Revue - Les Cahiers sociaux n° 295 - Avril 2017 - 10

Identification du contrat de travail

rappeler que les sociétés du groupe Métaleurop ont été parties à
l'affaire qui a donné lieu à l'arrêt du 28 septembre 2011 dans lequel
la Cour de cassation a estimé que le co-emploi pouvait être reconnu
« sans qu'il soit nécessaire de constater l'existence d'un rapport de
subordination individuel de chacun des salariés à l'égard de la société
mère » (Cass. soc., 28 sept. 2011, no 10-12278).
la Cour de cassation avait alors confirmé les arrêts de la cour d'appel
ayant considéré que la société Métaleurop SA-recyclex était coemployeur des salariés de la société Métaleurop Nord après avoir
constaté que la décision de restructurer la filiale avait été prise par
la société mère, qu'il existait des dirigeants communs entre les deux
sociétés, qu'elle assurait le recrutement des cadres de la filiale qui
reportaient hiérarchiquement à un membre de la société mère (qui
décidait également de leurs primes), que la société mère tenait la
trésorerie de sa filiale et, enfin, que la société mère s'était directement chargée de négocier un moratoire à la place et pour le compte
de sa filiale.
À peine plus de cinq ans après, les mêmes faits conduisent à l'appréciation inverse.
En effet, dans les espèces commentées, la cour d'appel de Douai,

C'est l'arrêt rendu dans l'affaire «  Molex  », le 2  juillet 2014, qui a
principalement attiré l'attention. la Cour de cassation y a énoncé
de façon particulièrement claire que «  le fait que les dirigeants de
la filiale proviennent du groupe et que la société mère ait pris dans
le cadre de la politique du groupe des décisions affectant le devenir
de la filiale et se soit engagée à fournir les moyens nécessaires au
financement des mesures sociales liées à la fermeture du site et à la
suppression des emplois, ne pouvait suffire à caractériser une situation de co-emploi » (Cass. soc., 2 juill. 2014, préc.).
les faits de l'arrêt Molex sont à cet égard très proches de ceux des
arrêts Métaleurop et le revirement dans l'analyse des faits opéré par
la cour d'appel de Douai montre que les juges du fonds ont parfaitement analysé l'évolution de la jurisprudence de la Cour suprême et
n'ont pas l'intention de résister à la vague d'arrêts rendus par la Cour
de cassation (voir dernièrement les arrêts  : Cass. soc., 9  juin 2015,
n° 13-26558 - Cass. soc., 18 févr. 2015, n° 13-22595 - ou encore les
arrêts Continental : Cass. soc., 6 juill. 2016, 3 arrêts, n° 14-27266 - ou
Proma : Cass. soc., 6 juill. 2016, n° 14-26541).
la position de la cour d'appel de Douai entre ainsi dans la logique
générale selon laquelle, dans les « situations où est [seule] en cause

après avoir rappelé la définition devenue traditionnelle du co-emploi
hors cas de lien de subordination  (caractérisé par «  une confusion
d'intérêts, d'activités et de direction se manifestant par une immixtion dans la gestion économique et sociale » de la société filiale), analyse à nouveau les relations entre la société Métaleurop SA-recyclex
et la société Métaleurop Nord et écarte le co-emploi.

la politique économique d'un groupe de sociétés ayant des répercussions sur l'une de ses filiales  », le co-emploi doit être écarté
(loiseau G., « le coemploi mort ou vif », JCP S n° 38, 27 sept. 2016,
1317). la cour d'appel de Douai transforme ainsi, en l'espèce, un durcissement de la jurisprudence de la Cour de cassation en revirement
de « sa » jurisprudence.

Pour ce faire, la cour d'appel rappelle tout d'abord que l'appartenance à un groupe suppose notamment l'existence de liens financiers étroits, de liaisons économiques privilégiées. Elle estime alors
que la simple supervision du président de la filiale par les dirigeants
de la société mère, le fait que cette dernière ait conservé un pouvoir
de direction sur l'un des cadres dirigeants de la filiale à un moment
donné (le directeur des ressources humaines étant devenu le président de la filiale sans abandonner ses fonctions au sein de la société
mère), le fait que la société mère ait décidé de l'octroi d'une prime
aux cadres de dirigeants de la filiale, ou que la gestion de la trésorerie de la filiale par la société mère (pour le compte de la filiale),
ne caractérise pas une immixtion anormale de la part de la société
Métaleurop SA-recyclex dans sa filiale Métaleurop Nord et conclut
donc sur ce point à l'absence de situation de co-emploi.

Pour autant, il n'est pas certain que la cour d'appel de Douai, pas
plus que les autres juridictions du fond, abandonne complétement
la notion de co-emploi sans lien de subordination dans la mesure où
la Cour de cassation ne l'a pas non plus abandonnée dans les arrêts
« 3 suisses » (Cass. soc., 6 juill. 2016, n° 15-15481 à n° 15-15545) sur
pourvois d'arrêts rendus précisément par la cour d'appel de Douai.
Toutefois, les faits à l'origine des arrêts 3  suisses étaient sensiblement différents puisque, dans ces espèces, la filiale avait été dépossédée de pratiquement toutes ses prérogatives en termes de gestion
économique et sociale de la société notamment par un transfert massif des équipes informatiques, comptables et ressources humaines.

En adoptant une solution exactement contraire à celle ayant donné
lieu à l'arrêt de la Cour de cassation du 28 septembre 2011 sur la base
des mêmes faits, la cour d'appel de Douai prend acte de la manière
la plus claire possible de l'évolution de la jurisprudence de la Cour de
cassation en la matière intervenue depuis fin 2013.
Depuis lors, la Cour de cassation a considérablement renforcé son
contrôle de la reconnaissance du co-emploi au point de rejeter (ou
considérer comme insuffisamment caractérisée) cette qualification
dès lors qu'était seulement rapportée la preuve de l'existence de dirigeants communs ou de la participation de la direction dans la gestion
des commandes, de la trésorerie, de la comptabilité ou dans la mise
en place d'un plan de sauvegarde de l'emploi (Cass. soc., 25  sept.
2013, n° 12-14353 - Cass. soc., 18 déc. 2013, n° 12-25686 - Cass. soc.,
5 févr. 2014, n° 12-29704 - Cass. soc., 20 mai 2014, n° 12-20527 - Cass.
soc., 24 juin 2014, n° 10-19776 - Cass. soc., 2 juill. 2014, n° 13-15208
et s. - Cass. soc., 16 mai 2013, n° 11-25711).

172

Les Cahiers soCiaux n° 295 - avriL 2017

il semble désormais clair que les décisions qui seront prises par
les sociétés mères et têtes de groupe relatives à l'organisation du
groupe, y compris la centralisation de certaines fonctions (mais pas
toutes) au niveau de la société mère, ne devraient plus, en soi, entraîner la reconnaissance d'une situation de co-emploi.

3. Les nouveaux outils juridiques de
la mise en cause de la responsabilité
de la société mère : l'exemple de faute
délictuelle ouvrant droit à la réparation
de la perte de chance
Bien que la cour d'appel rejette la qualité de co-employeur de la
société mère Métaleurop SA-recyclex, celle-ci n'est pas pour autant
mise totalement hors de cause, bien au contraire, puisque sa responsabilité délictuelle est engagée et qu'elle est au final condamnée à
verser des dommages-intérêts aux anciens salariés de sa filiale.
la cour d'appel considère en effet que la société mère a exploité
l'état de dépendance de sa filiale pour prendre, dans l'intérêt de



Table des matières de la publication Revue - Les Cahiers sociaux n° 295 - Avril 2017

Revue - Les Cahiers sociaux n° 295 - Avril 2017 - 1
Revue - Les Cahiers sociaux n° 295 - Avril 2017 - 2
Revue - Les Cahiers sociaux n° 295 - Avril 2017 - 3
Revue - Les Cahiers sociaux n° 295 - Avril 2017 - 4
Revue - Les Cahiers sociaux n° 295 - Avril 2017 - 5
Revue - Les Cahiers sociaux n° 295 - Avril 2017 - 6
Revue - Les Cahiers sociaux n° 295 - Avril 2017 - 7
Revue - Les Cahiers sociaux n° 295 - Avril 2017 - 8
Revue - Les Cahiers sociaux n° 295 - Avril 2017 - 9
Revue - Les Cahiers sociaux n° 295 - Avril 2017 - 10
Revue - Les Cahiers sociaux n° 295 - Avril 2017 - 11
Revue - Les Cahiers sociaux n° 295 - Avril 2017 - 12
Revue - Les Cahiers sociaux n° 295 - Avril 2017 - 13
Revue - Les Cahiers sociaux n° 295 - Avril 2017 - 14
Revue - Les Cahiers sociaux n° 295 - Avril 2017 - 15
Revue - Les Cahiers sociaux n° 295 - Avril 2017 - 16
Revue - Les Cahiers sociaux n° 295 - Avril 2017 - 17
Revue - Les Cahiers sociaux n° 295 - Avril 2017 - 18
Revue - Les Cahiers sociaux n° 295 - Avril 2017 - 19
Revue - Les Cahiers sociaux n° 295 - Avril 2017 - 20
Revue - Les Cahiers sociaux n° 295 - Avril 2017 - 21
Revue - Les Cahiers sociaux n° 295 - Avril 2017 - 22
Revue - Les Cahiers sociaux n° 295 - Avril 2017 - 23
Revue - Les Cahiers sociaux n° 295 - Avril 2017 - 24
Revue - Les Cahiers sociaux n° 295 - Avril 2017 - 25
Revue - Les Cahiers sociaux n° 295 - Avril 2017 - 26
Revue - Les Cahiers sociaux n° 295 - Avril 2017 - 27
Revue - Les Cahiers sociaux n° 295 - Avril 2017 - 28
Revue - Les Cahiers sociaux n° 295 - Avril 2017 - 29
Revue - Les Cahiers sociaux n° 295 - Avril 2017 - 30
Revue - Les Cahiers sociaux n° 295 - Avril 2017 - 31
Revue - Les Cahiers sociaux n° 295 - Avril 2017 - 32
Revue - Les Cahiers sociaux n° 295 - Avril 2017 - 33
Revue - Les Cahiers sociaux n° 295 - Avril 2017 - 34
Revue - Les Cahiers sociaux n° 295 - Avril 2017 - 35
Revue - Les Cahiers sociaux n° 295 - Avril 2017 - 36
Revue - Les Cahiers sociaux n° 295 - Avril 2017 - 37
Revue - Les Cahiers sociaux n° 295 - Avril 2017 - 38
Revue - Les Cahiers sociaux n° 295 - Avril 2017 - 39
Revue - Les Cahiers sociaux n° 295 - Avril 2017 - 40
Revue - Les Cahiers sociaux n° 295 - Avril 2017 - 41
Revue - Les Cahiers sociaux n° 295 - Avril 2017 - 42
Revue - Les Cahiers sociaux n° 295 - Avril 2017 - 43
Revue - Les Cahiers sociaux n° 295 - Avril 2017 - 44
Revue - Les Cahiers sociaux n° 295 - Avril 2017 - 45
Revue - Les Cahiers sociaux n° 295 - Avril 2017 - 46
Revue - Les Cahiers sociaux n° 295 - Avril 2017 - 47
Revue - Les Cahiers sociaux n° 295 - Avril 2017 - 48
Revue - Les Cahiers sociaux n° 295 - Avril 2017 - 49
Revue - Les Cahiers sociaux n° 295 - Avril 2017 - 50
Revue - Les Cahiers sociaux n° 295 - Avril 2017 - 51
Revue - Les Cahiers sociaux n° 295 - Avril 2017 - 52
Revue - Les Cahiers sociaux n° 295 - Avril 2017 - 53
Revue - Les Cahiers sociaux n° 295 - Avril 2017 - 54
Revue - Les Cahiers sociaux n° 295 - Avril 2017 - 55
Revue - Les Cahiers sociaux n° 295 - Avril 2017 - 56
Revue - Les Cahiers sociaux n° 295 - Avril 2017 - 57
Revue - Les Cahiers sociaux n° 295 - Avril 2017 - 58
Revue - Les Cahiers sociaux n° 295 - Avril 2017 - 59
Revue - Les Cahiers sociaux n° 295 - Avril 2017 - 60
Revue - Les Cahiers sociaux n° 295 - Avril 2017 - 61
Revue - Les Cahiers sociaux n° 295 - Avril 2017 - 62
Revue - Les Cahiers sociaux n° 295 - Avril 2017 - 63
Revue - Les Cahiers sociaux n° 295 - Avril 2017 - 64
Revue - Les Cahiers sociaux n° 295 - Avril 2017 - 65
Revue - Les Cahiers sociaux n° 295 - Avril 2017 - 66
Revue - Les Cahiers sociaux n° 295 - Avril 2017 - 67
Revue - Les Cahiers sociaux n° 295 - Avril 2017 - 68
https://www.nxtbook.com/lextenso-editions/Gazette/GPL-2018-02-06
https://www.nxtbook.com/lextenso-editions/Gazette/GPL-2017-06-12-hors_serie3
https://www.nxtbook.com/lextenso-editions/Gazette/GPL-25-07-2017
https://www.nxtbook.com/lextenso-editions/Gazette/CS-042017-bdc
https://www.nxtbook.com/lextenso-editions/Gazette/GPL-2017-04-11-hors_serie2
https://www.nxtbook.com/lextenso-editions/Gazette/GPL_11-2017
https://www.nxtbook.com/lextenso-editions/Gazette/GPL-2017-09
https://www.nxtbook.com/lextenso-editions/Gazette/GPL_02-2017
https://www.nxtbook.com/lextenso-editions/Gazette/Gazette-hors-serie_2016
https://www.nxtbook.com/lextenso-editions/Gazette/GPL-2016-04-05-hors-serie
https://www.nxtbook.com/lextenso-editions/Gazette/ExtraitGazetteDemo
https://www.nxtbookmedia.com