Cultures marines n°314 - 5

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Une « bombe » sur l'anse de Carteau

« C'est affreux. » Denis Manias, le
président de la Coopaport, la coopérative des conchyliculteurs de PortSaint-Louis-du-Rhône, est sonné.
En ce lundi 12 février, il sort à peine
d'une réunion de crise organisée
avec la trentaine de membres de la
coopérative. Le matin, un article du
journal Le Monde a eu l'effet « d'une
bombe atomique qui nous est
tombée dessus ».
L'article publie les conclusions
d'un rapport de l'association de
défense et de protection du littoral
du golfe de Fos (ADPLGF) qui pointe
la présence de polluants dans sept
produits alimentaires locaux, dont

les moules de l'anse de Carteau. L'association décide de porter plainte
contre X, soutenue par le maire de
Fos-sur-Mer. Dans la journée, l'article
tourne en boucle sur les réseaux
sociaux et dans les grands médias.
Malgré des tests scientifiques dont
la démarche est remise en cause (lire
ci-dessous), l'image des produits est
largement écornée.

« Aucun danger pour
la santé »
La nouvelle est tombée d'autant
plus abruptement que l'ADPLGF,
qui est domiciliée à quelques
kilomètres de Port-Saint-Louisdu-Rhône, n'a contacté aucune
des organisations de producteurs
ciblés. « Le président de l'association a communiqué tout seul,
juste avec la mairie de Fos-sur-Mer,
fulmine Denis Manias. Les gens
disent n'importe quoi sans penser

aux conséquences. » Les premiers
impacts se sont déjà faits sentir. Le
jour même de la publication de l'article, une grande surface a refusé de
réceptionner une palette de moules
d'un producteur de la Coopaport.
Très rapidement, Denis Manias
aler te les médias locaux pour
démentir ces informations. Le soir,
avec une quinzaine de professionnels, il assiste à la réunion publique
organisée à Fos-sur-Mer. Devant
un public fourni, Daniel Moutet,
le président de l'ADPLGF, admet
qu'il n'y a « aucun danger pour la
santé à consommer des moules
de Carteau » et se défend de vouloir
« détruire les éleveurs de taureaux
ou de moules, victimes, au même
titre que tous ceux qui ont des cancers à Fos ou à Port-Saint-Louis ».
Il se dit désolé de cet emballement
médiatique « involontaire ». Les
vœux de l'association : que l'État et
le préfet regardent de près les pollu-

tions dont se plaignent les habitants
de la ville. « Il faut continuer à manger des moules », insiste depuis
Daniel Moutet.
Vendredi 16 février, alors que
nous mettions sous presse, les
présidents d'associations d'éleveurs
devaient se réunir pour répondre
de façon collégiale. De son côté,
Denis Manias organisait une conférence de presse avec le maire de
Port-Saint-Louis-du-Rhône qui juge
cette communication « irresponsable et irrespectueuse envers les
professionnels et producteurs ». La
direction départementale des Territoires et de la Mer, celle de la Protection des populations et l'Ifremer
seront aussi présents. Le président
de l'ADPLGF se dit prêt à « s'allier
à 100 % avec les producteurs
pour faire diminuer cette pression
médiatique qui est anormale ».
Hélène SCHEFFER

Hélène Scheffer

Mi-février le journal Le Monde
accusait, rapport à l'appui, des
aliments du golfe de Fos de
contenir des polluants. Parmi
les produits incriminés : les
moules de l'anse de Carteau.
Vraisemblablement à tort.

Les professionnels ont une vue de premier choix sur les sites industriels,
accusés de contaminer certains produits alimentaires locaux.

f Un protocole vétérinaire de proximité
Quelles sont les procédures scientifiques ayant abouti aux résultats
de cette étude sur les produits alimentaires ? « Les prélèvements qui
ont servi pour cette étude n'ont
pas été réalisés dans nos tables,
dénonce Denis Manias. L'association aurait acheté ses échantillons
au marché. Avec quelle traçabilité ? » Les producteurs de l'anse de
Carteau sont d'autant plus déstabilisés qu'ils travaillent en partenariat
étroit avec les services vétérinaires
de la direction départementale
de la Protection des populations
(DDPP).
O u tre l es p rél èvem ent s d e
l'Ifremer, le laboratoire d'analyses
départemental a mis en place un
protocole de surveillance de la
présence de métaux lourds dans
les moules. « Rien n'a été trouvé,

Ce que dit l'article du Monde

souligne le président de la Coopaport. S'il y avait le moindre risque
sanitaire, les services de l'État ne
nous laisseraient pas commercialiser les moules. »
À la suite de l'étude de l'association, la DDPP a indiqué qu'en 2017,
elle avait réalisé 45 prélèvements
sur des ovins, des bovins, du miel
et des poissons et qu'aucun n'atteignait de valeur critique. Le préfet
des Bouches-du-Rhône a estimé le
13 février que l'étude avait un « fondement méthodologique insuffisant », ajoutant, qu'entre 2009 et
2017, 440 prélèvements avaient été
effectués et que « toutes ces analyses se sont révélées conformes à
la réglementation européenne ».

« À Fos-sur-Mer, la pollution
industrielle contamine aussi les
aliments », tel est le titre de l'article
du Monde qui pointe les coquillages dès son sous-titre : « Une
étude inédite révèle la présence
importante de dioxines et de
PCB dans la viande de taureau ou
les moules. La mairie soutient le
dépôt d'une plainte contre X pour
mise en danger de la vie d'autrui. »
L'a r t i c l e p a r a î t l e j o u r o ù
l'ADPLGF, l'association à l'origine
de l'étude, a prévu d'organiser
une conférence de presse et
une rencontre publique. « Entre
2009 et 2015, l'ADPLGF a piloté
une campagne sur des produits
alimentaires du pourtour du
golfe de Fos, qui compte une
vingtaine d'installations indus-

trielles classées Seveso, poursuit
l'article. Des prélèvements ont
été réalisés sur sept produits certifiés AOC (taureau de Camargue,
mouton de Crau, fromages de
chèvre, œufs de poules élevées
en plein air, moules de Carteau à
Port-Saint-Louis-du-Rhône, huile
d'olive et foin de Crau) et des
poissons du golfe. » Viande de
taureau et œufs sont qualifiés de
particulièrement « inquiétants ».
Les fromages de chèvre et les
moules afficheraient des taux
« supérieurs à la moyenne nationale ». Le président de l'ADPLGF
regrette aujourd'hui cette vague
médiatique et estime que « les
médias se sont acharnés ».
H. S.

H. S.
Cultures MARINES n°314 - mars 2018

Cultures marines n°314

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