Cultures marines n°300 - 26

charente-maritime Dossier « Je suis gestionnaire de crises » Gérald Viaud préside le comité régional de la conchylicole de PoitouCharentes et le CNC. Il prépare son retrait de la vie professionnelle et syndicale, en se laissant deux ans pour boucler ses dossiers et les aﬀaires en cours. L'occasion de revenir sur les enjeux qui font battre le cœur de la profession sur le bassin. rien, nous irons jusqu'au bout parce que c'est un bon dossier. En Europe, il y a la volonté, reprise par l'État français, de développer l'aquaculture. Et pourtant, sur le terrain, on constate des difficultés qui nous empêchent d'avancer. Je crois que ce projet a été mal compris. Nous ne l'avons peut-être pas suffisamment bien présenté. Regardez dans la baie d'Yves, les filières sont en place et rien de ce qui avait été annoncé par les opposants ne s'est vérifié. Le problème, c'est qu'il est difficile d'expliquer avec des rapports scientifiques que les coquillages sont des puits à carbone, qu'ils créent des habitats, etc. On se fait prendre de vitesse par les opposants avec des formules chocs, et ensuite, c'est compliqué de remonter la pente. Ce dossier de la Maleconche, c'est un temps incroyable de perdu. C'est frustrant parce que nous avons beaucoup d'autres projets à mener, avec de la recherche, de l'innovation. Gérald Viaud. Non, les mortalités sont toujours là et le problème économique reste entier. Fatalement, les entreprises ont été obligées de faire avec. Elles utilisent davantage de capteurs, d'autres font appel aux écloseries, certaines ont lancé des cycles plus courts. Aujourd'hui, nous nous sommes habitués à travailler avec des pertes énormes, puisque nous ne vendons qu'à peine 5 % des huîtres qui viennent au monde. Le problème, c'est que le milieu ne va pas bien. Il faut moderniser les exploitations et rajeunir la clientèle. CM. Le thème de la qualité de l'eau est d'ailleurs récurrent dans vos interventions. Dans un département très marqué par le tourisme et l'agriculture, le combat n'est-il pas perdu d'avance ? GV. Aucun combat n'est jamais perdu d'avance, mais c'est une bataille de longue haleine, un débat de société aussi. Il y a quelque temps, j'étais à une réunion ministérielle avec le professeur Hubert Reeves qui disait que l'espèce humaine était elle-même en danger. C'est une réalité, toutes les espèces sont menacées, et la conchyliculture, en tant que sentinelle du milieu, l'est évidemment elle aussi. Les scientifiques disent qu'une augmentation de 1 °C de la température de l'eau 26 Cultures MARINES n°300 - Octobre 2016 David Labardin Cultures marines. Vous êtes arrivé à la présidence du CRC en 2010, juste après l'apparition des mortalités juvéniles. Peut-on dire que la profession a passé le cap aujourd'hui ? En 2018, j'arrête le CRC et le CNC. entraînerait une explosion des pathogènes. C'est très inquiétant, toutes les productions seraient touchées. Il faut faire comprendre que nous sommes en première ligne, et que si nous cédons, ce sera ensuite au tour des eaux de baignade. La qualité du milieu est un problème global et sociétal. CM. Les mytiliculteurs sont particulièrement touchés en ce moment par les mortalités. Cer tains ont même quitté le département... GV. Mais c'est pareil pour les huîtres, certains sont partis au Gabon, au Maroc, en Irlande, en Angleterre, en Croatie. Le premier exode, c'était vers la Bretagne et la Normandie. Aujourd'hui, on se rend compte que ça ne suffit plus. Il y a un vrai problème sur nos côtes qui fait qu'on ne peut plus travailler comme avant. Rappelons-nous néanmoins que nous avons subi la plus grande épizootie en 1970. Nous nous sommes adaptés, la profession s'est toujours relevée. CM. Quels seront les grands défis de la profession dans les années à venir ? CM. Quels ont été les moments marquants de votre présidence ? GV. Mon travail, depuis le début, c'est gestionnaire de crises. Il y a les mortalités juvéniles depuis 2008, les marchandes en 2012, les moules en 2014 et encore cette année. Il faut être solide, parce qu'en plus de gérer le stress de mon exploitation, il faut gérer celui de la profession. Heureusement, tout est bien encadré avec Laurent Champeau (NDLR : directeur du CRC) et les vice-présidents. Mais j'aimerais quitter la profession en me disant que tout est rentré dans l'ordre. GV. Il a la modernisation de nos exploitations, via les filières par exemple, trouver de nouveaux marchés à l'export, développer la consommation en rajeunissant la clientèle. Nous avons la chance d'avoir des produits avec une qualité nutritionnelle exceptionnelle, des produits 100 % naturels, sans intrants, sans nourriture. Il faut le faire savoir. Nous avons tous les atouts pour toucher un large public. On se fait prendre Il y a aussi l'accès au fonde vitesse par les opposants cier pour que les entreprises puissent se développer. Si on et leurs formules chocs. ne peut pas s'agrandir dans le marais ou dans les ports, ça va devenir très compliqué. Or avec la loi CM. Justement, serez-vous canLittoral, les PPRL, les conflits d'usage, didat à votre succession en 2018 ? comme pour la Maleconche, nous GV. Non, j'arrête, j'ai 66 ans. Les avons du mal à prendre notre envol. cimetières sont remplis d'irremMais le défi numéro un, c'est la qualité plaçables (rires). Je pense que j'ai du milieu. Nous avons besoin d'une assez donné, et j'arrêterai aussi au sécurité sanitaire. CNC en 2018. Après avoir quitté la représentativité professionnelle, je CM. Concernant les filières de la me donnerai deux ans pour quitter Maleconche, le dossier va-t-il enfin toute activité professionnelle. Les se débloquer ? jeunes doivent prendre le relais pour GV. C'est un dossier qui va durer donner une nouvelle impulsion à la des années, mais nous ne lâcherons profession.

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