Doctorat & Notariat - Tome 60 - La fiducie : aspects juridiques et fiscaux - 133

DES APPLICATIONS LIMITÉES DE LA PROPRIÉTÉ FIDUCIAIRE

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fiducie-libéralité pose d'abord un problème de compatibilité avec nos catégories
juridiques françaises. En matière de trust, les applications du droit successoral
anglo-américain ont déjà suscité de nombreuses interrogations de la part de la doctrine. En effet, comment traduire en droit français les trusts inter vivos ou les trusts
à cause de mort ? S'agit-il de l'équivalent d'une donation ou d'un legs ? Les rédacteurs du projet de 1992, s'inspirant de l'avant-projet de 1991, rédigé par le SLF,
avaient bien tenté de procéder par assimilation soit à un legs soit à un testament271.
Hélas, cette façon de faire a été jugée peu convaincante. Aussi fut-elle abandonnée.
La proposition de Marini pour donner une chance à la fiducie d'aboutir n'a même
pas tenté d'en donner une lecture plus cohérente avec notre droit. Pour autant, ces
questions restent posées au législateur notamment lorsqu'il s'agit du traitement fiscal à apporter aux trusts étrangers ayant des effets en France272.
316. L'hostilité du législateur à l'égard de la fiducie-libéralité s'explique
ensuite par la crainte de l'utilisation de cet instrument à des fins d'évasion fiscale
ou afin d'éluder les droits de mutation à titre gratuit273. Au cours des travaux parlementaires, il avait pourtant été question d'étendre la fiducie au bénéfice des
personnes physiques, pour lesquelles la fiducie-libéralité présente un intérêt en
matière de succession. Toutefois, le Gouvernement s'est fermement opposé à l'extension de l'utilisation aux personnes physiques et les rapporteurs du projet au
Sénat et à l'Assemblée nationale sont tombés d'accord pour admettre que le droit
français comportait déjà des règles de nature à répondre aux besoins en matière
de succession de personnes physiques274, notamment par le biais de la réforme
opérée par la loi n°  2006-728 du 23  juin 2006275, portant réforme du droit des
successions et des libéralités avec la mise en place des libéralités graduelles276 et
résiduelles277 et du mandat à effet posthume278. Il semble pourtant que la fiducie
soit irréductible à ces instruments.
317. Tout d'abord, le mandat à effet posthume à un objet et des effets limités. Le mandataire à effet posthume ne gère pas le patrimoine des héritiers mais il
sera nommé afin de gérer tout ou partie d'une succession du mandant pour le
compte d'un ou plusieurs héritiers. Il ne sera licite que dans deux hypothèses,
lorsqu'il sera justifié par un intérêt sérieux et légitime au regard de la personne de
271. Le projet de loi de 1992 prévoyait d'introduire des dispositions propres à la fiducie-libéralité
aux art. 2070-3 à 2070-8 reprenant certaines des dispositions de l'avant-projet de 1991. Pour aller plus
loin : v. M. Grimaldi, « La fiducie : réflexions sur l'institution et sur l'avant-projet de la loi qui la
consacre », Defrénois, 15 sept. 1991, n° 18, p. 961. V. pour un parallèle en droit comparé : au contraire
du droit français qui prohibe d'emblée la fiducie-libéralité (C. civ. art. 2013) en Common law, c'est le
trust-libéralité qui s'est d'abord développé : F. Pollock et F. W. Maitland, The History of English
law before the time of Edouard I, 2e éd., vol. 2, Cambridge : University Press, 1968, p. 228-231.
272. V. Chapitre II de la présente étude - Le traitement fiscal des trusts étrangers en France : la
délicate traduction de la propriété « trustale ».
273. H. de Richemont, Rapport Sénat, n° 11, p. 58 : « Cette interdiction permettra d'éviter que la
fiducie soit utilisée dans le seul but de détourner les règles relatives aux libéralités et à la dévolution
successorale » ; v. égal. dans le même rapport, p. 35 : « Mieux vaut s'en tenir à une approche prudente et
graduelle, quitte à envisager ultérieurement de nouveaux aménagements ».
274. H. de Richemont, Rapport Sénat, n° 11, p. 15 ; X. de Roux, Rapport AN n° 3655, p. 35.
275. Loi n° 2006-728, 23 juin 2006, JO 24 juin 2006, p. 9513.
276. C. civ., art. 1048.
277. C. civ., art. 1057.
278. V. Exposé des motifs relatifs au projet de loi portant réforme des successions et des
libéralités, AN n° 2427, séance du 27 janvier 2006, p. 12 : le législateur a souhaité par l'introduction de
cette figure juridique répondre « aux besoins que satisfait, dans d'autres pays, la fiducie successorale ».
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