Cultures Marines n°317 - 37

recherche

Entreprise

Les scientifiques ont étudié deux
types de mesures : les échantillons
prélevés dans le milieu et les données satellitaires. Leurs analyses
tendent à montrer que les niveaux
de chlorophylle - et donc la quantité totale de phytoplancton - sont
aujourd'hui en baisse par rapport à
la fin des années 1990.
Cette recherche est au cœur
du projet S3-Eurohab, démarré
en mars 2017 pour une durée de
quatre ans, et doté d'un budget de
3,76 millions d'euros. Son objectif
est de suivre la quantité totale de
phytoplancton dans le milieu mais
aussi de se focaliser sur certaines
espèces nuisibles ou toxiques. Les
efflorescences algales nuisibles

peuvent avoir un impact fort sur la
conchyliculture bien sûr mais aussi
sur la pêche ou encore le tourisme.
En Europe, les coûts annuels de
ces blooms sur lesdits secteurs
sont estimés à plus de 918 millions
d'euros.
La tendance à la diminution de
la quantité de phytoplancton serait
« liée à la baisse des éléments
nutritifs apportés par les fleuves,
essentiellement l'azote et le phosphore », explique Francis Gohin,
chercheur au laboratoire d'écologie
pélagique à l'Ifremer, dans un communiqué de presse.
« Le premier pic printanier
de prolifération en mars-avril
reste important, mais ensuite les

Ifremer

Manche : moins de phytoplancton depuis 20 ans

Efflorescence algale en Vendée, le 17 avril 2018.

concentrations en chlorophylle
sont plus réduites, d'un facteur
dépassant 30 % sur cer tains
sites. »
Cette évolution est par ailleurs

à nuancer, avec la persistance de
ces efflorescences toxiques dans
certaines conditions locales.
Marion LARRONDE-LARRETCHE

Des algues pour réduire le recours aux antibiotiques
possibles, c'est leur intérêt pour
renforcer l'immunité des animaux
qui suscite aujourd'hui toute

Marion Larronde-Larretche

De l'alimentation humaine à la
cosmétique, les algues ont de
très nombreuses applications

Moins de 1 % des élevages porcins en France sont certifiés bio.

l'attention de l'Institut national de
la recherche agronomique (Inra)
et de la société bretonne Olmix.
« La paroi cellulaire des algues
contient de grandes quantités
de polysaccharides sulfatés dont
diverses études ont montré leur
large panel d'activités biologiques, y compris anticoagulante,
antimicrobienne, antiproliférative, antitumorale et immunomodulatrice », expliquent l'Inra et
Olmix dans un communiqué de
presse commun.
Leurs recherches ont ainsi montré que l'extrait issu de la macroalgue verte Ulva armoricana stimulait la production, par des cellules
de l'intestin de porc, de molécules
médiatrices de l'immunité. L'objectif serait donc d'incorporer un com-

plément naturel à base d'algues
dans la fabrication des aliments du
bétail pour augmenter la résistance
des animaux aux infections bactériennes et réduire ainsi l'usage des
antibiotiques dans les élevages.
Les élevages bio, où l'utilisation
des antibiotiques n'est pas interdite
mais très réglementée, ne représentaient en 2016 que 4 % du total
des élevages de vaches en France,
6 % pour les brebis. Avec leur extrait
d'algue, Olmix entend s'adresser
aux 95 % de fermes conventionnelles. Rappelons par ailleurs que
la société bretonne a levé 30 millions d'euros auprès de la banque
européenne d'investissement en
novembre dernier.
M. L.-L.

Une nouvelle algue rouge dans les eaux bretonnes
« On les appelle les espèces autostoppeuses », s'amuse Michel Le
Duff, ingénieur de recherche à
l'observatoire marin de l'institut
universitaire européen de la mer.
Certains organismes grappillent
chaque année quelques degrés de
latitude pour s'installer de plus en
plus au nord, à la faveur du changement climatique. « Ces algues-là
ont pris la voiture, elles ont fait
200 km d'un coup ! »
Ces algues-là sont des algues

rouges, dénommées Centroceras
clavulatum. Elles ont été aperçues
pour la première fois en France
dans l'étang de Thau, au début des
années 2000, puis dans le bassin
d'Arcachon, puis dans le golfe du
Morbihan en 2014 et enfin en septembre 2017 en Bretagne nord, près
de l'île de Bréhat. Thau, Arcachon,
golfe du Morbihan, Bréhat, la distribution de l'espèce correspond à
celle des grands bassins ostréicoles
français et ce n'est pas un hasard.

Michel Le Duff et ses collègues
n'ont que peu de doutes et considèrent les transferts de coquillages
« comme le vecteur probable
d'introduction ».
Le phénomène n'est pas isolé.
Entre les algues arrivées par transferts de coquillages et celles importées volontairement pour être
cultivées, « dans certaines zones, il
y a plus d'espèces exotiques qu'indigènes, reprend le scientifique.
Certains Britanniques affirment

même qu'un quart de leur flore
algale est d'origine étrangère ».
Une fois arrivées sur place, certaines espèces se maintiennent,
d'autres non, selon les conditions.
Parfois elles deviennent même
envahissantes. D'après Michel Le
Duff, Centroceras clavulatum ne
devrait pas poser de problème. C'est
une petite algue « inoffensive de
2 à 2,5 cm de haut, un peu comme
un gazon ».
M. L.-L.
Cultures MARINES n°317 - juin 2018

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