Guide pratique - L'honoraire de l'avocat - 1re - 43

HISTOIRE REVISITÉE DU DROIT DE L'HONORAIRE

Le sang de Linguet ne fait qu'un tour. Il publie un mémoire d'une violence sans
mesure. L'ordre porte l'affaire au parlement ». L'académicien Antoine-Louis Séguier
(1726-1792), avocat général, « prononce le réquisitoire et la radiation est ordonnée
(4 février 1775). Linguet fait opposition. Plaide maladroitement. L'arrêt du 29 mars
1775 confirme. Si la démesure de Linguet a causé sa perte, Gerbier s'est montré
tenace dans son acrimonie, le barreau jaloux et de Gerbier et de Linguet. » Bernard
Sur observe avec finesse que « c'est à l'occasion de cette procédure disciplinaire que
le parlement radie pour la première fois un avocat et ce faisant enlève à l'ordre sa
compétence. Jurisprudence qui malheureusement au XIXe siècle, va s'étendre »,
d'une certaine façon punissant par ricochet le barreau de son attitude inappropriée.
Faisons maintenant appel à nos classiques.

III - ANCIEN RÉGIME
24 › Camus et ses Lettres sur la profession d'avocat52. - À la fin de l'Ancien
Régime, Armand-Gaston Camus (1740-1804), avocat au barreau de Paris, dans
la première de ses Lettres sur la profession d'avocat (notre exemplaire est de
l'édition de 1777), proférait quelques lignes simplistes et peu critiques qui à
leur tour orientèrent pour longtemps toute la déontologie officielle de son
ordre : « La récompense de ces nobles fonctions (d'avocat) est la même que
celle de la vertu. J'ai déjà eu l'intention d'en avertir Monsieur votre fils ; elle ne
consiste point dans la fortune. Il recevra des honoraires mais il estimera trop
son zèle et ses veilles pour croire qu'on puisse l'évaluer à prix d'argent et
qu'une certaine quantité d'or doit être en soi une digne récompense. Les honoraires sont un présent par lequel un client reconnaît les peines qu'on a prises à
l'examen de son affaire. Il n'est pas extraordinaire de manquer à le recevoir,
parce qu'il n'est pas extraordinaire qu'il se rencontre un client sans reconnaissance ; dans quelque cas que ce soit, jamais ils ne sont exigés. Une pareille
demande serait incompatible avec la profession d'avocat et au moment où on
la formerait, il faudrait renoncer à son état ». À l'en croire la sentence serait
implacable.
Heureusement Camus prenait tout de même la peine de préciser sa source qui
apparaissait très particulière : « L'étendue de la loi que nous nous sommes imposée
à nous-mêmes, de ne point demander d'honoraires, est développée en ces termes,
par un de nos anciens bâtonniers : "Ceux qui auraient la témérité de demander des
honoraires, seraient retranchés du tableau. Mais il ne doit point nous suffire de ne pas
former des demandes en justice ; nous devons éviter d'obliger nos clients, par nos
manières envers eux pendant qu'ils ont actuellement besoin de nos secours, à nous
récompenser au-delà de ce qu'ils ont résolu" (discours du bâtonnier, le 9 mai
1723). » Le chef de l'ordre en cause doit être Claude Vaillant de Guelis ou Gérard
Blanche-Barbe53. Cette mention confirme la remarque de Damien qui impute directement la doctrine de cette interdiction au barreau de Paris et la qualifie de récente à
l'époque considérée mais aussi d'absurde. En revenant à sa lecture nous constatons
52. A.-G. CAMUS, Lettres sur la profession d'avocat, Méquignon le Jeune, 1777.
53. Collectif, Le cent cinquantenaire du rétablissement du barreau de France, Ordre des avocats au barreau de Paris,
1960.

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