Doctorat & Notariat - Tome 57 - La notion de fruits : étude de droit privé - 248

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LA NOTION DE FRUITS : ÉTUDE DE DROIT PRIVÉ

la jurisprudence qui prend la peine d'associer le droit à la jouissance des biens, à savoir
leurs revenus, à la charge des dettes inhérentes à celle-ci67.
353. Si la qualification de biens communs des fruits de propres semble
acquise, Madame Tosi met en exergue que les textes font « apparaître une difficulté
d'ordre au moins sémantique car l'article 1428 réserve à chaque époux la « jouissance de ses propres et il est de règle que celle-ci emporte l'appropriation des fruits
procurés par la chose. Un auteur a proposé de résoudre cette difficulté en proposant
de considérer que la jouissance des biens propres à l'époux pour « titulaire » et la
communauté comme « bénéficiaire ». La distinction est séduisante, mais plus subtile
qu'éclairante68 ». Elle reconnaît alors que pour pouvoir appliquer sa distinction
entre pouvoir et propriété, il va falloir « forcer » un peu les textes.
354. Sans revenir dans les détails d'un débat très nourri sur la nature des
fruits de biens propres, nous allons voir que le débat soulève des questions intéressantes du point de vue de la qualification des fruits. Fruits économisés, fruits
perçus, le débat sur les fruits que la communauté fait siens a été nourri.
Les économies faites sur les fruits et revenus des biens propres rentrent dans la
composition de la communauté69. On constate, ici, qu'il importe peu de distinguer
entre les catégories de fruits en l'espèce. Tous les fruits sont indifféremment visés par
les textes relatifs aux régimes matrimoniaux. En effet, il semblerait que la distinction
entre les fruits et donc, leurs différentes modalités d'acquisition soit sans conséquence.
En outre, le texte vise les « fruits et revenus » de propres. Ici, nous pouvons nous interroger sur le concept de revenus auquel fait référence : le terme de revenus vise-t-il une
notion juridique indépendante des fruits ou, proposition qui emporte notre adhésion,
elle vise la situation des fruits civils vus dans leur matérialité : la somme
d'argent. Comme les fruits et revenus de propres sont affectés à la communauté, cette
dernière doit prendre à sa charge les dettes corrélatives à la jouissance du bien, telles
que les intérêts d'un emprunt souscrit pour son acquisition70.
La jurisprudence a ultérieurement rappelé le caractère commun des fruits et
revenus de propres, précisant que la communauté avait donc droit à récompense
lorsque ces derniers ont été employés à l'amélioration du bien propre71. Pourtant,
chaque époux conserve la pleine propriété de ses propres mais la communauté
a droit aux fruits perçus et non consommés72. La communauté n'a ainsi droit
qu'au solde des fruits perçus non utilisés pour la gestion du propre. Mais récompense pourra être due à la communauté, à sa dissolution, pour les fruits que
l'époux a négligé de percevoir ou a consommés frauduleusement, sans qu'aucune
recherche, toutefois, ne soit recevable au-delà des cinq dernières années.
355. Certains auteurs ont pu considérer que les textes n'étaient pas très clairs
et qu'ils soumettaient les fruits de biens propres à deux qualifications successives,
d'abord propre et ensuite commune. Si cette interprétation peut sembler séduisante
et cohérente avec la confrontation qui existe entre, d'une part, le droit de propriété
67. Cass. 1re civ., 31 mars 1992, Bull. civ. I, n° 96 : CHAMPENOIS (G.), Defr. 1992, p. 1121 ;
LUCET (F.), VAREILLE (B.), RTD civ. 1993, p. 1401.
68. TOSI (I.), Acte translatif et titularité de droits, préf. M.-L. Mathieu-Izorche, LGDJ, Bibl.
Dt. Privé, t. 471, 2006, n° 259, p. 148.
69. C. civ., Art. 1401.
70. Cass. 1re civ., 31 mars 1992.
71. Cass. 1re civ., 20 févr. 2007.
72. C. civ., Art. 1401.

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