Guide pratique - L'honoraire de l'avocat - 1re - 19

CHAPITRE I

Histoire revisitée du droit
de l'honoraire

13 › Droit à l'honoraire et droit de l'honoraire. - L'étude du droit de l'honoraire
révèle un paradoxe. Le droit « à » l'honoraire est immémorial, et pourtant le droit
« de » l'honoraire, et l'histoire de ce droit, n'inspirèrent presque jamais d'étude
détaillée. Souvent il n'était fait référence qu'aux Constitutions de saint Louis qui
commandèrent aux avocats d'accepter de plaider gratuitement les causes des
pauvres, des veuves et des orphelins, ou aux lois établies par les souverains légiférant en limitant le montant maximum des honoraires susceptibles d'être réclamés par les avocats. Ainsi, par exemple, l'ordonnance de Philippe III le Hardi du
23 octobre 1374 établit cette limite à 30 livres. Encore plus tard, la liberté de l'honoraire, et l'indépendance qui en résultait, fut à l'origine de la grève du barreau
de 1602 devenue une véritable image d'Épinal. Nous ne donnerons pas ici un
historique complet de l'histoire du droit de l'honoraire, mais nous voulons
reprendre la façon dont il a été instrumentalisé pendant les trois derniers siècles. Peut-être les lignes qui suivent éclaireront-elles le lecteur quant aux raisons qui ont provoqué si longtemps le silence des historiens et des juristes sur
ce thème qui au fil du temps était devenu, au sein du barreau, un véritable tabou,
à la mesure de la grandeur du barreau rêvé par ses chantres.
En effet, si l'on s'en tenait à la thèse aujourd'hui encore dominante, le droit de l'honoraire semblerait relativement récent ou se serait dans les temps passés limité à
interdire de s'en préoccuper. Cela conduisit Jean-Claude Woog (1928-2011) à supposer que « peut-être parce qu'en des temps moins difficiles il n'était que le tribut
spontané de la reconnaissance du client, l'honoraire est resté un sujet dont, pendant
longtemps, on s'est complu à ne point trop parler »1.
L'avocat exerce une activité professionnelle et ne jouit pas simplement d'un état.
Le décret de 1822 ainsi que la question de la patente au milieu du XIXe siècle avaient
été les premiers signes de cela. Les décrets de 1920 et de 1954 consacrèrent le
basculement du barreau aristocratique et mondain vers le barreau professionnel.
Depuis maintenant près d'un siècle, l'usage du titre d'avocat est obligatoirement
corrélatif de l'inscription au barreau et de l'exercice effectif de la profession qu'il
désigne. Cette disposition n'était en fait que la traduction d'un bouleversement
sociologique provoqué par la guerre de 1914-1918 affectant la civilisation occidentale en général et la France en particulier. Le temps n'était alors déjà plus à l'avocat
dilettante vivant de ses rentes et s'adonnant aux plaisirs du raisonnement juridique
1. J.-C. WOOG, Pratique professionnelle de l'avocat, Litec Gazette du Palais, 1991.

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