Revue - Les Cahiers sociaux n° 295 - Avril 2017 - 21

Contrat de travail

de référence servant au décompte des heures
supplémentaires, dans la limite de trois mois, le
droit à une compensation obligatoire en repos et
ses modalités d'attribution et la durée maximale
hebdomadaire moyenne de travail, dans la limite
de quarante-six heures par semaine, calculée
sur une période de référence de trois mois. En
annulant le système d'aménagement unilatéral
du temps de travail alors que les dispositions de
l'article L. 1321-1 du Code des transports excluent
l'application tant du chapitre 1er du Livre III de ce
code que de celles du Code du travail relatives à
la durée du travail et instituent un régime spécifique aux entreprises de transport public urbain
régulier de personnes et que ni les dispositions
de l'article L. 1321-2 du premier de ces codes, ni
celles du décret n°  2000-118 du 14  février 2000
relatif à la durée du travail dans ce secteur particulier n'interdisent l'établissement d'un cycle prévoyant à l'avance la réalisation habituelle d'heures
supplémentaires dans les limites prévues par les
articles 5 et 11 de ce texte réglementaire, la cour
d'appel, qui n'a pas caractérisé l'existence d'une
modulation du temps de travail, a violé les textes
susvisés. En outre, au visa de l'article 4 de la directive n° 2003/88/CE du Parlement et du Conseil du
4 novembre 2003 et de l'article L. 1321-1 du Code
des transports, la chambre sociale juge d'une
part, que l'article 4 de la directive 2003/88/CE, qui
se borne à fixer le principe d'une pause lorsque
le temps de travail journalier est supérieur à six
heures et renvoie aux États membres le soin de
fixer les modalités, notamment la durée de cette
pause, n'a pas d'effet direct sur ce point et, d'autre
part, que les dispositions de l'article L. 1321-1 du
Code des transports excluent l'application tant
du chapitre  1er du Livre  III de ce code que celles
du Code du travail relatives à durée du travail et
instituent un régime spécifique aux entreprises
de transport public urbain régulier de personnes.
Dès lors, en jugeant le système de fractionnement
des pauses illicite, la cour d'appel a violé les deux
textes au visa.
L'arrêt consacre l'aspect dérogatoire  du droit
social du transport public et urbain de voyageurs
qui trouve ses fondements, d'abord, dans le
caractère de service public du transport en cause
et, en outre, dans la spécificité du droit du transport, elle-même liée à la nature de l'activité. Ainsi,
la loi a prévu aux articles L. 1321-1 et L. 1321-2 du
Code des transports l'éviction d'une partie substantielle du droit commun du temps de travail et
sa substitution par un décret pris après consultation des organisations syndicales représentatives,
décret n° 2000-118 (modifié par le décret n° 2006925 du 19  juillet 2006) dont il est question dans
l'arrêt. Cet arrêt donne à voir deux modalités de
l'organisation particulière du temps de travail. La
première est liée aux modalités de décompte du
temps de travail et des heures supplémentaires.
En droit commun, le temps de travail et les heures
supplémentaires sont décomptés sur la semaine,
sauf si l'employeur, dans la limite de quatre à neuf
semaines (C.  trav., art. L.  3121-45), ou un accord

collectif, dans la limite d'un an voire trois ans (C.
trav., art. L. 3121-44), détermine une autre période
de référence. Or, ces règles sont écartées en droit
du transport en ce qui concerne la détermination
unilatérale de la période de référence (D. n° 2000118, 14  févr. 2000, art.  3) tandis que le décret
renvoie en matière collective au droit commun
du travail (D. n°  2000-118, 14  févr. 2000, art.  4).
L'employeur peut appliquer une modulation
unilatérale sur une période maximale de douze
semaines consécutives. Il en résulte que, suite à
la dénonciation des accords collectifs, l'aménagement unilatéral du temps de travail par la mise
en œuvre d'un système de modulation sur douze
semaines consécutives n'était pas en soi illégal.
Deux surprises à la lecture de cette décision. La
première concerne la formule de la Cour selon
laquelle « la cour d'appel [...] n'a pas caractérisé
l'existence d'une modulation du temps de travail ».
La précision est inutile, le décret ne prévoyant pas
de distinction entre une «  organisation  » d'origine unilatérale et une «  modulation  » d'origine
conventionnelle. Elle nous semble inopportune
car c'est la même logique - et la même portée
(v. not. Cass. soc., 11 mai 2016, n° 15-10025 : Cah.
soc. juill. 2016, n°  118x7, p.  361) - quoique différemment circonscrite, qui irrigue le processus de
détermination d'une période de référence autre
que la semaine, qu'il trouve sa source dans le
pouvoir unilatéral ou dans un accord collectif. La
seconde concerne la limite à la modulation unilatérale issue de la durée maximale hebdomadaire
de travail. La Cour juge que le temps de travail ne
peut conduire à dépasser «  la durée maximale
hebdomadaire moyenne de travail, dans la limite
de quarante-six heures par semaine, calculée sur
une période de référence de trois mois ». Or, l'article 5 du décret auquel la Cour se réfère, dispose
que « la durée maximale hebdomadaire de travail
calculée en moyenne sur une période quelconque
de douze semaines consécutives ne peut dépasser quarante-deux heures. Au cours d'une même
semaine, la durée maximale du travail ne peut
dépasser quarante-six heures ». Le droit du transport semble donc moins favorable que le droit
commun qui prévoit une durée maximale absolue
de 48 heures (C. trav., art. L. 3121-20) et une durée
maximale moyenne calculée sur douze semaines
de 44  heures (C. trav., art. L.  3121-22). Pourtant,
la Cour de cassation évoque une durée maximale
moyenne de 46  heures sur douze semaines, ce
qui n'est pas impossible au regard du droit commun (C. trav., art. L. 3121-23) mais qui ne correspond absolument pas à la lettre du texte spécial.
La seconde modalité dérogatoire illustrée par
cet arrêt concerne le temps de pause. Le syndicat contestait la faculté d'un fractionnement du
temps de pause, tel que prévu par l'employeur. Or,
le décret du 14 février 2000, tel que modifié par le
décret n° 2006-925, oblige certes à une pause de
vingt minutes lorsque le temps de travail quotidien
est supérieur à six heures mais permet un calcul
de ce délai à partir de pauses fractionnées d'une
durée d'au moins cinq minutes consécutives. La

Les Cahiers soCiaux n° 295 - avriL 2017

solution de la cour d'appel selon laquelle ce fractionnement est illégal est cassée. D'abord, la Cour
de cassation écarte tout invocabilité de l'article 4
de la directive 2003/88, entendu en droit commun comme écartant tout fractionnement du
temps de pause (v. not. Cass. soc., 20  févr. 2013,
n° 11-21599 et 11-21848 : Bull. civ. V, n° 51 ; JCP S
2013, 1194, note Morand  M.). En effet, l'article  4
de la directive «  renvoie aux États membres le
soin de fixer les modalités, notamment la durée,
de cette pause  » et, partant, n'est pas suffisamment clair, précis et inconditionnel pour être doté
d'effet direct. La précision de la chambre sociale
est d'importance car il eût été loisible, dans le cas
contraire, d'invoquer cette directive dans le cadre
d'un litige qui semble horizontal - ce qui devrait
écarter toute faculté d'invocation de la directive -
mais qui est en réalité vertical en raison de l'objet
de l'activité de l'employeur, exploitant un service
public de transport (v. not. Cass. soc., 22 juin 2016,
n° 15-20111 : Cah. soc. août-sept. 2016, n° 119d8,
p.  429). Dès lors, l'article  4 ne peut être invoqué
en vue d'exclure le droit social du transport issu
des deux décrets précités. En toute hypothèse,
il n'est pas évident que l'article 4 de la directive,
même jugé d'effet direct, aurait conduit à l'éviction du droit français du transport, l'article 17 de
la directive permettant des dérogations aux règles
du temps de pause, notamment dans le secteur
du transport terrestre urbain de passagers. Le
refus de la convocation de la directive conduit à
l'application du droit social du transport qui écarte
les règles de droit commun, permettant l'adoption
de règles dérogatoires. Par conséquent, la Cour
juge que l'autorisation générale prévue dans le
Code du transport rend licite l'aménagement des
règles en matière de pause prévue dans la norme
réglementaire.
120r1

120r2

L'expression religieuse dans
l'entreprise privée peut
être interdite sans nécessairement caractériser une
discrimination
CJUE, 14 mars 2017, no C-157/15, S. Achbita,
et al. c.G4S Secure Solutions
CJUE, 14  mars  2017, no  C-188/15, A.
Bougnaoui et al. c. Micropole Univers

120r2
Voilà deux décisions très attendues de la Cour de
Justice de l'Union européenne (CJUE) relatives à
l'articulation entre l'expression religieuse dans
l'entreprise privée et la directive  2000/78/CE du
Conseil du 27  novembre 2000 portant création
d'un cadre général en faveur de l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail, répondant aux questions préjudicielles, l'une posée
par la Cour de cassation belge, l'autre par la Cour

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Table des matières de la publication Revue - Les Cahiers sociaux n° 295 - Avril 2017

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