Carrières judiciaires - Entrer à l’ENM - L’épreuve de connaissance et compréhension du monde contemporain - 3e - 258

PARTIE 4 - ÉLÉMENTS DE RÉFLEXION SUR DOUZE SUJETS POTENTIELS

du débat d'idées et de la culture allaient contribuer à la mort de la démocratie. La
logique capitaliste et la course effrénée au profit conduit en effet la télévision en
particulier à préférer le divertissement aux débats politiques. « La société de masse ne
veut pas la culture », disait Hannah Arendt dans La crise de la culture. Il faut d'ailleurs
signaler que les émissions politiques elles-mêmes, lorsqu'elles sont programmées,
ont tendance à mettre en spectacle la classe politique au détriment, une fois de plus,
du débat de fond. Cette tendance n'est au demeurant pas niée par les intéressés
eux-mêmes. Patrick Le Lay, président de TF1, avait ainsi pu déclarer que sa chaîne
n'avait pour seul objectif que de vendre à Coca-Cola « du temps de cerveau humain
disponible ».
Cette dérive pousse, in fine, les citoyens à ne plus exercer leur sens critique, à ne plus
alimenter leur insatisfaction politique. Ainsi se diffuse une satisfaction ambiante qui,
par l'atonie qu'elle véhicule, est une menace pour la vie démocratique.
Dans ce contexte, les pouvoirs publics se doivent de redonner de la vigueur au
débat démocratique en usant notamment des nouvelles technologies de l'information et de la communication. Celles-ci peuvent en effet permettre l'émergence d'une
nouvelle forme de démocratie participative.
Les initiatives permettant de lutter contre l'atonie du débat public sont aujourd'hui
multiples. Ainsi, Pierre Rosanvallon dans Le parlement des invisibles, relate l'impérieuse nécessité qu'il y a à donner une nouvelle impulsion à l'expression citoyenne.
Le théoricien du désenchantement démocratique a ainsi mis en place un site Internet,
« Raconter la vie », pour donner à des citoyens lambda la possibilité de rendre audible
leur opinion sur un sujet sociétal. Dans le même ordre d'idées, le président de l'Assemblée nationale, Claude Bartolone, a pris l'initiative de permettre aux citoyens
d'exprimer, via Internet, à l'occasion du débat parlementaire sur la fin de vie. Ainsi,
les nouveaux moyens de communication tendent de plus en plus à être intégrés au
jeu démocratique. Peut-être, et sans doute annoncent-ils l'avènement d'une nouvelle
forme de démocratie participative. Quoi qu'il en soit, ces initiatives, bien que relativement isolées, contribuent à redonner de la vigueur au débat démocratique. Elles
aboutissent ainsi, en partie, à ce que les insatisfactions citoyennes puissent être
exposées, de manière apaisée. Quelques écueils subsistent toutefois, qui tiennent
notamment au risque de débordements, Internet étant le lieu de nombreux excès.
Ainsi, l'ouverture de tels espaces virtuels pourrait permettre l'exposition d'idées antirépublicaines, voire antidémocratiques. Mais n'est-ce pas cela, aussi, la démocratie ?

La démocratie est donc menacée par l'insatisfaction autant qu'elle est par la satisfaction. Pouvant conduire à l'instabilité du régime ou à l'inertie du débat public, l'une et
l'autre constituent l'abîme de la démocratie. Pouvant au contraire permettre l'émergence
de la démocratie ou assurer sa pérennité, elles en sont l'horizon. L'insatisfaction n'est
donc pas en elle-même une menace pour la démocratie. Celle-ci est en effet indispensable
à l'existence du débat public. Tel le marcheur de Michel de Certeau, le citoyen insatisfait
doit apprendre à se jouer de l'ordre établi pour sans cesse réinventer son quotidien, car
la démocratie, c'est aussi l'indiscipline.

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