Revue - Gazette du Palais n° hors-série - 12 juin 2017 - 10

Actes de colloque

si présente en droit des sociétés notamment. Or le nouveau droit commun du contrat met en place des actions
interrogatoires, dont une, à l'article 1158 du Code civil,
qui permet au cocontractant d'une personne morale de
demander à celle-ci si celui qui se présente comme son
représentant a bien les pouvoirs pour conclure le contrat
en son nom. Il ne faudrait pas que cette nouvelle faculté
se transforme insidieusement en une obligation et ferme
la voie de la théorie du mandat apparent.
19. Quant à l'éthique du droit des affaires, elle se caractérise d'abord par l'exigence de transparence qui l'anime.
Or le droit civil abonde désormais en ce sens. Le nouveau devoir général d'information, prévu désormais à
l'article 1112 du Code civil en témoigne. Cette éthique
se caractérise également par une exigence renforcée de
loyauté. À nouveau, le droit civil nourrit cette exigence.
Le devoir de bonne foi, affirmé désormais au stade de la
négociation, la formation et l'exécution du contrat, vient
la soutenir.
Mais, il ne faudrait pas que cette proximité croissante
d'esprit aboutisse à une confusion qui entraînerait une
concurrence.
20. Le droit commun des contrats, d'un droit des personnes à un droit du marché. On sait qu'en principe, le
droit civil est un droit des personnes et le droit des affaires
un droit du marché. Pourtant, le droit des affaires est devenu un droit des personnes - il se préoccupe des droits
fondamentaux (48), protège les données personnelles, préserve l'égalité homme-femme (49). Quant au droit civil, il
est en train de devenir lui aussi un droit du marché. Au
travers de la sanction de l'abus de dépendance, il prend

(48) V. par ex. Dumas R., Essai sur la fondamentalisation du droit des affaires, 2007,
L'Harmattan, préf. Garaud E.
(49) V. not. la loi n° 2011-103 du 27 janvier 2011, relative à la représentation équilibrée des femmes et des hommes au sein des conseils d'administration et de
surveillance.

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en compte les situations de marché. Par le biais de la surveillance des contrats-types, il s'incite dans les usages
des marchés. Par la révision pour imprévision, il gère les
retournements de marché. Dans le même ordre d'idée, les
nouvelles directions prises par le droit civil dans le sens
de l'esprit du droit des affaires ont eu pour effet combiné
de faire perdre au droit commun des contrats la neutralité qu'il conservait jusqu'à présent. De droit concentré sur
les points communs à tout contrat, préoccupé des conditions minimales de validité, largement abstraites, sans
réel souci de la partie faible prise en charge par les droits
spéciaux, le droit commun des contrats tend désormais
vers un engagement marqué par l'équilibre contractuel.
Cela n'est pas sans conséquences, les chevauchements
de textes en résultant sont nombreux et promettent des
conflits d'articulation redoutables (50).
21. En conclusion, le nouveau droit civil des contrats, dans
sa rencontre avec le droit des affaires, peut tour à tour
être un droit apporteur de principes, de subsidiarité, de
concurrence, de subversion, de dissolution du droit des
affaires. Une telle gradation du meilleur au pire inspire
la crainte mais il ne faut pas, en réalité, trop souligner
ses faiblesses et se concentrer sur ses forces. Le travers
de l'esprit français réside justement dans la tendance à
l'auto-dénigrement. « Ne dites pas trop de mal de vousmême, on pourrait vous croire ». Cette citation de l'écrivain
André Maurois sonne comme un avertissement qu'on
pourrait adresser aux juristes français à l'aube de cette
réforme. Il nous revient dans nos travaux d'aujourd'hui et
de demain d'exploiter la réforme pour lui donner de quoi
nourrir harmonieusement le droit des affaires, afin que
celui-ci continue de rayonner.
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(50) V. Barbier H., préc.

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