Produits de la mer - n°173 - juin 2017 - 56

Dossier ❘ THON

Accords et désaccords
Si les dispositifs de concentration du poisson restent
au cœur des débats, des engagements en faveur
d'une meilleure gestion des pêcheries se manifestent.
Même si des désaccords demeurent.

L.F.

a ressource thonière ne saurait être
gérée au niveau des zones économiques exclusives. « L'ampleur des
migrations du thon dépasse largement
cette échelle
échelle », rappelle Alain Fonteneau,
ancien chercheur à l'IRD (1). Un temps
remises en cause, les organisations régionales de gestion de la pêche créées dans les
années 1950 pour gérer les stocks de thon au
niveau international font maintenant l'unanimité. Il reste cependant des désaccords
autour des dispositifs de concentration du
poisson (DCP). En 2015, sous l'impulsion
d'Orthongel, l'organisation regroupant une
partie des armateurs français au thon tropical (2), la Commission thonière de l'océan
Indien (CTOI) a limité leur nombre à 550 DCP
actifs par senneur à fin 2016 ; accord jugé
historique dans un contexte opposant les
flottilles françaises et espagnoles.
La France s'était autolimitée à 200 DCP
par navire depuis 2012, après avoir constaté

Balises de DCP. Le nombre de dispositifs
utilisés par senneur est au cœur des débats.

❘ 56 ❘

PRODUITS DE LA MER N°173 JUIN 2017

la baisse des captures sur banc libre, alors
que l'Espagne en utilisait entre 400 et 800
par bateau. Autre différence : les armements adhérents d'Orthongel privilégient
l'albacore, ciblant les individus de plus de
10 kg, en principe plus rémunérateurs du
fait de leur rendement pour les conserveurs, tandis que les senneurs espagnols
pêchent majoritairement du listao.
Les ONG Greenpeace et WWF estiment
la limitation à 425 DCP par navire toujours
très insuffisante. Pour François Chartier,
responsable de la campagne océans de
Greenpeace, elle a eu le mérite de modifier les termes du débat : « Longtemps
éludée, la question des DCP a mobilisé la
quasi-totalité des échanges lors de la dernière conférence de la CTOI.
CTOI. » Mais pour
Greenpeace, les mesures prises ne suffisent pas. D'autant que le nombre de senneurs augmente, et avec lui, le nombre de
DCP. L'ONG se défend de prôner l'interdiction des DCP. Mais leur nombre doit diminuer. « Les DCP sont aujourd'hui si nombreux qu'il est très difficile de trouver du listao
sur banc libre
libre », assure François Chartier.
Ce que confirment les scientifiques.
Greenpeace demande aussi la suppression des navires de soutien qui accompagnent les senneurs et prône des limites
de captures. «
« Aujourd'hui,
Aujourd'hui, les pêcheries ne
sont pas gérées
gérées »,
», conclut-il.
Qu'en disent les industriels de la conserve
et les distributeurs ? À l'initiative du WWF,
ils furent nombreux l'an dernier à signer
un courrier adressé à la CTOI, appelant à
réduire de 20 % la pêche du thon albacore dans l'océan Indien. Motif : la surexploitation du stock qui durerait depuis
2013, selon l'évaluation réalisée par la CTOI
elle-même. Officiellement, celle-ci a finalement conclu, en mai 2016, à la nécessité de
réduire globalement de 15 % les captures
de thons tropicaux dans la zone. ■
(1) Institut de recherche pour le développement
(2) Compagnie française du thon océanique
(CFTO) et Saupiquet

Engagez-vous !
Thai Union s'investit

in 2016, le leader mondial du thon en conserve
Thai Union a annoncé l'engagement de s'approvisionner en thon 100 % responsable. Autrement dit,
selon ses critères, provenant de pêcheries certifiées
MSC ou engagées dans des projets d'amélioration
des pêcheries (Fishery Improvement Projects ou FIP)
débouchant, à terme, à cette certification. L'objectif pourrait être atteint à 75 % d'ici 2020. Le groupe
annonçait également 90 millions de dollars d'investissement allant dans ce sens, en particulier avec la
mise en place de onze FIP dans le monde.
Concrétisation récente : la signature avec le WWF, la
République des Seychelles, la Compagnie française
du thon océanique (CFTO), l'armement réunionnais
Sapmer et treize autres partenaires d'un accord visant
à l'amélioration de la pêche thonière dans l'océan
Indien et à sa mise en conformité avec les normes du
MSC. Le projet doit aussi superviser les captures de
listao, d'albacore et de patudo d'une quarantaine de
senneurs battant pavillon français, italien, espagnol,
mauricien et seychellois.

Projet espagnol avec le WWF

'industrie espagnole du thon tropical, via l'Opagac
(Organisation de producteurs des thoniers congélateurs) et le WWF sont partenaires depuis 2016. Leur
FIP vise à améliorer la durabilité et la transparence
des pêcheries au thon tropical sur tous les océans
pour obtenir la certification MSC. L'Opagac regroupe
huit sociétés espagnoles (Albacora, Calvo, Garavilla,
Nicra 7, Sant Yago, Europea de Túnidos, Ugavi et
Tunamol) disposant de 40 thoniers senneurs opérant, sous divers pavillons, en Atlantique, Pacifique et
océan Indien.

Certification sans DCP
des armements français

a Compagnie française du thon océanique (CFTO)
et Saupiquet ont obtenu en 2016 la certification
Fad-Free (Fish Aggregating Device en anglais), autrement dit sans DCP. Elle fait suite à la démarche menée
sous l'égide d'Orthongel par le cabinet Oceanic
Développement et validée par Bureau Veritas. Celle
de l'armement réunionnais Sapmer, coordonnée par
Friend of the Sea, a également abouti l'an dernier.

Table des matières de la publication Produits de la mer - n°173 - juin 2017