Cultures marines n°310 - 33

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« La néoplasie est plus développée que prévu »
moules européennes. C'est fascinant ! » La néoplasie voyage. Elle peut
aussi se transmettre, et touche les
quatre espèces étudiées jusqu'à présent : trossulus, edulis, galloproviencialis
et chilensis. Michael Metzger a ainsi
trouvé des cellules de néoplasie sur
des moules chilensis en Terre de feu,
à la pointe de l'Amérique du Sud, soit
à 12 000 km des moules trossulus des
côtes de la Colombie-Britannique.
« Ce cancer est plus développé qu'on
ne le pensait au départ », pointe-t-il.
On attend de nouvelles études : si on
la cherche, on pourrait bien trouver
aussi la maladie en Australie, en Asie,
ou ailleurs.

La néoplasie, probablement
aussi ancienne que les bivalves
Depuis quand existe-t-elle ?
Quel âge a-t-elle ? S'appuyant
sur les études récentes de la néoplasie transmissible du chien ou
du diable de Tasmanie, Michael
Metzger répond, avec l'enthousiasme du chercheur, « entre
10 ans et 10 000 ans ! Ces mortalités existent vraisemblablement
depuis longtemps, sans doute
aussi longtemps que les bivalves.
Elle peut avoir des effets sévères,
mais jusqu'à présent, il ne semble
pas qu'il y ait eu d'extinction des
populations ». Le chercheur est
plein d'espoirs. « Nos archives ont
des échantillons de cellules de ce
type, collectées il y a 7 à 8 ans. La
recherche génétique a beaucoup
avancé depuis. » Remonter dans

Hélène Scheffer

Le gratin des spécialistes mondiaux des moules était réuni début
septembre à Sète, dans les locaux
de la station méditerranéenne de
l'environnement littoral (université
de Montpellier - CNRS).
Parmi les interventions remarquées, celle de Michael Metzger, de
la Columbia University (États-Unis).
Ce spécialiste des virus s'est d'abord
intéressé aux mortalités massives
des palourdes (Mya arenaria), gros
enjeu commercial outre-Atlantique.
« Mais finalement, on s'est rendu
compte que ce n'est pas du tout un
virus !, sourit-il. Ce qui se propage
est une cellule malade » qui passe
d'un coquillage à l'autre, l'eau servant
de vecteur de transmission. Pour
mieux comprendre, le chercheur
s'est ensuite intéressé aux moules.
Pour se rendre compte que quinze
espèces différentes de bivalves étaient
touchées par la néoplasie hémocytaire. « On ne connaît pas encore
l'origine de la toute première cellule
malade », indique Michael Metzger.
Ce symposium international sur
les avancées dans la recherche sur
les moules marines est le deuxième
du genre, après celui de l'an dernier
qui s'était tenu à Vigo en Espagne.
Les meilleurs sont présents, venus
d'Australie, Russie, États-Unis, Espagne,
France, Italie, Croatie ; et font le point
sur leurs avancées.
Car depuis 2015, les scientifiques
connaissent mieux le génome de la
moule. Ils ont pu lancer des études
comparatives entre les stocks. « On
a trouvé des allèles de moules de
la Colombie-Britannique dans des

Pour Michael Metzger de la Columbia University et Jean-François Pépin,
de l'Ifremer, la connaissance du génome de la moule va permettre de
comprendre cette maladie.

le temps pourrait préciser les explications.

La meilleure protection,
la diversité
Un point de vue partagé par
Jean-François Pépin, coordinateur
du projet Morbleu (mortalités des
moules dans les Pertuis charentais)
pour l'Ifremer. « En France, nous
avons des échantillons qui ont 35
ans. La vision du génome s'améliore : les scientifiques espagnols
de Vigo ont présenté une étude
qui va bientôt détailler le génome
complet de la galloprovincialis.
Notre science évolue vite. Grâce au

génome complet, nous pourrons
développer des outils de dépistage, mieux comprendre ces épidémies et peut-être proposer des
mesures de gestion pour limiter
leurs impacts. »
Quant aux meilleurs moyens de
protection, les deux scientifiques
rappellent que si « comme pour
toutes les maladies, humaines ou
animales, la mondialisation est un
passeport pour les épidémies »,
polyculture, diversité génétique des
stocks et variété des souches « sont
de bons moyens pour se prémunir
des maladies ».
Hélène SCHEFFER

En Chine, l'algoculture réduit l'eutrophisation
écr ivent les chercheurs dans
leur article publié dans Scientific
Reports. Il faudrait une sur face
d'algoculture 17 fois plus grande
que celle existante aujourd'hui
pour venir à bout des intrants
d'azote dans les eaux côtières
chinoises, mais une surface seulement doublée pour le phosphore.
Et vu les taux de croissance de
l'algoculture en Chine, les scientifiques estiment que cette théorie
sur le phosphore pourrait devenir
réalité dès 2026.
Marion LARRONDE-LARRETCHE

Évolution de l'algoculture en Chine
2 000
Production (en milliers de tonnes de poids sec)

D'un côté, la Chine est victime
d'une eutrophisation intense sur
ses eaux côtières, le milieu est très,
trop riche en éléments nutritifs.
D e l 'a u t re, e l l e c u l t i ve d e s
algues en très grande quantité,
puisqu'elle produit plus des deux
tiers des volumes mondiaux. Le
résultat des deux ne serait-il pas
une atténuation de l'eutrophisation grâce à l'algoculture ? Oui,
répondent les scientifiques.
« L' a l g o c u l t u r e c h i n o i s e
supprime annuellement environ 75 000 tonnes d'azote et
9 500 tonnes de phosphore »,

1 500

1 000

500

0
1975

1985

1995

2005

2015

Cultures MARINES n°310 - octobre 2017

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