Revue - Les Cahiers sociaux n° 295 - Avril 2017 - 47

Dossier

Bien plus et indépendamment de toute référence aux règles de droit
applicables, l'importance donnée au colloque singulier entre le médecin du travail et le salarié ne saurait faire oublier au premier les caractéristiques du poste de travail. Or, non seulement ce poste fait du
salarié le membre d'une collectivité de travail et crée une proximité
plus ou moins grande mais toujours présente avec ses collègues de
travail, mais peut aussi conduire ce même salarié à entrer en contact
avec d'autres personnes, qu'elles soient d'ailleurs en lien ou non avec
l'entreprise. Ce qui conduit à tracer les contours de la catégorie de
tiers.

II. Qu'est-ce qu'un tiers ?
Non inconnue du droit de la santé au travail, la notion de tiers ne l'est
pas non plus du droit civil. Elle a fait et continue de faire l'objet de
nombreuses études émanant de spécialistes du droit des contrats
destinées à identifier le périmètre des effets d'un contrat (5) . Ce n'est
évidemment pas de ce tiers dont il s'agit ici.
Selon le Centre national de ressources textuelles et lexicales (www.
cnrtl.fr) est (un) tiers « ce qui s'ajoute, qui est étranger à un ensemble
de deux personnes, de deux groupes  ». la huitième édition du
Dictionnaire de l'Académie ajoute une précision en considérant que
par extension, le mot peut renvoyer à «  une personne étrangère (à
une affaire)  ». Appliquée à la surveillance médicale du salarié ainsi
qu'à l'évaluation de l'aptitude médicale du salarié au poste (qu'il
s'agisse du poste pour lequel il est recruté, de celui qui était le sien
au moment où est constatée une atteinte à la santé, ou encore du
poste qui pourra lui être proposé dans le cadre de la recherche de
reclassement), la notion de tiers mérite d'être précisée en partant
du constat que s'articulent autour de l'opération plusieurs liens de
droit. le premier est le rapport contractuel entre l'employeur et le
salarié dont la santé est atteinte et dont l'aptitude médicale est discutée. le deuxième est aussi un rapport contractuel entre le médecin
du travail du service autonome et l'employeur. Ce deuxième rapport
comporte une variante dans l'hypothèse du recours par l'employeur
à un service de santé au travail externe. En pareil cas, le lien de droit
s'établit entre le service de santé et l'employeur et entre le service
de santé et le médecin du travail qui est son salarié. En revanche,
aucun lien contractuel n'est constaté entre le médecin intervenant
et l'entreprise.
Ces rapports juridiques s'inscrivent dans un double contexte.
D'une part, celui de l'entreprise elle-même et de la collectivité de travail dans laquelle évolue le salarié concerné (les collègues de travail
lato sensu, c'est-à-dire non seulement ceux qui sont liés au même
employeur par un contrat de travail mais aussi ceux qui sont appelés à travailler plus ou moins temporairement avec le salarié, et l'on
pense ici aux salariés mis à disposition, aux salariés d'entreprises
extérieures au sens des articles l.  4511 et r.  4512 et suivants ou
encore aux entreprises co-intervenantes sur les chantiers du bâtiment et du génie civil au sens des articles l. 4531 et s. du Code du
travail).
D'autre part, celui des cocontractants de l'entreprise avec lesquels
les salariés peuvent être amenés à entrer en contact en raison même
de l'activité de l'entreprise et de leur poste de travail au sein de

(5) Terré F., Simler P. et Lequette Y., Droit des obligations, 11e éd., 2013, n° 484 et s.

ladite entreprise. les clients forment l'essentiel de cette catégorie
(client d'un service de transport de personnes, acheteur d'un bien en
contact avec les salarié vendeur).
Enfin, l'activité de l'entreprise peut exercer un impact sur des personnes qui ne sont pas ses clients et qui entrent involontairement
dans la sphère d'action des salariés de l'entreprise. Tels seront par
exemple, les victimes d'un accident provoqué par un salarié de
l'entreprise dans le cadre de l'exécution de son contrat de travail. il
pourra s'agir de la victime d'un accident de la circulation ou encore
d'une personne blessée ou tuée parce qu'entrée dans une zone
de danger potentiel créée par l'activité propre de l'entreprise. Par
exemple, un passant est blessé par la chute d'un objet transporté par
une grue conduite par un salarié de l'entreprise.
C'est que les entreprises ne sont pas des entités « hors sol ». Elles
sont des systèmes d'éléments en interaction ouverts sur leur environnement avec lequel elles entretiennent des relations multiples
(techniques, économiques et juridiques) nécessaires à la réalisation
de leurs objectifs de production de biens ou de services. Elles ne sont
pas non plus des entités abstraites que l'on pourrait considérer indépendamment de leurs composantes et parmi celles-ci, la collectivité
des travailleurs mais aussi chaque travailleur pris isolément. C'est
dire si le cercle des personnes susceptibles d'être affectées par un
acte volontaire ou involontaire d'un salarié est étendu. l'ensemble de
ces tiers, entendu largement, paraît indéfiniment extensible et c'est
la raison pour laquelle la formulation retenue par la loi Rebsamen
introduisant dans la sphère d'action du médecin du travail les tiers
sans autre précision a provoqué les réactions négatives évoquées
supra. Même s'il est vraisemblable que le législateur n'a jamais eu
l'intention de faire de ce médecin une sorte de « bonne à tout faire »
de la santé publique, il faut convenir que la rédaction du texte n'était
pas des plus adroites. il fallait néanmoins une certaine dose de mauvaise foi pour lui faire ce procès. Faut-il rappeler ici que le rapport
Issindou présenté en mai 2015 n'évoquait la question de la sécurité
des tiers qu'à l'occasion de la détermination des postes dits de sécurité ? Précisément pour éviter une approche trop laxiste de la notion
de poste de sécurité.
reste que le législateur de 2016, reprenant une fois encore sa copie,
allait préciser opportunément sa formule en indiquant que le « tiers »
que mentionnaient les dispositions nouvelles était le tiers « évoluant
dans l'environnement immédiat de travail ».

III. La formulation nouvelle issue de la
loi du 8 août 2016
Deux textes sont ici concernés. le premier est l'article l.  4622-3
du Code du travail, aux termes duquel le rôle du médecin du travail
consiste à « éviter toute altération de la santé des travailleurs du fait
de leur travail, notamment en surveillant leurs conditions d'hygiène
au travail, les risques de contagion et leur état de santé, ainsi que
tout risque manifeste d'atteinte à la sécurité des tiers évoluant
dans l'environnement immédiat de travail ».
le second est l'article l.  4624-2, selon lequel «  i. - Tout travailleur
affecté à un poste présentant des risques particuliers pour sa santé
ou sa sécurité ou pour celles de ses collègues ou des tiers évoluant dans l'environnement immédiat de travail bénéficie d'un
suivi individuel renforcé de son état de santé. Ce suivi comprend

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