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A cte s de C ol l o q ue V. contentIeUX sUccessoRAL 1. La révocation de l'adoption de l'enfant du conjoint, postérieurement au décès du parent, ne restaure pas l'action en retranchement (Cass. 1re civ., 9 juill. 2014, n° 13-19013). L'affaire se situe au carrefour du droit de l'adoption, du droit des régimes matrimoniaux et du droit des successions ; elle illustre la fragilité de l'équilibre patrimonial qui peut exister dans les familles recomposées, et les divergences d'intérêts révélées par les questions de succession. Les faits ayant donné lieu à l'espèce sont d'autant plus révélateurs qu'ils sont assez classiques au départ. Un homme se remarie en 1947 sans contrat, alors qu'il avait déjà une fille d'une précédente union. Sans doute pour protéger mieux le conjoint survivant, les époux décident en 1999 de changer leur régime matrimonial pour une communauté universelle avec attribution intégrale au conjoint survivant. Le mari apportait alors à la communauté des biens personnels importants, si bien qu'une action en retranchement des avantages matrimoniaux, exercée par l'enfant du premier, lit était prévisible. On sait en effet qu'en vertu de l'article 1527, alinéa 2, du Code civil, les enfants non communs peuvent faire valoir leur droit à réserve grâce à une action en retranchement qui n'est rien d'autre qu'une pseudo-action en réduction appliquée non pas aux libéralités mais aux avantages nés du contrat de mariage : l'avantage matrimonial se trouve ainsi réduit à la quotité disponible entre époux. Vraisemblablement pour éviter le risque d'une telle action en retranchement, dans l'affaire ici examinée, les époux vont faire procéder en 2000 à l'adoption simple de l'enfant du mari par l'épouse. On sait en effet, selon une jurisprudence désormais bien établie (18), que l'enfant du conjoint adopté simplement par l'autre époux est considéré comme un enfant commun et qu'il ne peut plus se prévaloir de l'action en retranchement qui est réservée aux enfants non communs. Ce bel édifice juridique va s'écrouler au décès de l'époux en 2006, sans doute devant la volonté de l'épouse survivante d'avantager l'enfant né de l'union, par préférence à l'enfant du mari qu'elle avait adopté : l'épouse demande en effet la révocation de l'adoption simple et l'obtient en 2009, trois ans après le décès du mari (on ignore les « motifs graves » qui ont pu justifier la révocation). En réponse, l'ex-adopté assigne sa demi-sœur issue de l'union en liquidation de la succession de leur père et en retranchement des avantages matrimoniaux excédant la quotité disponible. La cour d'appel déclare l'action irrecevable et la Cour de cassation, en contrariété avec l'avis de son avocat général, rejette le pourvoi : elle approuve la cour d'appel d'avoir retenu « que la nature et l'étendue des droits successoraux des héritiers s'apprécient au regard de leur situation à l'ouverture de la succession, de sorte que M. Jean-Claude X avait, à cette date, les mêmes droits que l'enfant né du mariage des deux époux », et d'en avoir conclu que « par une exacte application des articles 1527, (18) V. Cass. 1re civ., 7 juin 2006, n° 03-14884 - Cass. 1re civ., 11 févr. 2009, n° 07-21421. 26 alinéa 2, et 368 du Code civil, et sans violer l'article 14 de la Convention de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales [...], que l'action en retranchement ne lui était pas ouverte. » La solution de la Cour de cassation ne convainc pas du tout et favorise inutilement des stratégies fort douteuses. En effet, la révocation de l'adoption simple fait cesser uniquement pour l'avenir les effets de l'adoption et elle ne remet pas en cause le passé (C. civ., art. 370-2). S'agissant de la succession de leur père prédécédé, la révocation n'entraîne aucun effet, parce qu'il n'est pas l'adoptant : les deux enfants de lits différents s'y trouvent bien traités à égalité... mais il faut souligner que la succession est vidée par le jeu de la clause d'attribution intégrale au conjoint survivant. Or, au décès du conjoint survivant, bénéficiaire de la communauté universelle, seul l'enfant commun des époux sera successible du fait de la révocation de l'adoption et, par ricochet, bénéficiera indirectement des biens de la première succession. L'enfant du premier lit dont l'adoption a été révoquée n'est plus, quant à lui, un enfant commun : il ne vient plus à la succession du conjoint survivant, alors que, par ailleurs, le jeu de l'avantage matrimonial l'a bien évincé de la première succession... Tout à fait paradoxalement, la Cour de cassation lui ferme l'action en retranchement, alors même que les raisons qui justifient habituellement cette action se retrouvent pleinement dans ce cas de figure qui lui est soumis. S'appuyer, comme le fait la Cour, sur l'égalité de droit dans la première succession est donc absolument sans intérêt et revient à ne pas tenir compte de la singularité des avantages matrimoniaux. La solution est totalement aberrante. Au-delà, sans doute conviendrait-il, comme le suggère un auteur (19), de s'interroger sur le domaine de l'action en retranchement et de l'ouvrir à tous les enfants, y compris les enfants communs. Avec le recul de l'immutabilité des régimes matrimoniaux, chacun sait bien que le régime matrimonial est aujourd'hui utilisé à des fins de transmission successorale ; il n'est plus guère logique que les limites qui sont imposées aux libéralités et celles qui sont imposées aux avantages matrimoniaux ne concordent pas. Mais avant, sans doute faudrait-il préciser nettement ce qu'est un avantage matrimonial... ce qui est une autre affaire ! 2. Le sauvetage du testament authentique par le testament international (Cass. 1re civ., 12 juin 2014, nos 1318383 et 13-24390). Deux arrêts concernant la forme du testament méritent une mention pour retenir une solution qui paraît désormais certaine : un testament authentique irrégulier en la forme peut valoir comme testament international dès lors qu'il respecte les formes de la Convention de Washington du 26 octobre 1973, et que les conditions de fond des libéralités sont remplies. Cette solution avait d'abord été admise par des juridictions du fond, puis la Cour de cassation paraissait l'avoir implicitement consacrée dans un arrêt de 2012 (20). (19) V. R. Le Guidec : JCP N 2014, 1385. (20) Cass. 1re civ., 10 oct. 2012, n° 11-20702. 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