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Actes de Colloque si un époux améliore son patrimoine propre par son travail, alors pourtant que la communauté a droit aux revenus du travail. La Cour de cassation l'a jugé (14). La solution paraît sage : il serait déraisonnable que le charpentier qui refait, fût-ce en semaine, la toiture de la maison dont il a hérité, dût récompenser la communauté. Elle n'en est pas moins troublante si l'on raisonne sur une entreprise créée ou acquise peu avant le mariage : la communauté ne profite en rien des plus-values advenues à l'entreprise grâce au travail de l'époux qui l'a créée ou acquise, alors que, si celui-ci l'avait créée ou acquise le lendemain du mariage, elle serait commune et toutes les plus-values qui lui seraient advenues seraient pour la communauté. En second lieu, s'agissant de la liquidation des récompenses, les règles de l'article 1469 du Code civil sont d'abord très confuses : primo, elles mêlent deux questions qui sont de savoir, l'une si la récompense est égale au profit subsistant ou à la dépense faite, l'autre comment se calcule le profit subsistant ; deuzio, le premier alinéa lance sur une fausse piste, en énonçant une règle qui ne joue jamais ; tertio, les deuxième et troisième alinéas disent à quoi la récompense ne peut être moindre, sans dire à quoi elle est égale. En outre, le calcul du profit subsistant met en jeu une subrogation liquidative parfois difficile à établir si les précautions n'ont pas été prises pour assurer la traçabilité des deniers. Nul doute que le texte pourrait être mieux écrit. Et peut-être, pour assurer la revalorisation des récompenses, un mécanisme d'indexation sur le niveau général des prix et des salaires serait-il plus simple à mettre en œuvre : certes, il contredirait directement le principe du nominalisme monétaire, mais c'est bien ce que prévoit le régime franco-allemand de la participation aux acquêts. III. LA RÉpARtItIon dU pAssIf 12. On dénonce souvent le danger de la communauté au regard du passif. Qu'en est-il au juste ? S'agissant des dettes nées du chef d'un époux en cours de mariage (les seules sur lesquelles on raisonnera), la clef de répartition retenue en 1965 demeure inchangée, mais la portée s'en est trouvée profondément modifiée par la loi du 23 décembre 1985. Le principe reste que chacun des époux engage par ses dettes les biens dont il a l'administration. Simplement, dans la communauté légale de 1965, ce principe aboutissait à la scission de la communauté en deux masses : le mari engageait les biens communs ordinaires, dont il avait l'administration, et la femme engageait les biens communs réservés (ceux qu'elle avait acquis au moyen de ses revenus professionnels), dont elle avait l'administration (sauf, pour l'un comme pour l'autre, le jeu de la cogestion pour les actes graves). Ainsi, la femme ne risquait pas de voir saisi par les créanciers de son mari l'appartement qu'elle avait acquis grâce aux revenus de son activité professionnelle. Certes, cette symétrie était quelque peu apparente : d'abord, parce qu'à l'époque la communauté était principalement formée des acquêts réalisés par le mari, soit que la femme ne travaillât pas, soit que ses revenus fussent moindres ; ensuite, parce que la Cour de cassation avait décidé que la présomption de communauté s'entendait d'une présomption de biens (14) Cass. 1re civ., 28 févr. 2006, n° 03-16887 : Bull. civ. I, n° 106. communs ordinaires, ce qui faisait peser sur la femme la charge, et donc les risques, de la preuve de la consistance de ses biens communs réservés. Ce régime n'en diminuait pas moins le risque que courrait un époux commun en biens du fait des dettes de son conjoint. Depuis 1985, il en va autrement. Le même principe de corrélation entre la répartition du passif et la répartition des pouvoirs aboutit à ce que chacun des époux engage par ses dettes toute la communauté : la femme a conquis la gestion des biens communs ordinaires et le mari celle des biens communs réservés, mais en corollaire, les créanciers de chacun ont vu leur gage s'étendre à toute la communauté. Désormais, la femme peut voir saisis par les créanciers de son mari tous les biens qu'elle a acquis grâce à ses revenus professionnels. Et, en cas de procédure collective de l'un des époux, l'ensemble des biens communs se trouve saisi par la procédure, et les créanciers du conjoint, dont les poursuites sont suspendues, doivent déclarer leurs créances s'ils veulent être payés sur le prix de leur réalisation. Faut-il pour autant dénoncer la communauté comme étant le régime de tous les dangers ? Ce serait excessif. D'abord, parce que l'extension du gage des créanciers de chacun des époux à toute la communauté n'est pas absolue. Non seulement les gains et salaires du conjoint en sont exceptés (C. civ., art. 1414), mais surtout l'emprunt (première source d'endettement) et le cautionnement, s'ils sont contractés sans le consentement du conjoint, ne sont pas exécutoires sur la communauté, ou plutôt ne le sont que sur les seuls revenus de l'époux débiteur ou caution (outre ses propres, naturellement : C. civ., art. 1415). Et l'on sait que la jurisprudence a donné à ce texte toute la portée que commande son fondement, assimilant au cautionnement l'aval ou la garantie à première demande, et à l'emprunt l'ouverture de crédit ou la simple autorisation de découvert. Ensuite, parce qu'une activité professionnelle à risques, spécialement commerciale, peut aujourd'hui être exercée dans un cadre ou dans des conditions juridiques de nature à épargner certains biens de l'entrepreneur, et notamment les biens communs : recours aux formes sociales dans lesquelles les associés ne répondent pas des dettes sociales, à l'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (EURL), à l'entreprise individuelle à responsabilité limitée (EIRL) ou, plus modestement, aux déclarations d'insaisissabilité. Et puis enfin, parce que l'exercice d'une activité professionnelle à risques n'est pas encore un fait majoritaire. Que la communauté légale ne soit pas le meilleur des régimes lorsque ce fait se rencontre ne signifie pas qu'il faille la bannir comme régime légal. Celui-ci doit être défini en considération du plus grand nombre. 13. La difficulté sérieuse et irritante que pose la mise en œuvre des règles nouvelles est celle de la définition des revenus qui, comme tels, sont soumis, sous l'angle du passif, à un régime particulier. Tantôt, ce sont des biens communs qui ne peuvent pas être saisis : ainsi les revenus professionnels du conjoint du débiteur (C. civ., art. 1414). Tantôt ce sont, au contraire, les seuls biens communs qui puissent l'être : ainsi les revenus professionnels et les revenus des propres de l'époux débiteur lorsqu'il s'agit d'une dette présente, d'une dette future ou d'une G A Z E T T E D U PA L A I S - É D I T I O N S P É C I A L I S É E - d i m a n c h e 2 9 a u m a r d i 3 1 m a r s 2 0 1 5 - n os 8 8 à 9 0 31

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