Doctorat & Notariat - Tome 57 - La notion de fruits : étude de droit privé - 141

UNE CONSTRUCTION MODERNE MÉTHODIQUE

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Code civil, l'utilisation de l'expression « fruits et revenus » se multiplie159 et semble
entériner cette proximité. La doctrine a d'ailleurs été amenée à les assimiler, estimant que les « fruits sont les produits d'un bien déterminé, les revenus l'ensemble
des biens produit par un patrimoine160 ». Cette identité est poussée à son paroxysme
lorsque le législateur lui-même use du terme de revenus à la place de celui de
fruits. Ainsi, depuis la réforme de 1977 sur les absents161, l'article 131 du Code
civil énonce que « toute partie intéressée qui a provoqué par fraude une déclaration
d'absence sera tenue de restituer à l'absent dont l'existence est judiciairement
constatée les revenus des biens162 dont elle aura eu la jouissance et de lui en verser les
intérêts légaux à compter du jour de la perception ». Mais déjà en 1804, certains
textes relatifs à l'absent163, aux mineurs164 ou à la femme mariée165 désignaient
sous le vocable « revenus », l'ensemble des revenus y compris ceux procurés par
les biens et soumis à la qualification de fruits.
187. Ce rapprochement des deux notions que sont les fruits et les revenus n'est
pas fortuit, de même qu'il n'est pas anodin qu'aucune de ces deux notions n'ait été
définie. Ainsi comme l'a souligné Madame Chamoulaud-Trapiers, si « les revenus
sont d'origine très diverses : intérêts des capitaux, revenus de placements mobiliers ou
Le fait que le texte précise qu'outre les fruits, la communauté se compose aussi des intérêts et arrérages
que les textes qualifient de fruits laisse penser que ces termes, et donc aussi le terme « revenus », en
sont une redondance.
Ce sentiment semble se confirmer à la lecture de l'article 1498 du Code civil, relatif à la
communauté réduite aux acquêts qui disposait que « le partage se borne aux acquêts faits par les époux
ensemble ou séparément, et provenant tant de l'industrie commune que des économies faites sur les fruits
et revenus des biens des deux époux ». Ce deuxième texte les place clairement sur le même plan comme
on peut le constater. De même qu'il est difficile de déterminer quels sont ces « autres revenus », qui ne
seraient pas des fruits (civil notamment), que produirait la chose visée à l'article 1652 du Code civil. Il
semble donc évident que la notion de revenus ait pu être, en 1804, synonyme à celle de fruits.
159. C. civ., Art. 729, 778, 784, 812-2, 815-10, 1155, 1401, 1429 et 1652.
160. CHEVRIER (P.-A.), Les donations de fruits et revenus, Th. Paris, 1929, p. 95.
161. L. n° 77-1447, 28 déc. 1977 (JO 29 déc.) portant réforme du titre IV du livre Ier du Code
civil : des absents.
162. Nous soulignons.
163. Ainsi, l'article 127 du Code civil disposait que « ceux qui par la suite de l'envoi provisoire, ou
de l'administration légale, auront joui des biens de l'absent, ne seront tenus de lui rendre que le cinquième
des revenus (...). Après trente ans d'absence la totalité des revenus leur appartiendra ». Il s'agit ici des
revenus générés par le patrimoine de l'absent mais aussi de l'ensemble des fruits que les biens qui le
composent génèrent.
164. Le mineur sous tutelle par exemple voyait les revenus de ses biens soustraits à son contrôle
au profit du conseil de famille. Ainsi l'article 455 du Code civil énonçait que « ce conseil déterminera
positivement la somme à laquelle commencera, pour le tuteur l'obligation d'employer l'excédent des
revenus sur la dépense ». La confusion entre les notions de fruits et de revenus est aussi perceptible dans
l'article 481 du Code civil relatif au mineur émancipé qui ne peut pas conclure de bail de longue durée
- supérieur à neuf années - mais qui sous cette réserve peut recevoir « ses revenus ». La formulation
de l'article semble désigner sous ce terme les loyers qu'il pourrait percevoir à l'occasion d'un bail
conclu sur ses biens.
165. L'article 1527, al. 3, vise ainsi les « économies faites sur les revenus respectifs » des deux
époux (Communauté à titre universel) sans distinguer ceux perçus grâce aux biens ou ceux perçus
grâce à leur travail. L'article 1536, sur la clause de séparation de biens, énonce que « la femme conserve
l'entière administration de ses biens meubles et immeubles, et la jouissance libre de ses revenus ». Cet
article semble lier la notion de revenus à la question de l'administration des biens par la femme même
si, dans ce cas, les revenus des biens ne sont pas seuls visés par la libre jouissance. La proximité
terminologique est plus grande à l'article 1549, al. 2 & 3 : « Il [le mari] a seul le droit (...) d'en
percevoir les fruits et les intérêts (...). Cependant il peut être convenu, par le contrat de mariage, que la
femme touchera annuellement, sur ses seules quittances, une partie de ses revenus pour son entretien et ses
besoins personnels ».

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