Cultures marines n°268 - (Page 37)

proﬁl Entreprise Un ostréiculteur sous le soleil réunionnais Nicolas Lebon, 37 ans, a fait un pari un peu fou. D’origine charentaise, cet ostréiculteur de père en fils s’est installé à La Réunion. D’une île à l’autre, il a sauté la mer comme disent les Créoles. Il en avait assez « de faire 1 400 km en trois jours pour vendre mes huîtres à travers la France ». Il n’en a pas pour autant fait une croix sur vingt ans de métier, ni lâché les 2,5 hectares de parcs (la plupart à Saint-Martin-en-Ré) et 5 hectares de claires à Nieul-sur-Mer qu’il exploite en Charentes. Au contraire, il espère écouler sa production sur ce caillou de l’océan Indien qu’il connaît si bien. Pour lui, c’est évident, le marché réunionnais est à prendre. En guise d’étude de marché, il fait appel à sa propre expérience. « Je suis marié à une Réunionnaise. À chaque visite, nous ramenions une valise d’huîtres. Elle était engloutie à une vitesse folle », souritil. Selon ses calculs, « les Réunionnais consomment au moins 45 tonnes d’huîtres à Noël et pas plus de 80 tonnes dans l’année ». Ce mets n’est pas très courant en dehors des fêtes de fin d’année. Nicolas Lebon espère changer la donne en proposant ses huîtres fraîches, élevées dans la plus pure tradition charentaise, toute l’année. Depuis mi-décembre, il a ouvert un point de vente à Saint-Gilles. Pour faire la différence par rapport aux importations qui se retrouvent de façon spo- radique sur les étals des grandes surfaces, il s’est équipé de viviers, d’une contenance de 5 tonnes, à terre afin de garder ses huîtres vivantes le plus longtemps possible. Nicolas Lebon raconte : « Ce système est utilisé en Normandie, mais surtout en Irlande et au Canada, pour des moules… Il a fallu l’adapter aux huîtres. » Une étape qui lui a coûté une partie de son stock les premiers mois. Prix plus élevé Aujourd’hui, assure-t-il, tout est rodé. Les huîtres, creuses, fines de claire, débarquent chaque semaine par paquet de 250 kg à l’aéroport Rolland-Garros après un périple de moins de 24 heures depuis l’île de Ré. Elles sont directement retrempées et arrosées par de l’eau de mer à 9 °C dans les viviers. Pompés à La Possession, 80 m3 de liquide (l’équivalent de deux piscines) circulent non-stop dans ce circuit fermé. Le réservoir est doté d’une ventilation pour réoxygéner l’eau et d’un skimmer pour filtrer les matières en suspension. Entre mi- décembre et mai, Nicolas Lebon estime avoir écoulé « 12 tonnes d’huîtres ». Rien que pour les fêtes de fin d’année, il a vendu « environ sept tonnes ». Depuis, il atteint « une tonne par mois ». Sa clientèle est essentiellement composée de particuliers. « Chaque jour, il y a de nouveaux clients. Le bouche à oreille fonctionne très bien », signale son premier salarié à temps partiel. Nicolas Lebon fournit également une quinzaine de restaurants et d’hôtels dans la zone ouest. Il vient par ailleurs de signer un contrat d’approvisionnement avec l’enseigne Carrefour locale pour « 100 kg de plus par semaine ». Au total, il compte vendre sur l’île « entre 25 et 30 tonnes d’huîtres cette année, avec au moins Bruno Graignic Constatant l’engouement des Réunionnais pour les huîtres, Nicolas Lebon, ostréiculteur charentais, a investi dans des viviers à terre sur l’île Bourbon. Cette année, il espère écouler 25 tonnes de sa production dans l’île et foisonne de projets. “ Chaque jour, on a de nouveaux clients. Le bouche à oreille fonctionne bien. ” Nicolas Lebon 40 % à Noël ». Le Charentais espère, à terme, voir l’ensemble de sa production (90 tonnes en 2012) partir à La Réunion. Une offre diversiﬁée Le prix de vente est forcément plus élevé qu’en métropole. Il faut compter « entre 10 et 12 euros de plus par douzaine ». En cause ? Le coût du transport et de l’octroi de mer (NDLR : une taxe locale). La douzaine de moyennes (les n° 3) se négocie entre 16 et 18 euros. Pour les grosses, il faut compter 22 euros la douzaine. Malgré les prix, l’activité va crescendo. Nicolas Lebon, qui a investi 200 000 euros pour s’installer, ne compte pas pour autant réaliser de bénéfices « avant 2014 ». Il n’empêche. Il poursuit les investissements dans sa petite entreprise et foisonne de projets. Il ambitionne de nouveaux points de vente dans l’île dont trois physiques (La Possession, Saint-Pierre et Saint-Denis). Il compte par ailleurs créer une société de livraison à domicile de plateaux de fruits de mer. Son exploitation de l’île de Ré, où il emploie deux salariés, le fournit en coques, bigorneaux, moules et autres palourdes. Il importe également des tourteaux de Bretagne et des langoustes d’Afrique du sud. Dès le mois d’août, il devrait embaucher deux autres salariés pour faire face aux commandes si tout marche comme sur des roulettes. Bruno GRAIGNIC f Innover et transformer sur place Les huîtres Lebon ➜ Effectifs : un salarié avec deux recrutements prévus en août ➜ Commercialisation : vente directe aux particuliers et en gros aux restaurants et grandes surfaces ➜ Production : 90 tonnes Les ateliers de Trapèze, 20 rue des navigateurs 97434 Saint-Gilles-les-Bains, Mont-Roquefeuil Tél. 06 92 883 095 - www. huitres-lebon.fr Nicolas Lebon devait lancer une expérimentation visant à transformer ses huîtres fines arrivées par avion en spéciales à La Réunion. Pour les faire grossir afin de les doter d’une consistance plus charnue (doublement du poids) en viviers. « On va nourrir l’huître à la petite cuillère pendant 30 à 35 jours », plaisantet-il. Le procédé, à base d’une algue (une diatomée) produite à terre, devrait leur donner « un petit goût sucré les différenciant de celles de métropole ». Si le test prend, ces huîtres, partiellement produites à La Réunion, devraient être commercialisées « en décembre ». Le professionnel réfléchit déjà à un label local. Autant de projets menés de front afin de conquérir les assiettes réunionnaises et pérenniser son activité. Cultures MARINES n°268 - juillet-août 2013 37 http://www.huitres-lebon.fr

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