Cultures marines n°316 - 7

grand angle

Actualité

Spiruline : une filière difficile à créer
Faire en sorte qu'en Bretagne
se crée une vraie ﬁlière sur ce
marché prometteur des microalgues et de la spiruline. C'est
l'objectif aﬃché de la journée
d'échanges qui s'est tenue
le 17 avril dans les Côtesd'Armor.
« 60 tonnes de micro-algues
sont produites en France chaque
année. On est des petits joueurs
comparés aux 10 000 tonnes
produites annuellement dans le
monde, et on n'a pas vocation
à rester des petits joueurs. » La
phrase est de Pierre Karleskind,
vice-président de la région Bretagne en charge de la mer et des
infrastructures portuaires. Elle en
dit long sur l'ambition qu'a la région
de tirer parti de la trentaine de
producteurs, centres techniques,
organismes de recherches et entreprises installées sur son territoire. Et
qui travaillent sur le sujet, souvent
chacun dans son coin.
Pour entrer dans la cour des
grands, une journée d'échanges
était organisée par la région Bretagne, le Ceva, le Pôle mer Bretagne
Atlantique et le centre d'innovation

Car le secteur des micro-algues
porte en lui tous les espoirs. De
septembre à décembre dernier, la
région a commandé à la société
D&Consultants une étude afin
d'évaluer l'opportunité du développement économique d'une
telle filière. Sur plus de 70 pages, le
prestataire y décline état des lieux,
techniques, rendements, règlement, marchés et dresse quatre
grands constats et pistes d'action.
« Dans chaque domaine, les
atouts et les faiblesses ont été
identifiés », résume Elaine Le Lan,
chargée du développement des
activités halieutiques à la région
et missionnée pour la restitution
de l'étude aux 150 producteurs,
entrepreneurs, scientifiques et faci-

note Stéphanie Guillotin, de
Capbiotek. « Pendant longtemps,
on a eu des petits producteurs,
vraiment artisans, et le chaînon
intermédiaire n'était pas occupé »,
poursuit Rachel Portal-Sellin, du
Pôle mer Bretagne Atlantique. Les
choses sont en train de changer.
Au Pôle mer, 58 projets labellisés
concernent les algues, dont 18 les
micro-algues.
Bruno SAUSSIER

Bruno Saussier

Croissance annuelle à 3,05 %

Plus de 150 personnes ont assisté aux différentes tables rondes consacrées aux micro-algues.

Pourquoi la spiruline française ne peut (presque pas) être bio ?

C'est le sujet qui fâche les producteurs français de spiruline.
« Chaque jour, on doit répondre
à cette question posée par nos
consommateurs. C'est usant. » Le
spirulinier qui parle est Laurent Lecesve, un ingénieur Arts & métiers
venu à la production de microalgues en 2009 via les énergies
renouvelables et la méthanisation.
Passionné par son métier, il regrette
la classification de la spiruline en
micro-algue par Bruxelles, l'an
dernier. « Ce n'est même pas une
algue, c'est une cyanobactérie.
Mais il faut reconnaître que c'est
moins vendeur. »
Or cette classification met par
terre des années de travail vers la
certification bio. « Aujourd'hui,
pour être en bio, la législation
européenne rend obligatoire
l'utilisation d'intrant d'origine
végétale. Or notre technique de
production utilise des fumiers et
des lisiers pour fertiliser nos bas-

sins, comme le fait le maraîcher. »
Une bonne façon de tirer parti de
cet excès d'azote qui, au lieu de polluer, permet de nourrir la spiruline
dans un cercle vertueux.
Regroupés en fédération, les
Spiruliniers de France (premier

producteur européen) ont entamé
des démarches pour que l'Europe
révise sa position : « L'issue est
incertaine car la spiruline est la
niche d'une niche. Pas un enjeu
majeur pour l'agriculture biologique. » Il y a quelques mois encore,

B. S.

litateurs des différents organismes
présents dans la salle.
Bilan : si la Bretagne veut profiter
de ce marché mondial qui pèse
254 millions d'euros et dont le
taux de croissance annuel moyen
est fixé à + 3,05 % sur les quatre
prochaines années, elle va devoir
s'organiser. « La région produit
environ 25 tonnes chaque année,
presque entièrement réalisées par
les sociétés Tam et LDC algaé »,

technologique CBB Capbiotek
le 17 avril à Ploufragan (Côtesd'Armor).
En cinq tables-rondes réunissant
une trentaine d'experts, un panorama quasi complet a été dressé.
Surtout, des dizaines de facilitateurs se sont fait connaître et ont
tout fait pour être sollicités.

Nathalie de Poix et Laurent Lecesve, fer de lance des Spiruliniers de France
sur le combat du bio.

toute la spiruline disponible en
magasins bio provenait de pays
non-européens.
Depuis, certains gros producteurs hexagonaux ont migré sur
une technologie utilisant des
intrants végétaux « alors que nous
avions créé et déposé un cahier
des charges biologique à l'Inao.
Mais avant qu'il puisse être mis en
application, la modification s'est
faite au niveau européen », peste
Laurent Lecesve.
Depuis, les producteurs tentent
de faire évoluer la législation et de
trouver une solution quant à ces
intrants végétaux, possiblement
très gourmands en importations
de soja et générateurs d'importants
rejets dans l'environnement. « Un
contresens pour nous qui militons pour une spiruline éthique »,
glisse Nathalie de Poix, ex-présidente de la fédération.
B. S.
Cultures MARINES n°316 - mai 2018

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