Produits de la mer - n°181 - Avril 2018 - 106

Special feature ❘ WHELK

BULOT
À toute vapeur !
At full tilt!
Dossier : Bruno VAUDOUR

Hier simple appât à morue, le bulot trône sur tous les plateaux de fruits de mer. Mais pas seulement.
Le bulot-mayo-apéro est facile, sympa, démocratique. Les Espagnols le dégustent aussi en tapas et les
Asiatiques l'achètent tous azimuts. Rien d'étonnant si les cours à la première vente grimpent d'année en année.
Formerly a simple bait for cod, the whelk takes now centre stage on a platter of seafood. But more than
that, whelk with mayonnaise as an aperitif is easy, nice and democratic. The Spaniards also savour it
in tapas and Asians are significant buyers. No wonder first-sales prices are going up year after year.

e petit froid sec d'une fin d'aprèsmidi de février qui balaie la halle à
marée de Granville ne gêne guère
Adeline Denizot dans le suivi des
lots de bulots à la vente. La chargée de
mission qualité de Normandie Fraîcheur
Mer (NFM) détaille le catalogue des
apports et contrôle en même temps les
caisses alignées sous la criée. « La qualification du bulot obéit à des règles précises en fonction de la taille et du degré
de parasitage. Le classement « Baie de
Granville » correspond à un produit non
parasité. Le même bulot venant d'un
autre gisement sera estampillé « propre »
pour le distinguer des natifs porteurs de
la marque granvillaise », explique-t-elle.
Bien vivants et intègres, ceux-là feront le
bonheur des poissonniers. Un peu moins
bien classé, le gastéropode peu chargé
en crépidules les perdra après cuisson.
Restent les individus « galeux », couverts
de balanes ou de vers encroûtants, ainsi
que les gros individus de plus de 7 cm destinés à la production de chair et à l'export.
Depuis une quinzaine de jours, la pêche
a repris et les apports vont monter graduellement jusqu'en juin sous la première criée
au bulot en France. « Une bonne vente
tourne autour de 13 tonnes », remarque
Adeline Denizot. Loin des maxima de 30 à
40 tonnes qu'a connus la criée quand la
pêche était moins réglementée.

Berceau de la production française, la
pêcherie de l'ouest Cotentin fait l'objet
de mesures de gestion depuis 1979. Mais
au fil des années, les pêcheurs ont renforcé l'encadrement de leur métier, limitant le nombre de casiers, s'imposant un
repos biologique et augmentant l'écartement des barrettes de tri à bord pour limiter le hors-taille. Ce qui revient à porter la
taille minimale de capture à 47 mm, audelà de la taille réglementaire de 45 mm.
Parmi les nombreuses décisions prises pour
préserver la ressource, celle sur la taille a
été la plus efficace pour préserver les géniteurs. « L'encadrement de la pêcherie a
mis fin à la surabondance, elle-même liée
à la surpêche. De 9 000 tonnes dans les
années quatre-vingt-dix, la production de
la baie de Granville s'est stabilisée autour
de 6 000 tonnes aujourd'hui », observe
Arnauld Manner, directeur de NFM.
La réduction de l'offre granvillaise va
créer un appel d'air pour d'autres régions
moins réglementées. Les flottilles de bulotiers débutent à Saint-Malo dès 1990,
puis à Saint-Brieuc. Elles gagnent plus
tard la baie de Seine et la côte d'Albâtre.
La pêche au bulot se pratique maintenant
à Boulogne, où des gisements semblent
prometteurs. De nouvelles zones sont en
exploitation quand l'offre vient à manquer.
En particulier l'été car la coupure est de
plus en plus longue. « Des gros bulotiers

%
des ventes hors
criées en 2017.
Cours moyen sous
les criées françaises :
1,95 €/kg en 2017.

%
Soit +
par rapport à 2015.
Source : FranceAgriMer

de Saint-Vaast pêchent dans des eaux plus
froides en Manche, au-delà des zones de
quotas », confirme Damien Levallois, directeur de Nouvelle Pêcherie de Normandie.
L'augmentation de la pression de pêche
hors ouest Cotentin fait progresser la
production nationale, avec des risques
de surexploitation près des côtes. « Tôt
ou tard, la préservation de la ressource
s'imposera comme à Granville », estime
Pascal Lecardonnel, directeur commercial
de Kermarée. Surtout sur un marché largement dominé par le gré à gré : seulement 5 300 tonnes ont été vendues sous
criées en 2017 alors que les estimations
de production oscillent entre 15 000 et
16 000 tonnes. Rien n'est figé pour autant,
« la mise en marché se structure à Porten-Bessin, à Grandcamp, avec une classification selon le parasitage », observe
Arnauld Manner. À Erquy, les apports enregistrés, mais pas nécessairement vendus
aux enchères, par la criée ont augmenté
de 35 % l'an dernier, atteignant presque le
millier de tonnes. À Dieppe, les ventes sous
criées ont dépassé la barre des 300 tonnes.
Avec une cinquantaine d'acheteurs axés
sur le bulot, dont une dizaine de gros opérateurs parmi lesquels figurent deux néerlandais, la criée de Granville sert de référence
au marché. « C'est elle qui fait le prix »,
estime Yoann Guérin de GS Normandie.
Chez Kermarée, « nous prenons le cours

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