Cultures marines n°310 - 5

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se reproduire sur eux-mêmes pour
obtenir une bonne homogénéité
génétique, être sûr d'avoir des
qualités génomiques correctes. »
Trois tout petits mâles qui ont produit de grandes quantités de spermatozoïdes et qui auraient permis à
Grainocéan d'assurer sa production
de triploïdes. Avec un résultat remarquable, selon Éric Marissal.
Les autres écloseurs disent vouloir
continuer de travailler avec l'Ifremer,
au moins en 2018, mais ne restent pas
attentistes pour autant. « On a commencé à regarder ce qui pouvait se
faire », concède Laurent Terrien, directeur général de Marinove. « Même si
on n'a pas à s'en plaindre, on utilise
de moins en moins les géniteurs
de l'Ifremer », complète Stéphane
Angeri. « On est dans la course pour
l'accréditation », affiche Hervé Leroy,
responsable de production chez
Novostrea Bretagne.
Ce qui est moins avancé, c'est la
réglementation qui doit permettre
d'encadrer cette production (lire cidessous). Et c'est sans doute là, que
le bât blesse. Certains pourraient s'en
plaindre.
Marion LARRONDE-LARRETCHE

Graincoéan

travaillent leur autonomie

Lila Picot, de chez Génocean, et son frère Jérémi Marissal, pour Qualicoquillages, travaillent au dédoublage
de géniteurs d'angulata de 4e génération.

f Les écloseurs ne veulent pas de l'ICPE
Alors que le texte proposé pour
réglementer la production de tétraploïdes semblait prêt à être mis en
consultation publique, les écloseurs
ont écrit cet été à leur nouveau
ministre pour faire valoir leur position. Le dossier semble remis à plat.
Dès 2013, les écloseurs ont
annoncé vouloir produire leurs
propres tétraploïdes pour mieux
maîtriser le patrimoine génétique
de leurs triploïdes. Tout à fait d'accord sur le principe de fournir des
garanties et favorables au contrôle
de cette activité, ils rejettent pour
autant dès le départ l'idée d'un
régime inspiré des installations classées pour l'environnement (ICPE)
dont dépendent par exemple leurs
collègues pisciculteurs. Mais Alain
Vidalies, alors secrétaire d'État aux
Transports, à la Mer et à la Pêche
semble déterminé. À l'époque, son
portefeuille est sous la houlette de
la ministre de l'Écologie, Ségolène
Royal.

Le c o m i t é d 'é t h i q u e e t d e
précaution avait estimé, en 2004,
que « le relâcher de géniteurs
tétraploïdes dans le milieu naturel de quelques pourcents de la
biomasse pourrait entraîner en
une dizaine de générations le
basculement vers une population
exclusivement tétraploïde ». Vu le
nombre de reproducteurs utilisés,
le rapport de Bernard Chevassusau-Louis affirmait, quelques années
plus tard : « Les échappements ne
pourraient être qu'anecdotiques
[...] même en cas de malveillance
ou de catastrophe. »

Disparité régionale
Les écloseurs, eux, assurent que
ce classement ICPE pour leurs
huîtres, c'est « démesuré par rapport au risque qui est peu avéré »,
comme le résume Stéphane Angeri, président du syndicat des écloseries et nurseries de coquillages.

« Un carcan délirant par rapport
au produit », renchérit Laurent
Terrien, directeur général de Marinove.Dans une ICPE avec enregistrement, l'accord du préfet devient
indispensable et ne peut être donné
qu'après consultation des conseils
municipaux et du public. Les écloseurs craignent dès lors de ne pas
être tous logés à la même enseigne
dans les différentes régions.
Ils redoutent aussi la lourdeur
du classement ICPE qui n'est selon
eux pas adapté à leur activité. Ils
déplorent que ceux qui n'utilisent
les tétraploïdes que pour fabriquer
des triploïdes, les plus petites écloseries, soient elles aussi intégrées
à ce dispositif et gagent que ce
classement, c'est leur mort assurée.
Ils appréhendent par ailleurs d'être
pieds et poings liés à un système qui
les dépasse largement. Il existe en effet
un socle commun à toutes les ICPE
qui pourrait très bien évoluer dans les
années à venir. Si elles sont intégrées

au dispositif, les écloseries devront se
soumettre à toute modification de la
réglementation.
Enfin ils s'affolent de l'image que
ce classement pourrait renvoyer au
grand public. « Pourquoi nous regarder au même niveau qu'une centrale
nucléaire ou une usine chimique ? »,
interroge Stéphane Angeri.
Après plusieurs lectures du texte
proposé par l'administration et après
conseil auprès de leurs avocats, les
écloseurs ont donc décidé de rejeter
cette proposition. « On peut offrir les
mêmes garanties sans passer par
l'ICPE », assure Stéphane Angeri.
Leur nouveau ministre de tutelle,
Stéphane Travert, en charge de l'Agriculture, n'aura peut-être pas la même
lecture du dossier que son prédécesseur. En attendant, aucun texte ne
réglemente la production d'huîtres
tétraploïdes. Même si Alain Vidalies
en avait annoncé un pour début 2016.
M. L.-L.
Cultures MARINES n°310 - octobre 2017

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