Carrières judiciaires - Entrer à l’ENM - L’épreuve de connaissance et compréhension du monde contemporain - 3e - 257

PARTIE 4 - ÉLÉMENTS DE RÉFLEXION SUR DOUZE SUJETS POTENTIELS

homosexuels. Elle démontre comment le principe d'égalité a permis l'ouverture du
mariage aux personnes de même sexe et celle de l'adoption dans un premier temps.
Ensuite, elle avance que ce même principe est invoqué en faveur de l'ouverture de la
procréation médicalement assistée pour les couples de femmes, puis de libre recours
à la gestation pour autrui en faveur des couples d'hommes. L'exigence d'égalité semble
donc, selon Schnapper, être en perpétuelle régénération. Cette quête sans cesse renouvelée d'égalité contribue à faire de l'homme démocratique un éternel insatisfait. Elle
est également susceptible de faire naître, au sein d'une frange de la population, un
sentiment de frustration qui pourrait lui-même induire un sentiment d'exclusion sociale.
On sait depuis les travaux de Pierre Mannoni dans La Malchance sociale, combien les
facteurs psychologiques sont déterminants dans l'apparition du phénomène d'exclusion
sociale. En outre, comme le démontre Serge Moscovici dans Psychologie des minorités
actives, le fait qu'un tel ressenti ne concerne qu'un nombre limité de personnes n'est
pas un obstacle à l'émergence d'une instabilité de grande ampleur.
L'insatisfaction tient donc une position ambivalente vis-à-vis de la démocratie.
Elle est à la fois une condition indispensable à son apparition mais recèle en elle des
potentialités qui peuvent la muer en abîme démocratique. Pour autant, la satisfaction,
qui est son opposée, n'est pas, elle non plus, sans danger pour la démocratie.
La satisfaction, lorsqu'elle aboutit à l'inertie, peut elle aussi présenter une menace
pour la démocratie. Or, par certains aspects, les médias de masse peuvent contribuer
à l'existence d'une atonie de l'opinion publique (A). Il appartient dès lors aux pouvoirs
publics de renouveler leur action afin de redonner toute sa vigueur au débat public
qui fait vivre la démocratie (B).
Les médias, et les nouvelles technologies en général, peuvent parfois favoriser
l'instauration d'une sorte de satisfaction générale qui, à terme, expose la démocratie
à n'être qu'un moribond.
Ainsi, si historiquement les médias ont joué un rôle déterminant dans la construction démocratique, ceux-ci sont également la cible de critiques acerbes pour leur
rôle dans l'affaiblissement, voire dans l'atonie de la vie publique. En 1962, Jürgen
Habermas démontre, dans L'Espace public, la place centrale des médias, et notamment de la presse, dans le débat public. En effet, ceux-ci sont essentiels en ce qu'ils
permettent à tout citoyen d'être informé des affaires publiques et des débats ayant
cours. L'information permet également la formation des opinions citoyennes et génère
des prises de position qui définissent le cadre du débat public. Or, c'est à cette occasion
que se construit et se vit l'expérience démocratique. Ce rôle déterminant de l'information a d'ailleurs été consacré par le Conseil constitutionnel. Un objectif à valeur
constitutionnelle de pluralisme de l'information à la disposition du citoyen a été posé.
Pourtant, force est de constater que la vie du débat public n'est plus, depuis quelques
années, la priorité des médias. Cette dérive a été signalée dès les années 1990 par Karl
Popper et Pierre Bourdieu dans deux ouvrages publiés à quelques années d'intervalle
et tous deux intitulés Sur la télévision. Bourdieu avançait l'idée selon laquelle l'homogénéisation de l'information et la part grandissante du divertissement au détriment

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