Les Carrés Rouge - L'essentiel des grands arrêts du droit de l'environnement 2017-2018 - 1re - 157

CHAPITRE 8 - Les déchets

5 CJCE, 24 juin 2008, aff. C-188/07, Mesquer c/Total
« ... il convient de répondre à la deuxième question que des hydrocarbures accidentellement déversés en mer à la suite
d'un naufrage, se retrouvant mélangés à l'eau ainsi qu'à des sédiments et dérivant le long des côtes d'un État membre
jusqu'à s'échouer sur celles-ci, constituent des déchets au sens de l'article 1er, sous a), de la directive 75/442, dès lors que
ceux-ci ne sont plus susceptibles d'être exploités ou commercialisés sans opération de transformation préalable... ».

■ Faits
Victime de la pollution causée par le naufrage de l'Erika, la commune de Mesquer avait assigné l'affréteur du navire,
Total, afin d'être indemnisée des frais de remise en état. L'affaire, arrivée devant la Cour de cassation, a renvoyé avant
de trancher devant la Cour de justice des Communautés européennes pour interprétation de certaines dispositions
communautaires relatives à la responsabilité au titre de dommages causés par des déchets contenues dans la directive
75/442. La commune de Mesquer demandait que le groupe Total paie les coûts liés à l'élimination des déchets respectivement en sa qualité de « détenteur antérieur » ou de « producteur du produit générateur » du fioul déversé, conformément à l'article 15 de la directive et ceci bien que le transport ait été assuré par un tiers (le transporteur maritime).

■ Portée
Il s'agit bien dans cette décision de l'affaire Erika, qui constitue l'un des plus grands arrêts de la jurisprudence environnementale des dernières années. L'affaire Erika comporte en réalité deux contentieux différents menés en parallèle : les
affaires Commune de Mesquer c/ Total portées devant les juridictions civiles, s'achevant par un arrêt de la CJCE que
nous illustrons ici et l'affaire Erika qui a été portée devant les juridictions à la fois civiles et pénales et ont aboutit à un
arrêt de la Cour de cassation. L'arrêt ici commenté résume bien la problématique du contentieux Mesquer c/ Total et
pointe les deux demandes de la Commune de Mesquer suite au naufrage du navire Erika et à la contamination de
plusieurs centaines de kilomètres de la côte bretonne. La Commune de Mesquer demandait, dès la première instance,
que le fioul déversé par le navire soit considéré comme un déchet et que la société Total, affréteur indirect du navire et
propriétaire du carburant, soit tenue pour responsable du préjudice causé.
Après avoir confirmé que les hydrocarbures accidentellement déversés en mer constituaient bien des déchets au sens
de la directive 75/442 du 15 juillet 1975, relative aux déchets, modifiée par la décision 96/350 du 24 mai 1996 dont
les règles devaient dès lors s'appliquer, la Cour pose comme principe que, la règle du pollueur-payeur exigeant une
prise en charge financière du coût de l'élimination des déchets générés par le naufrage d'un navire pétrolier, l'application de la directive peut conduire à ce que le producteur du produit générateur supporte le coût de l'élimination des
déchets générés par le déversement accidentel d'hydrocarbures en mer.
Il reste néanmoins à remarquer que l'arrêt de la Cour de Justice ne résout pas les questions posées par le problème de
l'indemnisation des dommages causés par la pollution par des déchets tels que le fioul échappé des « bateaux
poubelles ».
La CJCE renvoi dès lors l'affaire à nouveau devant la Cour de cassation qui suivra l'avis de la CJCE en qualifiant le fioul
déversé de « déchet ». La Cour de cassation estimera, par ailleurs, qu'au nom du principe de pollueur-payeur, Total
peut être tenu pour responsable des coûts engendrés.

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