Doctorat & Notariat - Tome 60 - La fiducie : aspects juridiques et fiscaux - 187

LA DISSOCIATION DE LA PROPRIÉTÉ FIDUCIAIRE PAR L'ANALySE ÉCONOMIQUE

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477. Cette solution vient contredire les efforts conjugués de la jurisprudence et
de la doctrine administrative pour rendre une lecture plus attentive de la réalité de
l'opération fiduciaire et des trusts. En effet, en 1991, le Service de la législation fiscale
avait proposé un régime fiscal applicable à la fiducie, et par assimilation au trust.
Dans le cadre de ce projet, il était prévu de traiter les fiducies en fonction de leur
nature et non de manière monolithique comme le fait la loi de 2007. En s'inspirant
d'une note du 25 mars 1991 relative à l'application de la convention franco-américaine, l'avant-projet de 1991 adoptait la même distinction qu'en matière de trust entre
fausses fiducies et vraies fiducies. Les fausses fiducies étant celles où le constituant est
aussi le bénéficiaire, celles-ci sont réputées transparentes158 ; les vraies fiducies étant
des fiducies dans lesquelles le constituant se dessaisit définitivement des avoirs fiduciaires. Dans cette dernière hypothèse, le constituant est exonéré au titre de l'impôt sur
la fortune sur les avoirs fiduciaires. Le redevable était le bénéficiaire159, lorsque le
bénéficiaire n'était pas désigné, le redevable était alors le fiduciaire au taux le plus
élevé160. Le bénéficiaire était ainsi assimilé à un usufruitier161. Mais cette solution-là
encore était source de difficultés. D'une part pratiques, car le bénéficiaire pouvait ne
pas être désigné, ne pas être né ou encore ne pas savoir que des dispositions avaient été
prises en sa faveur162. Il se trouverait dans « une situation aussi injuste qu'illogique »163.
D'autre part juridiques, si le bénéficiaire est a fortiori celui-ci n'est pas attributaire des
revenus pendant la durée de l'exécution du contrat et ne dispose d'aucun droit sur le
patrimoine fiduciaire. Il serait alors imposable sur des gains futurs. Cette solution a
été dénoncée par Jérôme Turot : « on ne taxe pas l'espoir »164. C'est d'ailleurs en ce
sens que la seule et unique décision rendue en France sur l'imposition à l'impôt sur la
fortune du bénéficiaire d'un trust a été rendue165. Le juge a considéré que l'administration n'avait pas démontré la détention par le bénéficiaire d'un droit patrimonial pouvant justifier son imposition au titre de l'impôt sur la fortune.
478. Par ailleurs, il n'est pas souhaitable non plus que la constitution d'une
fiducie ou d'un trust aboutisse à faire échapper à l'impôt sur la fortune. Il est donc
indispensable de réformer le régime fiscal de la fiducie pour prendre en compte les
lacunes de l'imposition en transparence du constituant. Pour rester fidèle à la
nature juridique de la fiducie, qui est un instrument sui generis, le traitement fiscal
doit être sui generis. Il convient de ne pas ignorer l'acte fiduciaire. La solution
consisterait alors à revenir à la distinction opérée par l'avant-projet de loi de 1991
afin de traiter de manière transparente les fausses fiducies comme pour les
OPCVM et de manière opaque les vraies fiducies. Dans les fiducies opaques le
trust serait imposable en lieu et place du constituant. Le trust serait alors considéré comme résident fiscal au titre des conventions fiscales et les conventions fiscales pourraient s'appliquer permettant d'éviter les doubles impositions.
158. Projet de loi de 1992, art. 7, al. 2.
159. Projet de loi de 1992, art. 7, al. 1.
160. Projet de loi de 1992, art. 6 (c).
161. J.-C. Goldsmith, « Quel statut fiscal pour la fiducie ? », Banque, juillet-août 1991, n° 518,
p. 725-731, spéc. p. 729.
162. J. Turot, « Fiducie : être ou ne pas être neutre, voici la question », Dr. fisc. 2007. 433, spéc. n° 10.
163. J.-C. Goldsmith, « Quel statut fiscal pour la fiducie ? », Banque, juillet-août 1991, n° 518,
p. 725-731.
164. J. Turot, op. cit., spéc. n° 9.
165. TGI Nanterre, 2e ch., 4 mai 2004, n° 03-9350 affaire Poillot, Dr. fisc. 2005, n° 36, JCP E
2005. 1297 ; RJF  2004, n°  1201, note Jaillais ; J.-M.  Tirard, « Trust patrimonial et droit fiscal
français », Dr. et patr. 2004, n° 132, p. 60 et s. ; G. Blanluet et J.-P. Le Gall, « Le trust au pied du
mur », Dr. fisc. 2005. 27.
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