Revue - Gazette du Palais n° hors-série 1 - 24 avril 2018 - 18

Actes de colloque

par l'article 25 de cette même loi). Le contrôle de la compétence indirecte est fort réduit en droit commun belge.
Ce contrôle n'est pas susceptible de poser problème  -
même si on peut s'étonner que le législateur français n'ait
pas pensé aux questions de compétence.
La question qui se pose est celle de la compatibilité d'un
divorce non judiciaire avec l'ordre public belge. Il est
toujours très délicat d'anticiper sur une appréciation de
l'existence d'une violation ou non de l'ordre public de droit
international privé, sans avoir toutes les cartes en main.
Je pense néanmoins qu'il est peu probable que l'ordre public soit utilisé pour s'opposer à l'accueil d'un tel divorce.
Il est vrai que la Belgique n'a pas déjudiciarisé le divorce,
qui demeure de la compétence exclusive des juridictions.
Mais tel qu'il existe en France, le divorce est entouré de
garanties puisqu'est prévue l'intervention d'un avocat par
époux et d'un notaire. En outre, le législateur français a
prévu un délai de réflexion de 15 jours entre le projet et
la signature. Enfin, la loi retient l'obligation d'informer les
enfants mineurs qui peuvent demander à être entendus.
La contrariété avec l'ordre public est d'autant moins
évidente que d'autres États ont franchi le pas et ont déjudiciarisé le divorce : c'est le cas de l'Italie. En Roumanie
on connaît le divorce devant notaire depuis de longues
années ; la Norvège et d'autres États de l'Est comme la
Russie et l'Ukraine connaissent aussi le divorce non judiciaire. Ces éléments de droit comparé affaiblissent un
recours à l'ordre public, en tout cas de façon générale.
Il existe d'ailleurs un précédent : une décision d'un tribunal de grande instance de Malines du 12 janvier 2006 qui
a reconnu un « divorce-éclair » tel qu'il existait à l'époque
aux Pays-Bas. Ce procédé consistait pour des époux à demander la transformation de leur mariage en partenariat,
ce qui se faisait sur simple déclaration, puis à dissoudre le
partenariat, ce qui pouvait se faire par déclaration devant
un notaire. Le tribunal a estimé à l'époque qu'il n'y avait
pas divorce au sens du Règlement Bruxelles II bis. Il a dès
lors appliqué le droit commun et ce faisant, a estimé qu'il
n'y avait pas contravention avec l'ordre public.
La leçon que l'on peut tirer de ce précédent, c'est que le
contrôle de l'ordre public est un contrôle concret : il ne
s'agit pas de contrôler de manière abstraite une institution étrangère, mais d'examiner concrètement comment
elle fonctionne. Et dans cet examen concret ce qui intéressera le juge belge, ce sont les garanties et les garde-fous
qui existent : y a-t-il des mesures qui garantissent que le
consentement des époux est réel ? Y-a-t-il des mesures
qui garantissent que l'intérêt de l'enfant a été pris en
compte ?
En conclusion, j'estime possible d'envisager la reconnaissance en Belgique d'un divorce par consentement mutuel
entre époux. L'accueil sera plus réservé en présence
d'enfants mineurs. Dans ce cas, le juge procédera certainement à une analyse des dispositions arrêtées à propos
des enfants. Mais ce sont celles-ci qui feront l'objet d'un
examen et non la circonstance abstraite que les parents
ont arrêté ces dispositions en dehors de tout contrôle
judiciaire.
Cyril Roth
Vue de France à présent.

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G A Z E T T E D U PA L A I S - M A R D I 2 4 AV R I L 2 0 1 8 - N O h o rs - s é ri e

Votre statut personnel est un bagage invisible qui doit pouvoir vous accompagner partout. Moderne par construction,
il est virtuel, il est portable.
La date et le lieu de votre naissance, votre filiation, votre
statut marital ne varient pas parce que vous franchissez
une frontière. Ce principe est l'un des plus fondamentaux
du droit international privé.
Encore faut-il que l'institution juridique qui a créé ou modifié votre statut personnel existe dans le droit de l'État
où vous souhaitez que votre situation soit reconnue, ou y
trouve un équivalent, ou du moins y soit tolérée.
Le mariage ne va pas aujourd'hui sans enregistrement par
une autorité publique, qu'elle soit étatique, coutumière ou
religieuse.
Symétriquement, le divorce ne se conçoit qu'enregistré
par une autorité publique.
Dans notre divorce par consentement mutuel, cette condition est satisfaite par le dépôt au rang des minutes d'un
officier ministériel et par la transcription à l'état civil. Mais
il ne procède que d'une convention privée.
Autrement dit, dans notre pays, ce qu'une autorité publique est seule à pouvoir faire, les personnes privées
concernées peuvent désormais le défaire seules.
Ce hiatus est ce qui risque de susciter des incompréhensions à l'étranger, car cette forme de divorce n'a pas
beaucoup d'équivalents dans le monde.
Nous sommes sans doute le seul pays du monde où l'accès au juge du divorce est interdit aux parties qui sont
d'accord entre elles, sauf autorisation infantile.
Certains pays de l'Union connaissent des divorces par
consentement mutuel extrajudiciaires, devant l'officier
d'état civil ou devant notaire. Il en existe au Portugal depuis 2001, en Roumanie depuis 2010, en Lettonie depuis
2011, en Italie depuis 2014.
Mais il résulte de l'arrêt que la Cour de justice de l'Union
a rendu le 20  décembre dernier dans l'affaire Sahyouni
(CJUE, 20 déc. 2017, n° C-372/16), sur une question préjudicielle allemande, que les divorces privés, c'est-à-dire
ceux qui ne sont pas prononcés par une juridiction étatique, ou décidés par une autorité publique ou sous son
contrôle, ne sont pas des divorces au sens des règlements
Bruxelles II bis et Rome III.
Peut-être certains des divorces extrajudiciaires qui
existent aujourd'hui dans les États membres que j'ai cités
passeront-ils ce test avec succès.
En Italie par exemple, dans les cas les plus simples, l'officier d'état civil reçoit les parties en personne, à deux
reprises, pour s'assurer de leur consentement ; lorsque
les parties ont été assistées dans leur négociation par
des avocats, la transcription du divorce est soumise à
l'absence d'opposition du ministère public, voire à son
autorisation préalable. Peut-être pourra-t-on considérer
que ces divorces italiens sont ainsi soumis au contrôle
d'une autorité publique, à défaut de procéder de la décision d'une telle autorité.
En revanche, il est à peu près certain que le système français, qui ne prévoit ni décision ni contrôle d'une autorité
publique, doit désormais être considéré comme hors le
champ d'application matériel des deux règlements régissant la compétence et la loi applicable aux divorces.



Table des matières de la publication Revue - Gazette du Palais n° hors-série 1 - 24 avril 2018

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