Doctorat & Notariat - Tome 60 - La fiducie : aspects juridiques et fiscaux - 176

162

LA FIDUCIE : ASPECTS JURIDIQUES ET FISCAUX

principe être soumis aux droits d'enregistrement et à l'imposition des plus-values :
fameux « fusil à deux coups du fisc »102. Mais le législateur a mis en place un régime
dérogatoire pour tenir compte de la spécificité de la fiducie dit de « neutralité fiscale »
s'inspirant de celui de l'apport en société dans l'hypothèse où les biens fiduciaires
retournent dans le patrimoine du constituant à l'issue de la fiducie. Ce régime de neutralité a été posé comme une exigence préalable bien en amont de l'adoption de la
fiducie par la loi de 2007 (a) et celle-ci s'inspire du régime des fusions (b).
a) La neutralité posée en préalable à l'adoption du texte
445. Une réponse ministérielle dès 1990 était venue poser comme exigence
en préalable à l'adoption de la fiducie de ne pas la doter d'un régime fiscal trop
dérogatoire au droit commun. Pour cela, les textes préparés par le Service de la
Législation Fiscale devaient nécessairement répondre à un double objectif : d'une
part, assurer la neutralité fiscale de cette nouvelle structure, afin que les opérations effectuées par son intermédiaire soient soumises à un traitement fiscal identique à celui qui leur serait appliqué si elles avaient été réalisées dans le cadre
d'une autre structure juridique, d'autre part, prévoir les dispositions nécessaires
pour que ce nouvel instrument juridique puisse être utilisé sans être paralysé par
des règles fiscales trop complexes qui atténueraient ou supprimeraient l'intérêt de
la réforme. Il était ainsi prévu dans un souci de neutralité fiscale que le constituant
maintiendrait la propriété économique des actifs mis en fiducie et disposerait sur
le fiduciaire d'une créance égale à la valeur comptable des éléments transférés et
en l'imposant ensuite sur les résultats de l'exploitation du patrimoine fiduciaire
selon un régime analogue à celui des sociétés de personnes103.
b) La neutralité inspirée du régime des fusions
446. Le transfert fiduciaire est assimilé à un apport en société (i). Le régime de
neutralité aura les mêmes effets que celui qui est applicable au régime des fusions (ii).
i. Le transfert fiduciaire assimilé à un apport en société
447. L'apport en société est le fait pour des associés de mettre en société des
biens ou valeurs en contrepartie desquels ils reçoivent des parts sociales ou des
actions à hauteur des droits dans la société104. Le propre de ces opérations est
d'éviter tout échange de liquidités puisque la rémunération de cette opération se
fait par remise de droits sociaux ou s'agissant de la fiducie d'une remise d'une
contrepartie. Cette contrepartie s'analyse juridiquement en un droit de créance
sur le patrimoine fiduciaire. Cette situation permet d'éluder le problème du financement. Pour certains auteurs, les facilités de paiement offertes par ces techniques
de rapprochement ont contribué à entretenir, dans les années 2000, la bulle
« internet », c'est-à-dire les valorisations excessives des sociétés exerçant une activité internet105. Comme pour l'opération de fusion, l'opération de fiducie peut
102. P. Serlooten, « Brèves observations (et interrogations) sur le projet de création de
l'entreprise individuelle à responsabilité limitée (EIRL) », Dr. fisc. 2010. 225.
103. RM Fossé, Sénat, JO 30 août 1990, p. 1885 : « Dès lors que la fiducie est présentée comme
comportant, par elle-même, du seul fait de sa formule et à l'exclusion de toute autre mesure, des avantages
décisifs pour ceux qui choisiront d'en faire usage, elle ne saurait avoir de conséquences fiscales ».
104. G. Cornu, Vocabulaire juridique, Association Henri Capitant, PUF, 11e éd. 2016 : v. Apport
en société.
105. Les dirigeants ont procédé dans les années 2000 à de nombreuses acquisitions d'entreprises
à des prix très élevés qu'ils payaient avec des titres de leur société dont la valeur était aussi très élevée.

Doctorat & Notariat - Tome 60 - La fiducie : aspects juridiques et fiscaux

Table des matières de la publication Doctorat & Notariat - Tome 60 - La fiducie : aspects juridiques et fiscaux