Revue - Defrénois n° 18 du 14 septembre 2017 - 31

si troublante que l'on a pu légitimement se demander si
les auteurs du texte n'avaient pas moins en vue la force
exécutoire du titre que la force obligatoire de la convention11. De fait plusieurs formules utilisées par le législateur peuvent légitimement alimenter les doutes12...
5. Dans ce contexte, quelle attitude adopter ? Faut-il
prendre acte de l'impossibilité technique dans laquelle
se trouve le notaire de délivrer un titre exécutoire et
inviter l'époux impayé à saisir le juge13 ? Force est d'admettre que ce ne serait pas jouer le jeu de la réforme
dont l'objectif est clairement celui d'une complète déjudiciarisation du divorce. Faut-il alors se résoudre à voir
dans le divorce sans juge le point d'émergence d'un
titre exécutoire sui generis, procédant de l'action combinée des avocats et du notaire, et dispensé d'une formule exécutoire que personne ne serait ici en mesure
d'apposer14 ? Mais telle n'est manifestement pas le vœu
du gouvernement qui a clairement souhaité faire de
l'intervention du notaire la source exclusive de la force
exécutoire de la convention de divorce, la circulaire du
26 janvier 2017 se référant d'ailleurs explicitement à la
délivrance de copies exécutoires par le notaire15.

11. V. Torricelli-Chrifi S., « Divorce contractuel : le notaire doit-il fermer les yeux ? »,
JCP N 2017, 1159, spéc. n° 25, qui s'interroge sur le point de savoir si le but des
réformateurs était vraiment « d'obtenir un titre exécutoire ou simplement de
donner plein effet à un acte ». Et l'auteur de répondre : « Nul besoin de force
exécutoire pour cela, la force obligatoire suffit ».
12. On songe en particulier au nouvel article 260, 1°, du Code civil selon lequel
« le mariage est dissous par la convention de divorce conclue par acte sous
signature privée contresigné par avocats, à la date à laquelle elle acquiert force
exécutoire ». Quel rapport, au juste, entre la dissolution du mariage, qui intéresse les effets substantiels de la convention de divorce, et la force exécutoire,
qui est un attribut du titre permettant de surmonter la carence du débiteur
lors de l'exécution ? La force exécutoire est d'ailleurs sans pertinence lorsque
la convention des époux ne constate aucune obligation à terme entre eux...
13. La circulaire du garde des Sceaux évoque assez curieusement cette piste :
« En cas d'inexécution par l'un des ex-époux de ses obligations résultant de la
convention de divorce ayant force exécutoire, l'autre pourra toujours saisir le
tribunal de grande instance de la difficulté » (Circ. n° JUSC1638274C, fiche 9).
14. L'ordre juridique français connaît après tout quelques rares titres exécutoires
sans formule exécutoire : v. Laher R., Imperium et jurisdictio en droit judiciaire privé,
2017, Mare et Martin, n° 344, p. 552.
15. Fiche n° 6, p. 3 : « Le dépôt au rang des minutes du notaire emporte l'obligation d'assurer la conservation de l'acte pendant une durée de 75 ans et le droit
d'en délivrer des copies exécutoires et des copies authentiques ».

6. Une voie plus constructive nous semble dès lors possible. Elle consisterait tout simplement à renouer avec
la mécanique de l'authenticité qui, pour faire éclore la
force exécutoire, implique nécessairement que l'engagement des parties soit exprimé - ou réitéré - devant le
notaire. Cela supposerait que les époux procèdent par
eux-mêmes au dépôt de la convention contresignée16,
dont elles reconnaîtraient, devant le notaire, l'origine et
le contenu. Un tel dépôt dit « authentifiant » ne remettrait nullement en cause l'architecture voulue par le législateur d'un divorce dont l'équilibre est désormais assuré
par la libre discussion des parties assistées de leurs avocats17. Il aurait en revanche le mérite de permettre, sans
artifice, la délivrance immédiate d'une copie exécutoire
qui, répétons-le, ne se conçoit que si le consentement
du débiteur à l'obligation qui en fait l'objet a pu être
attesté par le notaire18. Accessoirement, la présence
physique des époux au moment du dépôt donnerait au
notaire l'opportunité de vérifier que les parties sont toujours en vie et qu'elles n'ont pas emprunté la « passerelle » vers une demande de séparation de corps ou de
divorce judiciaire (CPC, art. 1148-2, al. 2)19. La sécurité
des époux n'en serait que mieux assise, tout comme la
cohérence de nos institutions.

16. Ce que n'interdit nullement le texte. L'article 1146 du Code de procédure civile
se borne à indiquer que « la convention de divorce et ses annexes sont transmises au notaire, à la requête des parties, par l'avocat le plus diligent, aux fins
de dépôt au rang des minutes du notaire, dans un délai de sept jours suivant la
date de la signature de la convention ». Le texte n'empêche en rien une reconnaissance d'écriture et de signature par les parties à l'occasion du dépôt.
17. Elle ne ferait pas davantage double emploi avec le contreseing des avocats dont
la plus-value probatoire ne porte que sur l'origine de l'acte (C. civ., art. 1374),
sans affecter son contenu, qui demeure sujet aux contestations de tout acte
sous signature privée (auxquelles échappe l'acte du notaire).
18. V. Dagot M., « Dépôt au rang des minutes d'un notaire », JCP N 1994, 2948,
p. 237, spéc. p. 238.
19. V. en ce sens, Brenner C., « Le nouveau divorce par consentement mutuel :
retour à l'an II ? », JCP G 2017, 195.

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N° 18

14 septembre 2017 DOCTRINE

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