Cultures marines n°314 - 7

grand angle

Actualité

Moules sélectionnées : les CRC appelés à se prononcer
Les professionnels sontils favorables ou non aux
travaux de l'Ifremer sur la
sélection des moules ?
Scientifiques, administration et responsables professionnels se sont expliqués
sur le sujet mi-février. Le
CNC a émis des réserves
mais attend le positionnement des CRC.

« Très fortes réticences »
Le CNC a donc rappelé « son
attachement » au programme
Morbleu tout en exprimant de
« très for tes réticences » à la
poursuite du volet spécifique
concernant les moules sélectionnées. Mais il n'a pas été beaucoup plus loin sur la question. La
direction des Pêches maritimes
et de l'Aquaculture (DPMA) aurait
demandé à la profession de se

Bertrand Tardiveau

La réunion promise a bien eu lieu.
Le lundi 12 février, représentants
professionnels, administration,
scientifiques de l'Ifremer se sont
assis autour d'une table pour évoquer le programme de recherche
Morbleu et plus particulièrement
l'expérimentation sur le potentiel
adaptatif des moules (« Cultures
marines » n o 312). « Ça s'est très
bien passé, commente Bernard
To b i e, p r é s i d e n t d u s e c te u r
moules et autres coquillages au
Comité national de la conchyliculture (CNC). Même si on ne
règle pas tout en une réunion.
C'es t un d ossi e r qui res te à
suivre. »

On ne règle
pas tout en une
réunion, c'est un
dossier qui reste
à suivre.

prononcer sur la continuation
de cette expérimentation. Les
comités régionaux de la conchyliculture (CRC), actuellement en
cours de renouvellement, « sont
invités à faire connaître leur
position à l'occasion de la prochaine réunion de leur conseil »,
indique le CNC.
Le prochain conseil du Comité
national sera donc l'occasion
d'adopter une ligne de conduite
au sujet de l'expérimentation de
l'Ifremer, et de « définir une stratégie » au sujet de la délibération
de 2013 interdisant l'immersion
de moules triploïdes et d'écloserie en milieu naturel. « Cette
délibération est aujourd'hui
toujours en vigueur, rappelle
le Comité national, mais sans
efficacité juridique opposable
tant qu'elle n'a pas été rendue

obligatoire par l'autorité administrative. »
En attendant que les CRC se
prononcent sur le sujet, le CNC
a détaillé dans un communiqué
de presse ses réticences sur cette
expérimentation. Il estime que
« toute immersion de produits
ayant fait l'objet d'un passage
en milieu artificiel » présente des
risques. Il regrette que « certains
mytiliculteurs aient été amenés,
dans le cadre d'une information
défectueuse sur la nature exacte
des produits, à les immerger sur
leurs propres parcs ».

Absence d'autorisation
Il dénonce « l'absence d'autorisation spécifique de l'Ifremer
pour conduire ces expérimentations en milieu ouvert, sans avis

des commissions départementales de cultures marines, alors
que des règles contraignantes à
cet égard sont opposables aux
conchyliculteurs ». Enfin, le Comité
national constate « une communication difficile entre l'Ifremer et
la profession sur ce volet du programme » et affirme que l'information est restée « insuffisante » et
qu'il y a eu une « absence d'écoute
des oppositions et réticences
exprimées par la profession ».
Les immersions en milieu
naturel de lots de moules nées
en laboratoire sont menées par
l'Ifremer depuis 2016 et devaient
s'achever en 2018, à en croire le
CNC. La question est de savoir si
elles s'arrêteront plus tôt que prévu
ou pas.
Marion LARRONDE-LARRETCHE

Un chercheur de l'Ifremer menacé de sanctions

Julien Normand est chercheur
à l'Ifremer de Port-en-Bessin et
responsable du réseau national
d'observation de la moule bleue
(Mytilobs). L'annonce de l'expérimentation sur les moules sélectionnées ayant provoqué l'ire de
certains professionnels (« Cultures
marines » n° 313), il a décidé de
détruire les lots immergés en
Normandie. Ce que ne comprend
pas sa direction qui l'a convoqué
à un entretien préalable à une

sanction administrative le mercredi
31 janvier.
Celle-ci lui reproche le préjudice
scientifique lié à la perte d'un
échantillon dans le cadre d'un
projet de recherche en cours et
le préjudice d'image auprès des
professionnels. Franck Jacqueline, délégué syndical CGT du
centre Ifremer Manche - mer du
Nord, défend bec et ongles son
collègue : « C'est complètement
injuste. Julien est quelqu'un de

consciencieux, d'honnête, il est
expert dans ce domaine. Je suis
scandalisé. »
Franck Jacqueline souligne que
Julien Normand a agi de la sorte
« pour désamorcer le conflit » et
affirme « preuves écrites à l'appui »
que le chercheur aurait alerté
plusieurs fois ses collègues et ses
supérieurs sur le fait que le sujet
était polémique et que la communication auprès des professionnels
n'était pas satisfaisante.

La direction de l'Ifremer considère qu'il s'agit d'une affaire interne
qu'elle ne souhaite pas commenter. Sa décision concernant
d'éventuelles sanctions administratives était attendue deux à trois
semaines après l'entretien mais
n'avait pas encore été prononcée
à l'heure où nous mettions sous
presse.

M. L.-L.
Cultures MARINES n°314 - mars 2018

Cultures marines n°314

Table des matières de la publication Cultures marines n°314