Cultures Marines n°317 - 39

reportage

Entreprise

le cheminot devenu ostréiculteur

M. L.-L.

Ras-le-bol de la SNCF, Maxime
Cochennec démissionne et
vient s'oxygéner en Bretagne.
Le 1er avril, il a ouvert deux
nouveaux espaces pour faire
déguster ses huîtres à Carnac
et à Belle-Île.

M. L.-L.

Poches moulées, dos collés, boosters, bientôt des paniers australiens,
tous les moyens sont bons pour optimiser la croissance.

Chantier, manitou, viviers, chambre froide, chaland, l'ex-conducteur
de train a réalisé de gros investissements. « Je suis reparti de zéro. »

Il a changé de voie. Maxime
Cochennec était conducteur de train
à la SNCF depuis dix ans. « À 35 piges,
j'en avais marre de ne pas avoir de
rythme de travail, seulement huit
week-ends par an de repos. » Il décide donc de prendre la clef des parcs.
En 2014, il rachète le chantier
familial situé à Carnac (Bretagne sud).
L'année d'après il retourne sur les
bancs de l'école, à Étel. « Je n'attendais que ça. Ça faisait deux ans que
je vendais des huîtres à Belle-île en
achat/revente. » Il voulait produire
ses propres coquillages.
Consécration de son projet, le
1er avril dernier il inaugure deux nouveaux espaces de dégustation. Le
premier à Carnac, sur son chantier, le
second à Belle-Île, sa terre d'adoption.
Le rythme de travail est devenu plus
régulier... à raison de quinze heures
par jour ! « Je m'arrache pour que ça
marche mais au moins je sais pour
quoi je bosse. »
À l'aube, ses huîtres partent avec le
premier bateau pour Belle-Île. Là-bas
il fournit « 80 % des restaurants » et
depuis quelques semaines le nouvel
espace de dégustation. À Carnac, on
peut goûter ses huîtres jusque vers
20 h-21 h. Les journées sont longues.
« Gamin, je venais retourner des
poches avec mes grands-parents. »
La trentaine bien engagée, Maxime
Cochennec est donc revenu à ses
premières amours. « Je suis reparti
de zéro. Je n'avais pas de stock, pas
de matériel, juste le chantier. » Et sa
clientèle à Belle-Île. « Je me suis fait
la main là-bas. On n'apprend pas à
vendre des huîtres en conduisant
des trains ! »
Le néo-conchyliculteur a réalisé de
gros investissements : parcs, manitou, viviers, chambre froide, ponton,
véhicule, un nouveau bâtiment qui
devrait prochainement sortir de
terre... L'EARL Keryvonne - du nom
de sa grand-mère - dispose à présent
de trois hectares de concessions
à Carnac et un demi-hectare dans
le golfe du Morbihan, où Maxime
Cochennec compte faire revivre la
tradition des plates qu'élevaient ses

aïeux. En tout il a aujourd'hui 5 000
poches à l'eau. « J'aimerais sortir
50 tonnes cette année et le but est
de réussir à monter à 80 tonnes
dans les deux à trois ans. »
L'ostréiculteur possède aussi un
parc de captage à Fouras qui devrait lui
permettre d'assurer son approvisionnement pour les fêtes de fin d'année.
Maxime Cochennec pense écouler
un tiers de sa production à Noël, les
deux autres d'avril à septembre.
Une bonne part de sa commercialisation sera donc estivale, et pourtant,
Maxime Cochennec « privilégie la
naturelle ». Il travaille un peu de
triploïdes « pour satisfaire un gros
client restaurateur » et sinon utilise
« des moyens simples » pour faire
délaiter ses huîtres l'été. « Ce n'est pas
un problème. »

Booster la croissance
Le jeune conchyliculteur essaye
par ailleurs d'optimiser au mieux la
pousse, a acheté des paniers australiens qu'il ne va pas tarder à tester,
possède des poches moulées déjà
à l'eau, des boosters de plusieurs
sortes, coupe et plie l'extrémité de ses
poches « en paquet cadeau » pour
en augmenter le volume. Maxime
Cochennec teste tous azimuts.
L'arrêté préfectoral encadrant la
dégustation de coquillages dans le
Morbihan réglemente rigoureusement l'activité. Nombre de places
limité à 50, fermeture des portes
à 22 h, chiffre d'affaires plafonné à
50 000 euros, seulement trois produits de substitution autorisés, qui
ne peuvent pas être cuits... « Ils me
demandent tous du homard ! »
Certaines obligations peuvent être
habilement détournées, comme la
cuisson des homards sur des barbecues par les clients eux-mêmes,
d'autres doivent être respectées. « Ce
qui me gêne c'est que les règles ne
soient pas les mêmes pour tous... »
À l'aube de sa première vraie
saison, Maxime Cochennec se dit
« assez fier » de ce qu'il a déjà accompli, « sans prendre le melon », assuret-il. Deux beaux espaces de dégustations, deux emplois créés à Belle-Île,
deux autres à Carnac (son père et sa
sœur), une aide supplémentaire cet
été, plus son propre salaire. L'ex-cheminot est sur de bons rails.
Marion LARRONDE-LARRETCHE
Cultures MARINES n°317 - juin 2018

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