Carrières judiciaires - Entrer à l’ENM - L’épreuve de connaissance et compréhension du monde contemporain - 3e - 19

CHAPITRE 1 - ÉLÉMENTS DE CADRAGE ET DE CORRECTION DE L'ÉPREUVE REMIS PAR L'AUTEUR

I - L'INTÉRÊT ET LA PORTÉE DE LA QUESTION POSÉE1
La « Stèle des Vautours », au Musée du Louvre, salle 1a, vitrine 6, du département
des Antiquités orientales : c'est tout ce qu'il reste, aujourd'hui, d'un litige, vieux de
plusieurs millénaires, concernant un règlement de frontières entre deux cités-États
de Mésopotamie : Umma et Lagash. C'est aussi le plus ancien témoignage historiographique de relations entre États.
« Quel avenir pour les frontières ? » La question devait déjà, faut-il croire, se poser
sur les bords de l'Euphrate au milieu du troisième millénaire avant J.-C.
Cette question, posée aujourd'hui à la société française, n'a pas vieilli, non ; tout se
passe comme si, à force de longévité, elle était comme devenue intemporelle : toujours
posée, toujours à poser. Qu'en sera-t-il, donc, des frontières dans 40 ans et plus, dans
quatre ans, dans quatre mois ? (Ou encore : quelles sont nos « stèles » à venir, que
nos descendants trouveront dans leurs musées dans 4 500 ans ?)
« 40 ans et plus » : un candidat au premier, deuxième ou troisième concours d'accès
à l'ENM servira, s'il est lauréat, la magistrature pendant plusieurs décennies (jusqu'en
2050 et plus pour les candidats du premier concours).
Il est donc appelé à se projeter dans son futur environnement professionnel, ce,
dès cette première épreuve d'admissibilité. Aussi lui faut-il connaître « le contexte
d'intervention du magistrat », et son devenir présumable.
Il lui faudrait encore maîtriser au mieux les contraintes du mouvement perpétuel
d'un monde complexe de plus en plus fluide. Les frontières n'échappent pas à cette
fluidité, ni à cette complexité, ni même à ce mouvement. C'est la raison pour laquelle
le candidat doit être capable de s'interroger ici sur le devenir des différentes frontières, juridiques, politiques, économiques... devenir qui pourrait substantiellement
modifier l'environnement du magistrat de demain, voire sa façon de « dire le droit ».
Aujourd'hui se décide ce que sera le monde en 2050 et se prépare ce qu'il sera en
2100. Ainsi raisonnent les prospectivistes et futurologues. Ainsi encore raisonne,
pour en être, Jacques Attali dans sa Brève histoire de l'avenir. Tous - qu'il s'agisse de
l'ancien sherpa, d'Alvin et Heidi Toffler, de Jeremy Rifkin, de Joël de Rosnay... - ont
un point commun, leur connaissance des sciences humaines, sociales, politiques,
économiques, juridiques et de l'histoire des sociétés. Tous ont une particularité, la
maîtrise de la pluridisciplinarité, version sublimée de la « culture générale ».
Le candidat est censé être doué de cette particularité pour espérer devenir magistrat à
brève échéance. C'est en tout cas ce que rappelle l'intitulé complet de notre épreuve :
« Dissertation sur une question posée aujourd'hui à la société française dans ses
dimensions judiciaires, juridiques, sociales, politiques, historiques, économiques,
philosophiques et culturelles ».
Notre sujet - prospectif, futurologique au possible - prolonge, comme naturellement,
cet horizon d'attente. Il interroge aussi directement le futur magistrat.
Pourquoi avoir posé cette question à un candidat souhaitant devenir magistrat de
l'ordre judiciaire ?

1. Session 2012.

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