Guide pratique - L'honoraire de l'avocat - 1re - 29

HISTOIRE REVISITÉE DU DROIT DE L'HONORAIRE

honoraire ne saurait appartenir à une plaidoirie contraire au mandat donné et reçu,
à une plaidoirie qui a dissipé de son propre souffle une dernière espérance ». Il doit
être reconnu à l'abbé une grande hauteur morale puisqu'il termina ses explications
par une mention très simple : « Le tribunal a déclaré que M. Chamand avait droit à
400 francs d'honoraires et a condamné M. Coulomb à payer cette somme et les
dépens ». Son mémoire très détaillé ne remet nulle part en cause le droit d'action
de l'avocat.
Un factum15 publié en 1870 par Me Lecot, avocat à Nantua puis à Saint-Étienne, pour
la cour d'appel de Grenoble, relate une affaire compliquée en droit domanial opposant la commune de Chevillard à l'État, dans l'interprétation, en 1855, d'un arrêt de
1724 et d'une transaction de 1634. En 1827, Victor Proudhon (1758-1838), célèbre
professeur de droit, avait établi une consultation pour Chevillard. Lecot prit ensuite
la défense de la commune mais modifia totalement l'argumentation du premier
consultant en optant pour une qualification juridique différente. Il sortit victorieux
du procès. S'ensuivit un contentieux avec sa cliente, relatif à ses honoraires. Le tribunal les fixa à 4 500 francs. L'avocat fit appel. Le mémoire fut signé de lui-même.
Comme Verdier-Latour vingt ans plus tôt, il assura sa propre défense. Furent abordés différents thèmes : « Est-ce le travail de Lecot ou celui de Proudhon qui a
influencé la décision ? » « Selon l'évaluation des forêts concernées quelle est l'importance du litige ? » Suivait le montant des honoraires demandés à hauteur de
8 960 francs pour différentes instances. Puis le questionnement reprenait : « Ces
honoraires sont-ils exagérés eu égard à l'importance de l'affaire et aux difficultés
qu'elle présentait ? » L'avocat faisait alors référence à d'autres dossiers qu'il avait
défendus dans cette matière. Il citait aussi les honoraires de confrères. Il comparait
notamment l'honoraire d'un confrère intervenu pour la même commune en argumentant sur l'intérêt du litige, mais aussi sur la difficulté technique de chacun des
deux procès et l'ingéniosité qu'il avait dû mettre en œuvre « pour créer un nouveau
système de défense ». Et de soutenir que « en tenant compte de ces difficultés, de
l'importance pécuniaire des intérêts engagés, du résultat obtenu, l'honoraire
[demandé] est loin d'être l'équivalent proportionnel de l'honoraire payé [à son
confrère]. Si l'honoraire est basé sur la valeur du litige, l'honoraire de 3 500 francs
[pour la cour] devrait être de 12 000 ou 14 000 francs. En comparant les divers chiffres d'honoraires payés dans différentes affaires indiquées, il est facile de voir que
les honoraires réclamés [par lui] sont d'une modération extrême, comme l'ont
déclaré, du reste, ses confrères du barreau de Nantua, dans un avis motivé, en
1863 ». Enfin l'avocat critiquait le chiffre alloué en première instance comme étant
« par trop inférieur à celui accordé dans les autres affaires, souvent moins importantes et à coup sûr moins délicates et plus faciles. L'usage proteste contre cette
allocation. Au reste le tribunal se met en contradiction avec son jugement précédent qui alloue 3 500 francs pour plaidoiries à Me Lecot dans chaque affaire de
cantonnement. (...) Me Lecot s'en remit donc avec confiance à l'appréciation éclairée
de la cour ». Nous ne connaissons pas l'arrêt. Mais la pratique du procès de l'honoraire est avérée.
15. LECOT, « Observations pour Me Lecot, avocat contre la commune de Chevillard », Freydier, Saint-Étienne, 1870
(BNF, 4-FM-18436).

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