Cultures marines n°309 - 45

gestion

Entreprise

Il rembourse son prêt de 15 000 euros en nature

C'est aux noces d'or de ses grandsparents que Julien Bahuon a proposé aux membres de sa famille de
l'aider à s'installer. Son projet ? Une
ferme labellisée bio, installée sur la
commune de Sulniac (Morbihan),
accueillant quarante vaches allaitantes, soixante-dix veaux, six truies
et une cinquantaine de charcutiers.
Un investissement de 220 000
euros et un souci : « Dégager de
la trésorerie la première année. »
La dotation jeune agriculteur de
22 000 euros a été un « bon coup
de pouce ». Tout comme les aides
européennes : 13 000 euros de
subvention pour refaire le bâtiment
accueillant les porcs sur une facture
totale de 41 000 euros.

Zéro en poche

Julien Bahuon avait prévu de rembourser sa famille à partir de la quatrième
année mais vu la bonne marche de son entreprise, il a démarré plus tôt.

Mai 2017, Julien Bahuon, lui,
est bien lancé. « Dès la deuxième
année, je peux me prélever un
salaire », se réjouit le futur papa
d'un troisième enfant. Et en janvier
prochain, le jeune agriculteur va
reprendre la ferme de son voisin
pour s'agrandir et embaucher
sa femme. Une installation qui

Julien Bahuon a touché 13 000 euros de l'Europe pour refaire le bâtiment
accueillant les porcs sur une facture totale de 41 000 euros.

roule, au point que les premiers
remboursements aux membres
de sa généreuse famille ont déjà
commencé.
Marion LARRONDE-LARRETCHE
(1) Pour 500 euros empruntés,
Julien Bahuon rembourse 515 euros.

Un nouveau mode de financement

M. L.-L.

Mais il manque encore quelques
milliers d'euros à Julien Bahuon
pour finaliser son projet et assurer
les premiers prélèvements privés.
Et en attendant de toucher les
subventions européennes qui ne
tombent qu'un ou deux ans après
la réalisation des travaux.
« Quand je suis arrivé à la banque,
j'avais zéro en poche, raconte-t-il.
J'avais déjà beaucoup emprunté
et ça paraissait compliqué d'obtenir un prêt supplémentaire juste

pour la trésorerie. » D'autant que
les prêts à court terme sont « superchers. En 2016, pour 18 000 euros
demandés, ça me coûtait 85 euros
d'intérêts par mois. Quand on peut
s'en passer... »
En avril 2015, le jeune agriculteur
profite donc d'un repas de famille
pour présenter à ses proches son
plan de financement participatif : des
prêts de 500 à 2 000 euros avec un
taux d'intérêt à 3 % non cumulatif (1)
et un remboursement à partir de la
quatrième année, en colis de viande.
« Ils ont tout de suite accroché. »
Vingt contrats ont été signés pour
un montant total de 15 000 euros.
« Avec le bouche-à-oreille, d'autres
personnes étaient intéressées mais
je n'ai pas voulu demander plus, ni
m'engager avec des gens que je ne
connaissais pas. »
Julien Bahuon a lui-même rédigé
les contrats, « très simples », qu'il
a tout de même fait valider par
sa cousine, juriste en agriculture.
« J'ai ensuite fait passer l'argent
dans le plan comptable en apport
personnel. » Il s'est ainsi installé en
janvier 2016. Le même prêt à la
banque, c'était « quasi du 6 %, croitil se souvenir. Il n'y a pas photo, il
fallait faire comme ça ».
Le financement participatif, ou
crowdfunding, est attractif, et à la
mode chez les jeunes agriculteurs.
Mais certains s'y cassent les dents.
Julien Bahuon travaille dans un
magasin de producteurs qui a levé
8 000 euros de fonds de cette façon.
Mais à Sulniac, un autre agriculteur,
éleveur de brebis, avait besoin
de 6 000 euros pour finaliser son
installation, il est passé par une
plate-forme de crowfunding, et « il
a eu du mal à y arriver ».

Marion Larronde-Larretche

Parce qu'il a déjà pas mal
de prêts bancaires sur le
dos et aﬁn de dégager de la
trésorerie la première année,
Julien Bahuon a demandé
aux membres de sa famille
de participer ﬁnancièrement
à son projet. Il leur a ainsi
emprunté 15 000 euros, qu'il
rembourse en nature.

Qu'ont en commun la campagne de Barack Obama, le Vendée globe
de Jean Le Cam, les baskets sociales et solidaires N'Go et le futur
CD de We are crook ? Leur mode de financement, participatif, très
en vogue depuis quelques années. Les plateformes françaises ont
collecté 150 millions d'euros par ce biais en 2014, 300 millions en
2015, 630 millions en 2016. Surfant sur la popularité d'internet et des
réseaux sociaux, cet outil permet de s'affranchir des acteurs financiers
traditionnels, les banques, et est utilisé dans des domaines de plus en
plus variés. Le secteur économique a représenté 47 % des projets en
France en 2016, le social 25 % et la culture 19 %.
Il existe trois types de financement participatif : les dons, avec ou sans
contreparties non financières, les prêts gratuits ou rémunérés, et enfin
l'investissement via la souscription de titres de capital ou de créance, et
dont la contrepartie est la participation aux éventuels bénéfices du projet. La catégorie des dons sans récompense est propre aux associations
et aux individuels, le plus souvent utilisée pour les projets humanitaires
ou dans l'enseignement.
Le prêt convient bien aux projets d'entreprise. La somme avancée
est alors rendue avec ou sans intérêts selon les règles fixées par le
porteur de projet. Avec l'investissement participatif, une personne
physique ou morale investit en contrepartie de parts de l'entreprise, le
contributeur devient ainsi une sorte d'actionnaire. Ces deux derniers
types de plateformes sont régulièrement utilisés en agriculture.
L'association des professionnels du crowdfunding (financeparticipative.org) recense plusieurs dizaines de plateformes. Parmi celles
basées sur le prêt, on peut citer BlueBees, une finance participative
dédiée à l'agroécologie ; Credit.fr, qui permet aux particuliers de prêter
directement aux PME de leur choix ; Ekairos qui sélectionne les projets
à impact positif (écologie, innovation, solidarité) ou encore Kengo, une
plateforme dédiée aux idées bretonnes.
M. L.-L.

Cultures MARINES n°309 - septembre 2017

http://www.cipative.org http://www.Credit.fr

Table des matières de la publication Cultures marines n°309