Cultures marines n°268 - (Page 39)

recherche Entreprise une var iabilité interannuelle importante que les scientifiques ont du mal à estimer. Les résultats issus du stage d’Aude Jolivel ne sont donc, selon la maître de stage, que « des tendances », « des hypothèses qui ont besoin d’être confirmées » par des analyses sur des durées plus longues. Outre l’effet de la ploïdie, Aude Jolivel s’est aussi intéressée au taux de croissance qui, lorsqu’il est élevé, « fragilise l’huître qui utilise l’essentiel de son énergie pour se développer et a donc moins de ressources à consacrer à sa défense ». L’influence de la température a aussi été examinée de près. Ce paramètre, et notamment le passage des 16 °C, est présenté « comme l’un des principaux facteurs déclencheurs des mortalités dans de nombreux articles, mais ce lien n’avait jamais été démontré statistiquement. Nous avons ainsi pu confirmer que le passage des 16 °C constitue une période à risque, mais aussi mettre en évidence le rôle des variations de température dans le déclenchement des pics de mortalité : le déclenchement des pics ne semble pas seulement lié au passage d’un seuil É. F. aux mortalités, selon l’Ifremer Chaque poche contenait 300 huîtres au début des suivis. de température mais peut aussi être lié à une augmentation brutale de température ». « I l s’agit de phénomènes dont on avait conscience de façon empirique, précise Élodie Fleury. Les études statistiques ont permis de décortiquer les f Le premier pic est déterminant Les huîtres n’aiment pas les printemps pluvieux. Mais elles n’apprécient pas plus les débuts de saison chauds. « Plus le premier pic a lieu tôt, plus il est fort, écrit Aude Jolivel dans son rapport de stage. Plus le premier pic est important, moins il y a de pics. Plus il y a de pics, moins la mortalité est élevée. » En résumé, plus le printemps est chaud, plus les mortalités seront fortes. Ce premier pic déterminant apparaît en général entre mai et juillet sur la façade Manche et Atlantique, le déclenchement des mortalités variant selon les sites. Les plus au sud sont les premiers touchés, « ce sont aussi ceux qui connaissent les taux de mortalités les plus importants, ceux-ci allant d’environ 60 % au nord à 90 % dans le sud pour le naissain issu du captage naturel », relève Aude Jolivel. Le démarrage des mortalités semble aussi varier en fonction des années. Elles sont ainsi apparues « de plus en plus tôt de 2009 à 2011 ». Elles devraient être plus tardives cette année. « Même si l’on a connu des hausses très ponctuelles de la température, le printemps 2013 a été globalement froid », relève Élodie Fleury. Les scientifiques penchent donc pour un décalage d’apparition des mortalités par rapport aux années précédentes. Ce qui d’ailleurs se vérifie déjà. Les premières crèves ont été rapportées sur l’étang de Thau à partir du 20 mai (dans le cadre du Resco) alors que d’habitude le phénomène démarre plus généralement en début ou en milieu de mois. Si la logique est respectée, les mortalités 2013 devraient être globalement un peu moins fortes que celles des années passées. M. L.-L. cinétiques de mortalité. » Ainsi, « même si le seuil des 16 °C n’a pas encore été franchi, une variation impor tante de température peut entraîner des mortalités », insiste Aude Jolivel. « Les premiers pics apparaissent parfois avant le passage de ce seuil dans les sites situés au nord et largement après dans les sites situés au sud », ajoutet-elle encore. L’augmentation de la température de l’eau serait, pour l’huître, source de stress provoquant « des perturbations dans sa physiologie, notamment en termes de défenses immunitaires ». Aude Jolivel a par ailleurs étudié le taux d’agents pathogènes détectés dans l’huître qui est aussi un facteur de risque et a montré qu’à l’inverse, « des taux de chlo- rophylle a, de phéopigments et de salinité élevés semblent diminuer le risque mais nous disposons de trop peu de données pour conclure sur leur effet ». Enfin, l’étudiante précise que les interactions entre les facteurs ont un rôle important. Le phénomène des surmortalités est « multifactoriel », ce qui complique forcément les analyses. Marion LARRONDE-LARRETCHE (1) Aude Jolivel a réalisé son stage dans le cadre du master de l’Institut supérieur des sciences agronomiques, agroalimentaires, horticoles et du paysage. Elle était sous la direction d’Élodie Fleury, au sein de la station Ifremer de La Trinité-sur-Mer. f Immersion fin mars L’Ifremer suit, de nouveau en 2013, les mortalités de ses huîtres sentinelles. Le plan d’expérience est identique à celui des années passées avec l’étude des taux de mortalité, de la croissance et de certaines données environnementales (température et salinité) sur treize sites. Les huîtres adultes de 18 mois ont été mises à l’eau mi-mars. Les lots de naissain ont été immergés quinze jours plus tard. Les résultats du réseau d’observations conchylicoles sont mis en ligne au fur et à mesure des visites sur le terrain, de façon bimensuelle ou mensuelle (www@.ifremer. fr/observatoire_conchylicole). Cultures MARINES n°268 - juillet-août 2013 39

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