Revue - Les Cahiers sociaux n° 295 - Avril 2017 - 61

Entretien

possibilité pour ces travailleurs d'être suivis par le service autonome de l'entreprise
utilisatrice ou un service interentreprises
plus proche de leur lieu de travail, en informant le médecin-inspecteur du travail de ce
choix, existait déjà.
Au cas où le salarié serait vu uniquement
par le médecin du travail de l'entreprise
d'intérim, il doit y avoir une fiche de liaison
avec l'entreprise utilisatrice et un accès
libre au poste de travail, après accord entre
les deux médecins. Cependant, en pratique,
la lourdeur de la procédure fera que ces
modalités seront peu utilisées (cette procédure est certes obligatoire, mais l'on se
trouvera des raisons pour ne pas considérer que c'est utile d'aller faire l'étude de
poste, sauf en cas d'inaptitude) et, ayant
pu constater combien de manquements à
la sécurité comporte la mise à disposition
d'un salarié dans une entreprise utilisatrice,
je continue à penser que l'inégalité de traitement entre les travailleurs intérimaires et
les autres persiste. Ces populations paient
un lourd tribut en termes d'AT/MP. il faudrait
que l'intérimaire soit rattaché au médecin
du travail de l'entreprise utilisatrice systématiquement lorsque le contrat a une durée
suffisante, à déterminer par décret, pour
améliorer la qualité de son suivi. À  l'embauche, la distinction entre visite d'information et de prévention et visite médicale
d'embauche est la même que pour les
autres travailleurs. Elle se fait pour plusieurs
emplois dans la limite de trois. la durée
pendant laquelle il n'est pas nécessaire de
faire une nouvelle visite d'embauche est
de 2 ans, sous conditions.
Le rôle du médecin du travail par rapport aux tiers sera-t-il, en pratique,
modifié par la réforme ?
la définition des tiers a été limitée aux tiers
évoluant dans l'environnement immédiat de
travail. Qu'est-ce que cela signifie exactement ? la loi Travail ne fait pas progresser
la réflexion.
Quel regard portez-vous sur la réforme
de la procédure de constatation de
l'inaptitude  ? Vous semble-t-elle de
nature à réduire le contentieux en la
matière ?
la réforme de l'inaptitude nous laisse partagés. Elle prétend que l'inaptitude peut
ne nécessiter qu'une  seule visite. Or, elle
est assortie de conditions (réalisation de
l'étude de poste et des conditions de travail,

présence d'une fiche d'entreprise récente,
échanges tracés avec l'employeur et le
salarié) qui font que ce n'est pas possible
en pratique.
l'article l.  4624-4 nouveau ne fait qu'inscrire dans la loi une pratique déjà existante,
puisque les médecins du travail, dont l'une
des missions est le maintien dans l'emploi
des salariés, avaient l'habitude de noter
les capacités restantes et les situations de
travail que pouvait occuper le salarié, au
besoin après aménagement de poste ou
du temps de travail, mutation ou formation.
les échanges avec le salarié et l'employeur
avaient déjà lieu entre les deux visites
d'inaptitude, et dans le processus de reclassement. Un membre de l'équipe pluridisciplinaire peut maintenant réaliser une étude
de poste en fonction de ses compétences
et des indications du médecin, selon que
l'inaptitude tient à des problèmes d'ordre
physique, ergonomique, psychique ou
organisationnel.
le contentieux viendra de la rédaction
imprécise des textes  : qu'est-ce qu'une
fiche d'entreprise « récente » ? Quelle doit
être précisément la nature des échanges
entre l'employeur, le salarié, le médecin
et comment les tracer  ? Quand démarre
le délai d'un  mois pour avoir reclassé ou
licencié le salarié, ou repris le versement
du salaire ? Si c'est vraiment à partir de la
visite de reprise, le délai est très court. De
plus, toutes les inaptitudes prononcées ne
le sont pas uniquement lors des visites de
reprise. Que se passera-t-il si l'employeur
ne met pas en œuvre les propositions de
formation du médecin du travail  ? Ou de
reclassement ?
Des études régionales montrent que  10  %
seulement des salariés déclarés inaptes
sont reclassés dans leur entreprise et que,
parmi les salariés inaptes qui n'ont pas été
reclassés, 15 % auraient pu l'être selon les
médecins. Nous espérons être suivis davantage dans nos recommandations par les
entreprises. Nous avons mis en place des
cellules de maintien dans l'emploi où nous
essayons d'orienter, le plus en amont possible, les salariés à risque d'inaptitude afin
qu'ils entament une reconversion professionnelle. À ces différents titres, la loi ne fait
qu'entériner une pratique déjà répandue,
peu important l'origine professionnelle ou
non de l'inaptitude, ce que la loi a confirmé
en rapprochant les procédures jusqu'à pratiquement les confondre.

Les Cahiers soCiaux n° 295 - avriL 2017

L'examen du poste de travail préalable à l'avis d'inaptitude (C. trav., art.
L.  4624-4) (1) permet-il de fonder une
inaptitude à l'emploi ?
Cette question pose à l'évidence une
question juridique que nous ne sommes
pas en mesure de trancher. Deux cas se
présentent :
- une inaptitude prononcée lors de la visite
préalable à l'embauche  : si la procédure
régulière de l'inaptitude devait s'appliquer, on ne donne pas cher des perspectives d'embauche du salarié. De plus, au
départ, le médecin se questionnerait plus
sur une aptitude à un métier qu'à un poste,
puisqu'il ne connaît pas parfaitement tous
les postes de chaque entreprise suivie. On
est donc plus dans la perspective d'une
médecine de sélection (cela existe, par
exemple, à l'embauche dans la fonction
publique hospitalière qui ne retient pas
certains candidats si certains critères prédéterminés ne sont pas satisfaits). Dans
ces conditions, il faudrait en préciser les
contours. Une option non retenue de la
réforme était de faire réaliser certains examens d'embauche par d'autres praticiens
que les médecins du travail ;
- autre cas : une inaptitude prononcée pour
un salarié occupant déjà un poste dans
l'entreprise. On distingue bien le poste de
l'emploi. En effet un salarié déclaré inapte
à être serveur dans une entreprise peut se
retrouver peu de temps après apte à ce
même métier dans une autre entreprise,
par exemple. En pratique, il faut bien avoir
épuisé toutes les ressources possibles
d'aménagement du poste avant de déclarer le salarié inapte à un emploi. C'est sur
l'étude de ce poste adapté au plus près
de l'état de santé du salarié que pourrait
se fonder une inaptitude au métier. Hélas,
les employeurs ne prennent pas toujours
la peine d'aménager les postes selon nos
préconisations (C. trav., art. l. 4624-6).
il faut noter enfin que le terme « emploi » est
encore plus large que celui de « métier ». il
est contraire à notre mission de fermer
toute perspective d'accéder à un emploi à
nos salariés.
(1) La question se pose en raison du fait que les
nouvelles dispositions de l'article L. 4624-4 du Code
du travail, qui imposent au médecin du travail de ne
déclarer le salarié «  inapte à son poste de travail  »
qu'après une étude de poste et des échanges avec
le salarié et l'employeur, sont expressément visées
par les articles L. 1226-2 et 1226-10 dans leur nouvelle rédaction, qui envisagent l'inaptitude à l'emploi
précédemment occupé.

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Table des matières de la publication Revue - Les Cahiers sociaux n° 295 - Avril 2017

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