Revue - Defrénois n° 18 du 14 septembre 2017 - 29

DOCTRINE

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Divorce sans juge : le notaire peut-il apposer
la formule exécutoire ?

Essentiel
Dans la nouvelle architecture du divorce par consentement mutuel, ce n'est plus au juge mais au notaire que revient le soin de
conférer force exécutoire à la convention des parties contresignée par avocats.
Faut-il encore que l'officier public soit techniquement en mesure d'apposer la formule sur une copie de l'acte, ce qui paraît exclu
si son rôle se cantonne à le déposer au rang de ses minutes.
Sauf à ce que les parties comparaissent lors du dépôt de l'acte pour en reconnaître l'origine et le contenu...

Charles GIJSBERS
Agrégé des facultés de droit,
professeur à l'Université de Rouen
Normandie

1. En faisant basculer la dissolution du lien matrimonial dans la sphère d'une complète
contractualisation, la réforme du divorce par consentement mutuel a profondément renouvelé les rouages
d'une institution qui devra désormais chercher en
dehors du juge ses gages de sécurité. La difficulté est
particulièrement vive s'agissant de la force exécutoire
de la convention de divorce, autrefois procurée par
l'homologation judiciaire, et qui devrait désormais procéder du notaire dépositaire de la convention contresignée par avocats (C. civ., art. 229-1). Nous employons
à dessein le conditionnel tant sont ambigus, sinon
contradictoires, les travaux parlementaires sur ce point.
S'il fut en effet plusieurs fois rappelé, notamment devant
l'Assemblée nationale, que la présence du notaire était
indispensable pour conférer à l'accord des parties une
efficacité équivalente à l'ancienne homologation judiciaire1, le garde des Sceaux prit également un soin tout
particulier à cantonner la tâche de l'officier public à un
simple « enregistrement » de la convention, en préciNDA : Cette étude, parue dans le numéro 10-11 du Bulletin du Cridon de Paris du
15 mai - 1er juin 2017, est ici reproduite avec l'aimable autorisation de son directeur
de publication.

sant bien que les parties n'avaient pas à comparaître
devant lui2.
2. Au-delà du légitime étonnement qu'un tel propos
pourra susciter dans les rangs d'une profession qui a
démontré à plusieurs reprises qu'elle pouvait efficacement servir de relais au juge dans ses missions de juridiction gracieuse, la démarche procède d'une profonde
méconnaissance de la notion d'authenticité dont le
législateur convoite ici l'un des attributs sans en réunir les
ingrédients, oubliant ce « principe de saine méthode »,
rappelé il y a près d'un demi-siècle par Jacques Flour,
voulant « qu'il y ait toujours concordance logique entre
la définition d'une notion juridique et les effets qui lui
sont attachés par la loi : il faut que les effets soient commandés et justifiés par la définition »3. On ne saurait
mieux dire que les privilèges de l'acte notarié, au premier rang desquels la force exécutoire, ne sont pas une
faveur arbitraire que la loi attribue aveuglément à l'authenticité mais la conséquence de la confiance - la foi
publique - placée dans la parole du notaire qui atteste
propriis sensibus de l'accord de volontés et en contrôle la

1. Le garde des Sceaux déclara ainsi : « Le dispositif que nous proposons aura la
même force exécutoire que celui qui existe actuellement. C'est d'ailleurs la raison
pour laquelle nous avons besoin de l'intervention du notaire. » (AN, séance du
19 mai 2016).
2. « Le juge n'est pas remplacé́ par le notaire, qui vérifie ce qu'il lui incombe de
vérifier pour donner date certaine au document (...). Le notaire fait ce pour quoi
la loi a prévu qu'il agisse : il enregistre et n'a pas besoin d'auditionner les parties,
qui n'ont pas besoin de paraître devant lui. » (AN, séance du 12 juillet 2016).
3. Flour J., « Sur une notion nouvelle de l'authenticité », Defrénois 30 sept. 1972,
n° 30159, p. 977, spéc. n° 5 ; v. égal. Blanchard C., « La fonction du notaire dans
le divorce déjudiciarisé », JCP N 2017, 1002.

DEFRÉNOIS

N° 18

14 septembre 2017 DOCTRINE

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