Cultures marines n°311 - 84

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Aquaculture : un potentiel de 15 milliards de tonnes
Sept scientifiques américains et un
chinois ont voulu évaluer le potentiel
de croissance de l'aquaculture marine dans le monde. Il serait énorme.
« De vastes zones dans presque
tous les pays côtiers conviennent à
l'aquaculture », écrivent les auteurs
de cette étude publiée dans la revue
scientifique Nature & Ecology.
Estimant que 11,4 millions de
km2 pourraient être utilisés de par le
monde pour la pisciculture et 1,5 million pour la conchyliculture, ils affirment que l'espace n'est pas un facteur
limitant pour répondre à la demande
future en produits de la mer. Ces
chercheurs chiffrent le potentiel de
production de l'aquaculture mondiale à 15 milliards de tonnes, soit plus
de 100 fois la consommation actuelle.

Production aquacole actuelle...

... et potentielle

Pour mener à bien ce travail,
les scientifiques ont identifié
120 espèces de poissons marins,
60 bivalves et retenu leurs paramètres d'élevage et de croissance.
Pour définir les régions du monde les
plus propices à leur développement,
ils se sont ensuite appuyés sur ces
données physiologiques et sur des
critères environnementaux comme
la température. Certaines zones ont
été exclues à cause d'une concentration en oxygène dissous insuffisante, paramètre essentiel pour
les poissons, ou de la faible disponibilité en phytoplancton, élément
indispensable pour les coquillages.
Les eaux de plus de 200 mètres de
profondeur ont été éliminées, tout

Nature Ecology & Evolution

60 espèces de bivalves

comme les secteurs déjà attribués
à d'autres utilisations (aires marines
protégées, extraction de pétrole et
routes commerciales).
L'étude montre ainsi que bon
nombre de zones à fort potentiel se
trouvent dans les régions tropicales
chaudes et que la plupart des pays
où la croissance de l'aquaculture
pourrait être la plus forte ne sont pas
ceux qui produisent actuellement le
plus. Elle révèle aussi que les espèces

les plus prometteuses ne sont pas les
plus utilisées aujourd'hui.
Ainsi, pour la conchyliculture,
les pays ayant le plus fort potentiel
en termes de surface sont le Venezuela, la Corée du Nord, la Birmanie,
la Tunisie et la Sierra Leone. Sur le
continent européen, le top cinq
comprend l'Ukraine, la France, la
Géorgie, la Turquie et l'Irlande.
« L'important potentiel inexploité de l'aquaculture dans une

grande partie du monde ainsi que
l'inadéquation entre le potentiel
de croissance et la production
actuelle suggèrent que d'autres
facteurs tels que les contraintes
sociales, économiques, politiques
et/ou réglementaires limitent le
développement de l'aquaculture,
davantage que les contraintes biologiques ou les conflits d'usage »,
tempèrent les scientifiques. Ils
estiment par exemple que la
réglementation américaine bride le
développement de l'aquaculture aux
États-Unis, « un pays à fort potentiel
de croissance et où les besoins en
produits de la mer sont principalement assurés par les importations ».
Les auteurs de cette étude
reconnaissent par ailleurs que
leur analyse globale pourrait être
affinée en prenant en compte les
environnements sensibles ou à
forte biodiversité comme les récifs
coralliens, ainsi que les facteurs
économiques comme la distance
aux ports, l'accès aux marchés, les
infrastructures côtières. Les conflits
avec les pêcheurs n'ont, eux non
plus, pas été intégrés, ni les critères
économiques ou culturels. « Les
zones réellement adaptées au
développement de l'aquaculture
seront certainement plus petites
que celles identifiées, admettent
les scientifiques. Cependant,
compte tenu de l'ampleur de
l'espace potentiel, cela laisse de la
marge pour installer des exploitations aquacoles. »
Marion LARRONDE-LARRETCHE

Algues : un projet « très concret »
« Il y a déjà eu beaucoup de projets
en algoculture mais surtout sur les
volets amont. Aujourd'hui le projet Polistr est très concret. Il vise
vraiment à accompagner les professionnels dans leurs démarches
d'installation », explique Rachel
Portal Sellin, chargée de mission au
Pôle mer Bretagne Atlantique. Le
Pôle mer Bretagne Atlantique qui
vient de labelliser Polistr.
Ce projet est ainsi porté par
Agrocampus ouest (le site de
Begmeil), en partenariat avec les
comités régionaux conchylicoles
de Bretagne nord et sud ainsi que

Cultures MARINES n°311 - novembre 2017

la station biologique de Roscoff,
le comité régional des pêches de
Bretagne et encore Algues services
et le groupement de producteurs
de légumes Sica. Le montant
global des investissements, tous
partenaires confondus, se monte
à 1,215 million d'euros. Le projet
étant pour l'heure encore en
attente d'un cofinancement État/
Union européenne dans le cadre
du Feamp.
Son objectif est donc de développer des méthodes innovantes
de culture des algues. « Il reste des
verrous technologiques à lever, in-

dique Rachel Portal Sellin. Certaines
espèces sont bien maîtrisées en
laboratoire mais il y a encore des
points à étudier pour pouvoir les
travailler en bassins à terre. »

Acceptabilité sociale
Le but de ce projet (qui concerne
aussi l'élevage sur filières) sera
également de travailler le volet
marketing, notamment les marchés, en visant d'abord celui de
l'alimentation humaine mais sans
oublier les filières cosmétiques
ou des biomatériaux. Polistr vise

à fournir des outils d'aide à la
décision. Pas seulement pour les
professionnels car il s'agit aussi
d'œuvrer pour l'acceptabilité
sociale de ces activités primaires.
Activités « qui nourrissent ensuite
d'autres filières sur le territoire »,
insiste Rachel Portal Sellin.
Ce projet devrait intéresser les
conchyliculteurs en quête de diversification mais aussi les professionnels qui souhaiteraient se lancer
dans l'aventure de l'algoculture. Le
projet Polistr a 36 mois pour prouver
la viabilité du secteur.
M. L.-L.

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