Produits de la mer - n°178 - décembre 2017-janvier 2018 - 43

Dossier ❘ POISSONS D'EAU DOUCE

Les Perches Lucas :
de la perche au sandre

ans les années 1990, le site de
l'ancienne laiterie d'Hampont
avait suscité l'intérêt pour l'implantation d'un élevage de
silure. Son atout : un forage à 870 mètres
de profondeur dans le grès vosgien, fournissant une eau de source naturellement
chauffée entre 28 et 30 °C. C'est là que le
Suisse Claude Lucas créait en 2001 la pisciculture les Perches Lucas, reprise en 2014
par un autre importateur suisse de poissons d'eau douce : A & P Santos.
Une longue histoire, non dénuée
de péripéties. Car après avoir atteint
20 tonnes en quelques années, sa production de perches s'effondrait. Les alevins, importés de Suisse, n'étaient plus
conformes. Sébastien Boulnois, ingénieur
aquacole aujourd'hui gérant de l'entreprise, a dû tout reprendre à zéro à son arrivée en 2009. La pisciculture a bénéficié
des travaux de domestication de la perche

commune (Perca fluviatilis) de l'équipe de
Pascal Fontaine, de l'université de Lorraine.
Elle est la première en France à s'être lancée
dans la production industrielle de perche
en circuit fermé et à maîtriser l'ensemble de
son cycle d'élevage, de l'œuf au poisson de
taille commerciale. « Nous
« Nous avons produit 15
à 20 tonnes de perche par an jusqu'en 2016 »
2016 »,,
précise Sébastien Boulnois.
Des produits vendus en Suisse et aux restaurateurs locaux. « Nous nous consacrons
désormais à la production d'alevins. » Dans
le pôle géniteurs, tous les paramètres
d'élevage, éclairage et température, sont
contrôlés par ordinateur afin de reproduire des saisons. Cette technique permet
d'obtenir une ponte tous les trois mois. Les
larves issues des œufs donneront des alevins d'1 gramme en 90 à 100 jours, et de
5 grammes en 120 jours. « C'est la phase la
plus critique. Le taux de survie des larves est
de l'ordre de 10 %. »
L'obtention des alevins est exigeante. Ils
doublent de taille tous les dix jours. Il faut
les trier régulièrement, notamment en raison du cannibalisme. Une étape non automatisée. L'entreprise produit ainsi un million d'alevins de perche par an, vendus
en Suisse ou pour l'aquaponie en France.
Mais d'ici 12 à 18 mois, elle pourra aussi
fournir des alevins de sandre, au prix d'1 à
1,50 euro la pièce contre 0,20 à 0,40 euro
pour les alevins de perche. Les futurs géniteurs sont en cours d'engraissement. ■

DES VOLUMES
ENCORE LIMITÉS

Les Perches Lucas ont
bénéficié des travaux
de l'université de
Lorraine, qui a conduit
les recherches pour
domestiquer la perche
sur la plateforme
d'aquaculture
de l'UR Afpa, à
Vandoeuvre-lès-Nancy.

L'entreprise lorraine
est la première en France
à avoir maîtrisé l'ensemble
du cycle d'élevage
de la perche commune.
Elle se spécialise aujourd'hui
dans la commercialisation
d'alevins.

La production européenne
de percidés d'élevage
atteindrait 1 000 t par an.
AquaPri, au Danemark, produirait
400 t de sandre
et Excellence Fish,
aux Pays-Bas, 150 t.
Pour la perche, il faut additionner
les volumes de Valperca et
Tropenhaus Frutigen en Suisse
(au moins 200 à 300 t),
de Keywater Fisheries
en Irlande (100 t), de KM Seafood
au Danemark (50 à 100 t)
et d'Asialor en France (80 t).
Créé en 2010 par Khai Ly à
Dieuze, en Lorraine, cet élevage
en circuit fermé commercialise
ses produits auprès de grossistes
et distributeurs (Pomona, Grand
Frais) et de restaurateurs locaux.

Pascal Fontaine, chercheur à l'université de Lorraine

Un bel avenir pour l'élevage de percidés en Europe

Pascal Fontaine
est directeur de
l'UR Afpa (Unité de
recherche Animal
et fonctionnalités
des produits
animaux).

ersonnellement, je crois beaucoup au développement de l'élevage de percidés en Europe. En dix
ans, plus de 20 fermes en circuit fermé se sont montées, notamment en France, en Suisse et en
Allemagne pour la perche ; au Danemark,
aux Pays-Bas et en Allemagne pour le
sandre. Toutes avec la volonté d'assurer une production intensive pour les marchés de consommation. Les percidés sont les poissons d'eau douce
les plus appréciés. Mais leur capture en milieu natu-

rel ne remonte pas et pourrait même baisser avec les
changements climatiques en cours. Si la concurrence
avec la pêche existe, l'élevage permet d'alimenter des
filières avec une qualité constante, toute l'année en
frais. Les coûts de production sont initialement élevés
mais les prix devraient progressivement baisser grâce
aux changements d'échelle qui vont s'opérer dans la
production, avec la mise en place de programmes de
sélection et le développement de systèmes d'élevage
moins énergivores ou mieux intégrés. »

PRODUITS DE LA MER N°178 DÉCEMBRE-JANVIER 2018

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