Doctorat & Notariat - Tome 60 - La fiducie : aspects juridiques et fiscaux - 268

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LA FIDUCIE : ASPECTS JURIDIQUES ET FISCAUX

694. L'inscription d'une dette au passif a suscité également des débats. Peuton inscrire une dette au passif ? Le Conseil d'État a répondu par l'affirmative par
un arrêt rendu en Plénière du 19 novembre 1976152. Cette question était loin d'être
anodine. Depuis la loi du 13 juillet 1967 tout créancier d'un commerçant pouvait
demander le règlement judiciaire ou la liquidation des biens de ce dernier, quelle
que soit la nature de sa créance. Aussi était-il dans l'intérêt de ses créanciers que
le commerçant inscrivît toutes ses dettes au passif y compris ses dettes personnelles. Le commissaire du gouvernement Martin Laprade écarte cet argument en
invoquant l'autonomie du droit fiscal et propose d'étendre aux éléments du passif
le principe de liberté d'inscription au bilan153. Ainsi lorsque l'entrepreneur individuel soumis aux bénéfices industriels et commerciaux contracte une dette à
l'égard d'un tiers, il peut « soit regarder l'opération comme étrangère à l'exploitation de l'entreprise et ne point la retracer dans les écritures de celle-ci, soit au
contraire regarder l'opération comme effectuée par l'entreprise et retracer dans les
écritures de celle-ci tant l'encaissement de la somme prêtée que le montant de la
dette contractée ». Cette liberté d'inscription comptable va dans les deux sens :
elle permet d'inscrire au passif un emprunt personnel dont le profit correspondant, quoique porté à l'actif, est utilisé pour la satisfaction d'un besoin purement
privé tandis que peut être omis du bilan un emprunt professionnel. Toutefois, la
liberté d'affectation comptable a encore une fois une limite. Une dette commerciale, autrement dit une dette constatée envers un fournisseur, doit obligatoirement être portée au passif154.
695. La liberté d'affectation permet ainsi d'inscrire non seulement les biens
nécessaires à l'activité ou encore les biens utiles mais encore tous les biens mêmes ceux
n'ayant aucun rapport avec l'activité de l'entrepreneur. Toutefois, la liberté d'affectation sans être attaquée dans son principe a fait l'objet d'une réforme visant à atténuer
les effets de celle-ci. Si l'inscription comptable avait pour effet de « dénaturer » voire
de « détunnelliser » des revenus engendrés par des biens inscrits à l'actif du bilan alors
même qu'ils n'étaient pas nécessaires à l'activité de l'entreprise individuelle et qu'ils ne
seraient pas par nature imposables en fonction de l'activité. Par une sorte de fiction
fiscale, ces revenus étaient traités comme s'ils étaient le résultat de l'entreprise individuelle. La théorie du bilan avait ainsi trois effets : les revenus afférents aux biens inscrits à l'actif étaient imposés au titre des bénéfices industriels et commerciaux, corrélativement, les dépenses relatives à ces biens pouvaient être traitées comme des charges
d'exploitation déductibles du résultat imposable et enfin la cession des biens inscrits
était soumise au régime des plus-values professionnelles, qui était plus favorable que
le régime des plus-values des particuliers, en raison des différents régimes d'exonération applicables. Ainsi, un entrepreneur individuel qui exerçait une activité commerciale et qui inscrivait à l'actif de son entreprise un immeuble de rapport pouvait non
seulement voir ses produits de nature immobilière imposer au titre des bénéfices
industriels et commerciaux, et déduire, corrélativement, les dépenses relatives à
152. CE plén., 19 novembre 1976, Dr. fisc. 1977, n° 10, comm. 356, concl. Martin Laprade,
RJF 1/1977, n° 8, chron. Hagelsteen, p. 7.
153. Extraits concl. Martin Laprade, préc : « L'impossibilité d'adopter une solution aussi
draconienne et de justifier logiquement une demi-mesure limitant l'obligation d'inscription aux seules
dettes commerciales d'une partie, le fait d'autre partie que vous répugnez souvent à faire interférer les
conditions fiscales qui ont une autonomie propre, nous conduisent à vous proposer d'étendre aux éléments
de passif le principe de la liberté d'inscription au bilan ».
154. F. Deboissy, « De quelques conséquences de la liberté d'inscrire ou non une dette au passif
du bilan de l'entreprise individuelle », D. 2001, p. 999.

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