Guide pratique - L'honoraire de l'avocat - 1re - 54

L'HONORAIRE DE L'AVOCAT

leur faisant perdre la confiance publique, les conduirait bientôt à l'indigence.
L'histoire est remplie d'exemples que les avocats ont donnés de leur désintéressement et de leur générosité ». Mais pour éviter un très regrettable contresens,
n'oublions pas de citer la note de l'auteur. Voici les exemples qu'il donne :
« Joly69, en la vie de Guy Coquille, dit qu'il donnait la dixième partie de son bien
aux pauvres. Matthieu Chartier leur en donnait la centième partie. Mauguin tout
ce qu'il gagnait les fêtes et dimanches. V. Pasquier70, en ses recherches ».
Quoi de plus piquant que la description ironique de ce faux-semblant doctrinaire
et que l'utilisation même de l'expression « se piquer de » ? Renvoyons au duc de
La Rochefoucauld (1613-1680)71 qui nous enseigne presque en frontispice de ses
Maximes que « nos vertus ne sont le plus souvent que des vices déguisés » puis en
son 208e aphorisme que « le vrai honnête-homme est celui qui ne se pique de rien »,
préféré au marquis de Vauvenargues (1715-1747)72 qui lui répond dans sa Critique
que « ce mérite, si c'en est un, peut se rencontrer aussi dans un imbécile ».
Dans l'atmosphère lettrée et humaniste du XVIIIe siècle, l'expression de Boucher
d'Argis « se piquer de » n'est certes pas anodine et doit être mise en relation avec
l'esprit et les préoccupations du temps et les autres passages du texte que nous
visons. Il sera mis en lumière avec grand bénéfice par la lecture des analyses données par Oskar Roth73 dans L'honnête homme et le dandy et Éric Turcat74 dans Les
maximes et leurs ambivalences auxquels nous renvoyons.
Mais Jean de La Fontaine (1621-1695)75 recueillera peut-être l'approbation de tous,
avec sa fable que nous pourrions réciter dans les conférences du stage, tel un exercice très facile, afin d'éviter que le barreau ne se métamorphose lui aussi en
Mulet se vantant de sa généalogie : « Le Mulet d'un Prélat se piquait de noblesse ;
//Et ne parlait incessamment/Que de sa mère la Jument, /Dont il contait mainte
prouesse. //Elle avait fait ceci, puis avait été là. //Son fils prétendait pour cela,
/Qu'on le dût mettre dans l'Histoire. //Il eût cru s'abaisser servant un Médecin.
/Étant devenu vieux, on le mit au moulin, /Son père, l'Âne alors lui revint en
mémoire. //Quand le malheur ne serait bon/Qu'à mettre un sot à la raison, /Toujours
serait-ce à juste cause, /Qu'on le dit bon à quelque chose ».
Le caractère intellectuel de la prestation fournie rend parfois difficile sa perception
du point de vue de sa contre-valeur en argent. L'aspect symbolique de l'exercice du
barreau participe de sa valorisation au-delà même des contraintes économiques,
sociales et fiscales qui l'entourent et qui établissent en elles-mêmes la mise en
œuvre des critères prévus par la loi.
Il s'agit de Guillaume Joly (1550-1613) qui a publié les œuvres posthumes de Guy Coquille (1523-1603).
Il s'agit d'Étienne Pasquier (1529-1615), cf. supra, nº 1.
F. duc DE LA ROCHEFOUCAULD, Maximes et réflexions morales du duc de La R., Londres, 1784.
L. DE CLAPIERS, marquis DE VAUVENARGUES, Œuvres posthumes et œuvres inédites de V. avec notes et commentaire
de D.-L. Gilbert, Slatkine reprints, Genève, 1970.
73. O. ROTH, « L'honnête homme chez La Rochefoucauld », in A. MONTANDON, L'honnête homme et le dandy, Gunter
Narr Verlag, Tübingen, 1993.
74. E. TURCAT, La Rochefoucauld par quatre chemins, les Maximes et leurs ambivalences, Gunter Narr Verlag, Tübingen,
2013.
75. J. DE LA FONTAINE, Fables choisies mise en vers par Monsieur de La F. avec un nouveau commentaire par M. Coste,
membre de la Société Royale de Londres, Prault père, 1746.

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