Doctorat & Notariat - Tome 60 - La fiducie : aspects juridiques et fiscaux - 140

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LA FIDUCIE : ASPECTS JURIDIQUES ET FISCAUX

337. Pierre Berger314 propose de faire donation des droits du constituant
résultant du contrat de fiducie, en faisant valoir que les droits du constituant
bénéficiaire sont transmissibles à titre gratuit. En effet, aucune disposition n'interdit une telle transmission, et par ailleurs notre droit civil permet la transmission de contrats. La pratique notariale connaît déjà ce type de donation, par
exemple dans les donations de contrats de capitalisation.
338. Concrètement, le donateur constituerait une fiducie-gestion dont il
serait le bénéficiaire. Il ferait ensuite donation de ses droits en tant que constituant et bénéficiaire de la fiducie au donataire. Cette transmission serait taxée au
même titre que la transmission des biens figurant dans le patrimoine fiduciaire.
339. Reste à se prémunir contre le risque de révocation de la fiducie par le
donataire, en vertu de l'article 2028 du Code civil, qui prévoit la possibilité pour
le constituant de révoquer la fiducie. Il faudrait alors que le contrat de fiducie
contienne une clause d'irrévocabilité temporaire. Une telle clause est licite dans la
mesure où l'article 2028 n'est pas d'ordre public. Se pose aussi la question de la
« charge » que constitue la fiducie et son effet sur la réserve héréditaire. On se
reportera aux développements ci-dessus avec une particularité puisque cette
charge préexistait à la donation. En effet, la fiducie avait été choisie par le donateur comme mode d'organisation de son patrimoine. Par analogie, on peut rapprocher cette situation de la donation de parts d'une société civile dont les statuts
prévoiraient une gérance par un tiers non associé. En suivant ce raisonnement,
nous concluons que le contrat de fiducie n'est pas assimilable à une telle charge,
et que le donataire ne pourra mettre fin au contrat de fiducie qu'en suivant les
règles propres à la fiducie. Nous avons là un champ à explorer par le notariat dans
le cadre des transmissions de patrimoine, qui nous semble encore plus prometteur
que la donation à charge de constituer une fiducie.
3. L'utilisation de la fiducie pour prolonger les effets du droit des sociétés
au-delà du décès du constituant
340. La dernière possibilité315, également évoquée par la quatrième commission du dernier Congrès des notaires de France, consiste à combiner droit des
sociétés et fiducie pour transmettre le patrimoine. Le principe est le suivant : le
donateur apporte un actif à une société, par exemple une société civile, qui transfère cet actif à une fiducie qu'elle constitue. Le contrat de fiducie désigne la société
comme bénéficiaire, de sorte que l'écueil de la fiducie libéralité est évité. Au décès
d'un associé, la fiducie se poursuit, et ses héritiers bénéficient de la gestion du
fiduciaire à travers la société qui a été constituée. De même, il est possible d'envisager la donation des titres de la société ainsi constituée du vivant de l'associé.
Dans les deux cas, la fiducie permet d'assurer une gestion des biens transmis,
même après le décès du constituant. Cependant, ce montage présente une faiblesse, à savoir que les héritiers devenus associés peuvent décider de dissoudre la
société. Dans cette hypothèse, les associés se retrouvent, à l'issue de la liquidation,
à la fois constituants et bénéficiaires, de la fiducie. Il faudrait donc prévoir une
314. P. Berger, « La fiducie-gestion », Actes prat. et strat. patrimoniales 2011, n° 26 ; H. Fabre,
« La fiducie comme alternative au mandat de protection future ou comme outil de transmission »,
dans Dossier : Les utilisations pratiques de la fiducie-gestion, Dr. et patr. mars 2012, n° 212, p. 56-61.
315. Pour aller plus loin : v. S. Lerond et s. Nauleau, « Fiducie et société civile : des outils
complémentaires », dans Dossier : Les utilisations pratiques de la fiducie-gestion, Dr. et patr. mars
2012, n° 212, p. 62 et s.

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