Doctorat & Notariat - Tome 60 - La fiducie : aspects juridiques et fiscaux - 251

LA FIDUCIE : UNE ATTEINTE ABSOLUE AUX PRINCIPES D'UNITÉ ET D'UNICITÉ

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b) Le passif fiduciaire
642. Le patrimoine général comprend à la fois des éléments d'actif comme
des éléments de passif. Cette conception du patrimoine ne fait pas l'unanimité en
doctrine30. Pour certains auteurs, le patrimoine se résume à « l'avoir légitime »31.
En effet pour ces auteurs, les dettes ne font pas partie du patrimoine, même si
celles-ci sont intimement liées à lui, non pas parce qu'elles font partie du patrimoine mais parce qu'elles sont garanties par celui-ci. Cette analyse n'a pourtant
pas été reprise dans le projet de réforme du droit des biens. En effet, l'Association
Henri Capitant des amis de la culture française, dans le cadre d'une proposition
de réforme du livre  II du Code civil relatif aux biens, donne une définition du
patrimoine conforme à la théorie classique. L'article 519 de l'avant-projet définit
le patrimoine comme « l'universalité de droit comprenant l'ensemble de ses biens et
obligations, présents et à venir, l'actif répondant du passif »32.
643. Si le patrimoine général est composé à la fois d'éléments de passif et
d'éléments d'actif. Qu'en est-il du patrimoine fiduciaire ? La loi ne donne pas de
définition du passif fiduciaire. Nous distinguerons deux situations : le transfert
d'élément de passif lors de la constitution du patrimoine fiduciaire et le sort du
passif né de la gestion et de la conservation du patrimoine fiduciaire. À la lecture
des travaux parlementaires, les rédacteurs ont écarté la possibilité de transmettre
uniquement des dettes. En revanche, il est possible de transférer un ensemble
d'éléments d'actif et de passif, même si le passif est supérieur33.
30. Contra  la vision comptable du patrimoine : M.-N.  Mervorach, « Le patrimoine »,
RTD civ. 1936. 811 et s., spéc. p. 822 : selon l'auteur, « il est contradictoire de soutenir, d'une part, que
le patrimoine est l'ensemble de l'actif et du passif, et, d'autre part, que tout le patrimoine est grevé du
passif, il en résulte que le passif est responsable pour soi-même, ce qui est une absurdité » ; A. Sériaux,
« La notion juridique de patrimoine : brèves notations civilistes sur le verbe avoir », RTD civ. 1994.
801, spéc. p. 803, n° 1 : selon lui, les deux auteurs ont été séduits par « le parallélisme pédagogique et
sobre que leur offrait la science économique, plus spécialement la comptabilité : un actif correspondant à
un passif, et vice versa ». Mais cette conception heurterait non seulement le bon sens « de l'homme de
la rue » pour qui le patrimoine est l'ensemble de ces seuls biens ; mais également une tradition juridique
multiséculaire car, selon lui, depuis le droit romain le patrimoine avait toujours désigné la masse de
biens possédés par le sujet de droit. V. égal. : D. Hiez, Étude critique de la notion de patrimoine en droit
privé actuel, thèse préc., n° 395 ; B. Roman, « Le patrimoine dans l'avant-projet de réforme de droit
des biens (examen critique) », Defrénois  2009, p.  504 et s. ; C.  Witz, « Droit de gage général »,
J.-Cl. civ., art. 2092 à 2094, 2009, n° 29. V. égal. F. Chénédé, « La mutation du patrimoine », dans
Entreprise et patrimoine : destins croisés. 36e colloque de Deauville des 2 et 3 avril 2011, organisé par
l'association Droit & Commerce, publié le 18 mai 2011, Gaz. Pal. n° 139, p. 19.
31. H. de Page et R. Dekkers, Traité élémentaire de droit civil belge, Les principaux contrats usuels, les
biens, t. IV, Bruylant 1975, p. 560 - cité par A. Sériaux, op. cit. ; du même auteur, Les successions, les
libéralités, PUR, 2e éd., 1993, n° 2 : l'auteur propose une définition plus simple du patrimoine, qui rappelle
celles données par Mervorach et par les auteurs belges Page et Dekkers : « le patrimoine est constitué par
l'ensemble des biens qui appartiennent à une personne et c'est avec ces biens que cette personne réglera les
dettes qu'elle a pu contracter envers autrui [...] le patrimoine n'apparaît ni plus ni moins que comme l'avoir
légitime d'une personne, physique ou morale ». Il va plus loin en critiquant la corrélation entre actif-passif
qui serait selon lui « fictive ». On retrouve ici la définition finaliste du patrimoine proposée par Demogue :
« le patrimoine, c'est la puissance de garantie qu'offre la personne à ses créanciers actuels et futurs » -
(R. Demogue, Les notions fondamentales du droit privé, Rousseau, 1911, p. 383 et 399).
32. Pour des commentaires de l'avant-projet : B. Roman, « Le patrimoine dans l'avant-projet de
réforme du droit des biens », Defrénois 2009, art. nº 38906, p. 504 ; W. Dross et B. Mallet-Bricout,
« L'avant-projet de réforme du droit des biens : premier regard critique », D. 2009. 508 - (consultable
sur le site internet de l'association Capitant : http://www.henricapitant.org/).
33. M. Leroy, « Le passif fiduciaire », Dr. et patr. juin 2008, p. 58 s. ; Ph. Marini, « La fiducie,
enfin ! », JCP  E 2007, 2050, n°  18 ; H.  de  Richemont, Rapport Sénat, n°  11, p.  45 ; X.  de  Roux,
Rapport AN, n° 3655, p. 33.
http://www.henricapitant.org/
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