doivent
être renforcées ».
L'Ifremer, de son côté, s'est doté
d'un nouveau capteur de pH en
2016. La sonde a été déployée en
rade de Brest en mars 2017.

C'est à la demande du gouvernement que le CNRS, l'Ifremer, l'Inra et
l'Irstea (1) se sont penchés récemment sur l'eutrophisation. Manifestations, causes, conséquences et prédictibilité, les scientifiques ont fait le
tour complet de la question dans un
rapport de 150 pages. Ils rappellent
en préambule que les phénomènes
d'eutrophisation sont « déclenchés par des apports excessifs en
nutriments » et « se traduisent par
une productivité exacerbée des
écosystèmes aquatiques ».
Les manifestations les plus
courantes sont « les proliférations
de macroalgues vertes opportunistes » ou de microalgues : « le lien
entre eutrophisation et efflorescence de forte biomasse, qu'elle
soit toxique ou non, est souvent
avéré » mais celui « entre efflorescence toxique de faible amplitude
et eutrophisation est lui beaucoup
plus ténu ».
Une des
manifestations les
plus courantes de
l'eutrophisation
est la prolifération
d'algues vertes.

Le rapport affirme que « la majorité des nappes phréatiques est
polluée par les nitrates tandis que
les sols et les sédiments sont souvent enrichis en phosphore ». Et les
scientifiques de noter que « dans
les pays industrialisés, les évolutions observées en eau douce
ont été plutôt positives depuis
quelques décennies, plus fortement sur le phosphore que sur
l'azote, tandis qu'en milieu marin
les phénomènes d'eutrophisation
semblent peu diminuer depuis le
début du XXIe siècle ».
M. L.-L.
(1) Centre national de la recherche
scientifique, Institut national de la
recherche agronomique, Institut
national de recherche en sciences et
technologies pour l'environnement
et l'agriculture.

Marion Larronde-Larretche

Il reste un peu de marge. Les valeurs
annuelles du pH sur l'année 2016
étaient proches de 8 en rade de
Brest et dans le bassin d'Arcachon.
Elles restent donc supérieures au
seuil critique de 7,6, « valeur considérée comme problématique
pour la vie larvaire de l'huître
creuse », rappelle le rapport du
réseau Velyger (1). Mais ce paramètre hydrologique « mérite sans
conteste, une attention accrue
dans les années à venir », écrit le
scientifique de l'Ifremer Stéphane
Pouvreau.
La moyenne établie sur les
quinze dernières années sur les
deux sites est en effet à 8,15 et
l'analyse des données 2016 montre
« une tendance à la diminution
avec des valeurs se situant dans
la gamme inférieure des observations enregistrées depuis le début
des années 2000 ».
Pour un pH à 7,6, la croissance
larvaire est affectée et la survie

S. Pouvreau/Ifremer

L'acidification mérite « une attention accrue »

Table des matières de la publication Cultures marines n°311