Cultures marines n°316 - 25

techniques d'élevage

Dossier

balbutiements et potentiels

un projet à vocation
trois secteurs du parc marin ont
été identifiés. Le site historique
de l'archipel de Molène, déjà
concerné par une première
demande qui n'avait pas abouti,
celui des Blancs sablons et le site
de Plougonvelin, près de l'anse
de Bertheaume.
Quatre partenaires sont
déjà réunis autour de cette
expér imentation : le CR C, le
Ceva, le parc marin d'Iroise et
une entreprise d'exploitation
d'Ille-et-Vilaine. Thierry Chopin,
expert international reconnu de
l'AMTI, supervisera l'ensemble.
Le dossier n'a pas encore été
déposé auprès de l 'administration, le comité cherchant à
identifier les possibles sources
de financement, outre la mesure
47 du Feamp. « Il n'y avait pas
de lancement d'appel à projets
sur 2018. On patientera jusqu'à
2019 », sourit Benoit Salaun.
B. S.

vité aquacole ; tous cherchent
des appuis scientifiques et techniques pour les mettre en place. »

Multi-trophique incomplet
Ce tour d'horizon hexagonal
a surtout permis de découvrir
qu'aucun des projets d'AMTI ne
comporte les trois caractéristiques
du multi-trophique : poissons, coquillages et mollusques, et algues.
« En tout cas, pas en pleine mer,
précise Pierre Eyrolles, la plupart
du temps les projets concernent
algues et mollusques, ou mollusques et crustacés. »
Des projets qui imposent, en
plus de conséquents investissements financiers, de parfois faire
face à des freins sociétaux. « Il y
a une réticence des conchyliculteurs et des pêcheurs ; les uns
à cause des marchés, les autres
à cause de la concurrence pour
l'espace puisque les concessions
seront sur le DPM, explique
l 'i n g é n i e u re , M a r i e Le s u e u r.

Aujourd'hui, il faut être vraiment
motivé pour déposer un projet et
le mener à terme. »
D'autant que l'AMTI est encore
loin d'avoir fait ses preuves. Également impliqué dans le projet
Integrate, le scientifique Bertrand
Jacquemin, chef de projet au
Centre d'étude et de valorisation
des algues (Ceva), reste prudent
sur les bienfaits annoncés de
l'aquaculture multi-trophique
intégrée. « Les Norvégiens n'ont

pas été capables de prouver les
interconnexions entre le poisson et les laminaires. C'est très
compliqué de confirmer que les
algues profitent bien des rejets
des poissons. Il faut que l'on
trouve les indicateurs qui vont
prouver que l'AMTI fonctionne.
Si à terre les modèles existent,
en mer, c'est uniquement de la
théorie. »
Bruno SAUSSIER

f Integrate
Integrate a pour objectif de promouvoir le développement de l'aquaculture multi-trophique intégrée. Il regroupe cinq pays de l'arc Atlantique
(Écosse, Irlande, France, Portugal et Espagne) et huit structures (université NUI de Galway, Irish Seaweed Consultancy, Sams, Alga, Ceva, Agrocampus, CT aqua et IPMA). Le projet a débuté en juin 2017 et s'étendra
jusqu'en 2020. Outre les classiques volets management, communication
et capitalisation, il comprend un volet technique (comme l'atelier du
25 avril, dirigé par l'Agrocampus ouest), un autre environnemental (qui
aura lieu à l'automne 2018 et sera porté par l'Institut portugais de la
mer et de l'atmosphère), un volet réglementation et enfin un dernier
économique et social.

f Première récolte pour Symbiomer
C'est l'un des projets les plus avancés en matière d'AMTI. Obtenue
fin 2017 à l'embouchure du Trieux
(Côtes-d'Armor), la concession
multi-trophique de Symbiomer
développe macro-algues et truites
arc-en-ciel élevées en mer sur
trois hectares. « On aurait dû ensemencer début décembre mais
mon navire principal a coulé,
alors on n'a pu lancer la première
cage que début février », explique
Alexis Bouvet, co-dirigeant de
l'entreprise avec le pêcheur Yannick Hémeury.
Spécialisé dans les algues
(récolte à pied, pêche en mer et
aquaculture), Symbiomer a fait
breveter son propre procédé
d'AMTI : une cage flottante dans
laquelle les truites évoluent avec
des filières de saccharina sur le
pourtour. « Les unes comme les
autres sont calées sur le même
cycle. Les premiers résultats
techniques sont très bons et à la
mi-mai nous aurons aussi les premiers retours avec le démarrage
de la commercialisation. »

Symbiomer

Pour cela, il a fallu commencer par
recenser les porteurs de projets.
« On a eu du mal à identifier les
structures. Les professionnels
sont réticents à parler de leur
recherche et développement. Ils
veulent garder leur avance. » Une
discrétion à laquelle chercheurs
écossais, irlandais, portugais et
espagnols se sont également
heurtés.
En France, cinq à six entreprises
avec une activité aquacole ont pu
être clairement identifiées avec un
projet AMTI en cours. Et aucune ne
travaille exclusivement sur le multitrophique. Pierre Eyrolles, chargé
de mission du projet Integrate
à Agrocampus ouest, explique
ce faible nombre : « Nous ne
nous sommes intéressés qu'aux
cultures en mer, pas à l'aquaponie, ni à ce qui se fait en eau
douce. Partout, nous sommes sur
de l'expérimentation.
Nous avons également trouvé
une demi-douzaine d'entreprises
qui réfléchissent à des projets
d'AMTI pour diversifier leur acti-

Alexis Bouvet se dit « très satisfait de la technologie Symbiomer.
Elle fonctionne. »

Cerise sur le gâteau : une fois vidées, ces structures flottantes sont
en repos biologique jusqu'à l'hiver.
Une bonne façon de se concilier
les bonnes grâces des potentiels
opposants, puisque Symbiomer
va renvoyer ses cages à la côte
afin de libérer l'espace pour la

plaisance. Tout en assurant une
jachère de la concession durant
six mois : « Histoire de remettre à
zéro l'environnement s'il y avait
le moindre risque de pollution.
Ce dont je doute. »
B. S.
Cultures MARINES n°316 - mai 2018

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