Guide Pratique - Les nullités de procédure pénale - 2e - 71

LA RECEVABILITÉ DE LA DEMANDE EN NULLITÉ

examen du bien-fondé de la demande, l'efficacité du contrôle implique la recevabilité
de la demande. Doit-on en déduire que le défaut de qualité pour agir en nullité d'une
personne est nécessairement contraire au droit européen des droits de l'homme, en
ce qu'il la prive ipso facto d'un contrôle (efficace) du juge ? Pas nécessairement. La
CEDH a souvent rappelé que le droit à un tribunal n'est pas absolu et qu'il appelle
une réglementation par l'État qui jouit d'une certaine marge d'appréciation. Les limitations dont ce droit fait l'objet peuvent tenir aux conditions de recevabilité d'un
recours mais elles ne doivent pas porter atteinte à la substance même du droit d'accès à un tribunal et ne peuvent se concilier avec l'article 6 § 1 de la Convention EDH
que si elles tendent à un but légitime et s'il existe un rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé65.
L'arrêt Walchli contre France mérite ici d'être signalé66. En l'espèce, une requête en
nullité d'un mis en examen (dirigée contre son audition comme témoin et sa garde à
vue) avait été déclarée irrecevable par le président de la chambre de l'instruction, au
motif qu'elle n'avait pas fait l'objet d'une déclaration au greffe de la chambre de
l'instruction signée par le greffier. Ultérieurement, par application de l'article 385
du Code de procédure pénale, la juridiction de jugement avait déclaré irrecevable
la demande en nullité. En appel et en cassation, le raisonnement du président de
la chambre de l'instruction avait été approuvé. En définitive, la CEDH a estimé que
les juridictions françaises avaient fait preuve d'un formalisme excessif s'agissant des
exigences procédurales entourant le dépôt de la requête en nullité. La violation de
l'article 6 § 1 de la Convention EDH a été constatée. Mais surtout, et cet aspect du
raisonnement est ici important, au vu des conséquences qu'a entraînées l'irrecevabilité de la requête pour le requérant - lequel ne put jamais contester les actes de
procédure qu'il estimait litigieux devant les juridictions d'instruction et de jugement,
par le jeu des articles 173 et 385 du Code de procédure pénale - la CEDH a estimé
que le requérant s'était vu imposer une charge disproportionnée qui avait rompu le
juste équilibre entre, d'une part, le souci légitime d'assurer le respect des conditions
formelles pour saisir les juridictions et, d'autre part, le droit d'accès au juge.
Mutatis mutandis, le défaut de qualité pour agir en nullité du tiers à l'acte aboutit
pareillement à une demande irrecevable et à l'impossibilité de contester la régularité des actes. La situation n'est donc pas sans risques au regard de l'article 6 § 1 de
la Convention EDH67. Toutefois, dans une approche globale de la procédure, la Cour
de cassation estime que les dispositions de ce texte ne sont pas méconnues, dès
lors qu'un défaut de qualité pour agir du tiers ne prive pas celui-ci de la faculté de
discuter, devant la juridiction de jugement, la valeur probatoire des éléments contenus dans les actes dont il n'aura pas pu contester la régularité68.

65. V. par ex. CEDH, Berger c/France, 3 déc. 2002, no 48221/99, § 30 - Barbier c/France, 17 janv. 2006,
no 76093/01, § 25 - Walchli c/France, 26 juill. 2007, no 35787/03 - Viard c/France, 9 janv. 2014,
no 71658/10, § 29.
66. CEDH, Walchli c/France, 26 juill. 2007, no 35787/03, spéc. § 32 à 37.
67. Comp. CEDH, 11 oct. 2012, Abdelali c/France, no 43353/07.
68. Sur le respect de l'article 6 de la Convention EDH par l'existence de cette possibilité, v. Cass. crim., 14 févr. 2012,
no 11-87757 (B) - 18 févr. 2015, no 14-82019 (B) - 25 avr. 2017, nº 15-86849.

71
Table des matières de la publication Guide Pratique - Les nullités de procédure pénale - 2e
