Doctorat & Notariat - Tome 57 - La notion de fruits : étude de droit privé - 214

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LA NOTION DE FRUITS : ÉTUDE DE DROIT PRIVÉ

dividendes sur l'arbre social210 » et il semble opportun de réaffirmer que les bénéfices
sociaux sont réalisés par la société211, ce qui fait qu'il « est techniquement impossible
d'affirmer qu'ils constituent, ab initio, des fruits212 ». Cela est d'autant plus vrai si
l'on fait une analyse classique de la notion de fruits puisqu'ils constituent une partie
de la substance : c'est qu'au « stade de leur réalisation, [ils] ne sont pas individualisés
autrement que dans un bilan ou dans un compte de résultat213 ». Comme le souligne le
Professeur Dockès, les bénéfices « existent au sein de l'actif de la société et cela
accroît sans doute la valeur de la part sociale ou de l'action grevée d'usufruit. Mais
cette valeur additionnelle n'est pas détachable de la part sociale elle-même. Elle n'en
est donc pas le fruit214 ». Face à ces nombreuses incohérences, le rejet de l'application
de la qualification de fruits aux bénéfices sociaux a fédéré la majorité de la doctrine,
qui y voit une négation de l'existence de la personne morale.
299. Seuls les dividendes sont des fruits à compter de la distribution (affectation des sommes). La Cour de cassation met donc fin à cette confusion par un
arrêt du 23 octobre 1984215 rendu par la chambre commerciale. Dans un attendu
de principe, la Cour énonce que « seules participent de la nature des fruits les
sommes qui, faisant partie du bénéfice distribuable, doivent, en vertu des statuts, être
réparties entre les ayants droit, ainsi que celles ayant fait l'objet d'une décision de
distribution par les associés ». Ainsi seules les sommes distribuables216 sont soumises à la qualification de fruits. La jurisprudence offre donc un retour en arrière
bienvenu, qui permet de bien distinguer entre les bénéfices sociaux qui appartiennent à la société et les dividendes sociaux qui sont alors la portion du bénéfice
que les associés décident de mettre en distribution. L'élément qui permet de faire
la distinction entre bénéfices et dividendes semble donc résider dans l'affectation
de sommes participant des bénéfices sociaux par les associés qui permet la naissance des dividendes alors qualifiés de fruits. C'est « la décision de mise en distribution des dividendes [qui] individualise le droit aux fruits de chaque associé. La
décision de l'assemblée générale fait ici plus que constater un droit, elle le déclare,
elle le crée217 ». En effet, « en décidant de la distribution, les associés rendent les
bénéfices matériellement détachables du bien frugifère218 » et les font alors sortir du
patrimoine de la société pour devenir la propriété exclusive des associés. Comme
l'admet une grande partie de la doctrine219, le bénéfice « n'a en lui-même aucun
caractère juridique propre. C'est la volonté sociale qui lui imprime ce caractère en
aménageant ses ressources comme le ferait tout individu220 ».
210. CROZE (H.), REINHARD (Y.), note sous CA Lyon, 23 févr. 1984, D. 1985, p. 128.
211. En ce sens, lire les lignes de Labbé, dans sa note sous Cass. Req., 14 mars 1877 au Sirey 1878.
212. RABREAU (A.), op. cit., n° 86, p. 91.
213. Ibid.
214. DOCKÈS (E.), op. cit., p. 484
215. Cass. com., 23 oct. 1984, Bull. civ. IV, n° 281 - Rev. Stés. 1986. 97, note DAIGRE (J.-J.).
216. Le bénéfice distribuable est constitué par le « bénéfice de l'exercice diminué des pertes
antérieures, ainsi que des sommes à porter en réserve en application de la loi ou des statuts, et augmenté
du report bénéficiaire ». Ce sont ces seules sommes qui participent de la nature des fruits. Concernant
les parts et actions, les fruits s'entendent uniquement des dividendes mis en distribution en vertu des
statuts (premier dividende) ou d'une décision effective des associés (superdividendes).
217. STREIFF (Y.), obs. ss. TGI Bourges, 7 févr. 1989, BJS 1989, p. 907 (nous soulignons).
218. RABREAU (A.), op. cit., n° 94, p. 98.
219. LEBLOND (J.), Des droits respectifs du nu-propriétaire et de l'usufruitier dans les bénéfices,
les réserves, les remboursements et amortissements de capital, ainsi que dans les augmentations de
capital en numéraire ou par incorporation des réserves, Gaz. Pal. 1956, 2, doctr., p. 1.
220. COCARD (J.), L'usufruit des actions et des obligations, th. Caen, 1938, p. 50.

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