Guide pratique - L'honoraire de l'avocat - 1re - 134

L'HONORAIRE DE L'AVOCAT

juridiques ; en conséquence, l'avocat ne saurait exiger de rémunération au titre des
prestations non juridiques qu'il effectue » ; et de soutenir que les prestations en vue
de l'établissement des comptes sociaux par un retraitement des balances comptables n'entreraient pas dans la mission de l'avocat sauf à violer les articles 3 de la loi
du 31 décembre 1971, 6 du décret du 12 juillet 2005 et 1er du RIN. Le premier président releva que « le cabinet d'avocats avait effectué tous les actes de recherche,
assistance juridique, fiscale et autres, permettant d'aboutir au résultat recherché,
à savoir trouver une solution de reprise et éviter le dépôt de bilan ; qu'à cet effet,
avait été mise en place une équipe pluridisciplinaire avec des spécialistes différents ;
que le résultat espéré nécessitait des recherches ainsi qu'une assistance sur le plan
fiscal et rédactionnel ; que le cabinet justifiait de l'importance de ce travail puisque
ses membres avaient participé à l'établissement des comptes sociaux ; qu'il s'agissait de réaliser un retraitement des balances comptables et notamment des productions enregistrées et à facturer dans le respect de la législation applicable ; qu'un de
ses membres était intervenu pour préparer le dépôt des requêtes en conciliation et
notamment : les échéanciers, la liste des principaux créanciers, une situation
récente, une situation de l'actif réalisable disponible et du passif ». La haute cour
jugea que le premier président avait pu déduire de ces éléments que ces prestations
relevaient de la mission pouvant être confiée à son avocat par une société pour lui
éviter de déposer le bilan67.
Le juge de l'honoraire doit taxer l'honoraire de l'intervention de l'avocat, quelle que
soit la nature de l'intervention dès lors qu'il ne lui est pas interdit de l'accomplir.
L'accomplissement d'une mission par l'avocat présuppose son droit de le faire
sauf à ce que l'instance disciplinaire ou le juge de la responsabilité le sanctionne.
Quelle que soit sa mission, le salaire de l'avocat est l'honoraire. Et le vocable d'honoraire s'applique toujours même à ses sous-catégories telles que « commission »,
« palmarium » ou autre. Pour ne pas oublier cette règle et n'avoir pas de doute, souvenons-nous d'une plaidoirie de 1579 rapportée par Merville d'après Bouchel,
témoin de l'interruption d'un avocat par un autre. « [Le premier] lança : "Vous avez
tort de m'interrompre, vous en avez assez dit pour gagner votre avoine". [Le second],
offensé, demanda réparation ; la plaidoirie s'acheva, et après l'arrêt prononcé, le
premier président de Thou dit [au premier] : "Maître, la Cour m'a chargé de vous
dire que ce qui se donne aux avocats pour leur labeur, n'est point par forme
d'avoine, mais c'est un honoraire". [L'avocat] fut si outré que depuis il n'eut plus de
santé, et mourut peu de temps après »68. Relevons que l'expression employée de
façon inconséquence dans un cénacle judiciaire par l'avocat, finalement à l'origine
de sa mort prématurée, appartient au parler populaire de Paris pour désigner le fait
« de bien travailler toute la journée pour gagner son soupé »69. Mais il y a bien longtemps qu'en France on ne passe de vie à trépas pour des questions d'honneur, ni
que quiconque ne risque d'être le moins du monde morigéné pour avoir pris la
liberté d'user un tel vocabulaire, fût-ce, pour rester dans l'image du souper, dans
le cénacle judiciaire.
67. Cass. 2e civ., 3 mars 2011, nº 10-11694, Gaz. Pal., 5-7 juin 2011, p. 12, note B. DE BELVAL et J. VILLACÈQUE.
68. Anonyme (P. BIARNOY DE MERVILLE et A.-G. BOUCHER D'ARGIS), Règles pour former un avocat, Durand et Pissot, 1753.
69. P.-J. LE ROUX, Dictionnaire comique, satyrique, critique, burlesque, libre & proverbial, deux vol., t. I, Amsterdam,
1787.

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