Les Carrés Rouge - L'essentiel des grands arrêts du droit de l'environnement 2017-2018 - 1re - 99

CHAPITRE 4 - La responsabilité environnementale et le préjudice écologique

6 CA Rouen, ch. corr., 19 janv. 2006, Société Baltic
« ... il est certain que la pollution de la mer par hydrocarbures ayant son origine dans des dégazages porte atteinte aux
intérêts collectifs défendus par cette association dont les activités ont notamment pour but de sauvegarder et d'améliorer
les normes protectrices des eaux marines et de lutter contre les pollutions marines et qui a subi du fait de l'infraction un
préjudice moral. Au vu des éléments d'appréciation soumis à son examen, la Cour fixe la réparation du préjudice
découlant de l'atteinte portée aux intérêts que cette association a pour objet de défendre... ».

■ Faits
Suite au rejet d'hydrocarbures effectué le 6 mai 2004 à environ 35 kilomètres au Nord-Ouest de Cherbourg dans des
eaux communiquant avec le littoral nord de la Bretagne, les associations Écologie pour Le Havre, France Nature-Environnement, Manche Nature et l'Association pour la Protection des Animaux Sauvages (ASPAS), ainsi que le Syndicat
Mixte de protection du littoral breton sont déclarées recevables par le TGI du Havre puis par la Cour d'appel de Rouen
à se constituer parties civiles dans leur action contre Hasan ARPAT et la Société BALTIC Pearl Shipping LTD.

■ Portée
L'essentiel des pollutions d'origine maritime par hydrocarbures découle de ce qu'il est convenu d'appeler le dégazage
(ou déballastage). Ceci recouvre deux types de rejets en mer : ceux provenant des machines (sludges) et ceux provenant des espaces à cargaison (slops). Il s'agit de pollutions d'origine intentionnelle, d'autant plus insidieuses qu'elles se
produisent très fréquemment. Du fait de sa position géographique, la France assume une grande partie des risques de
transit pour l'Europe. On estime à près de 2 millions de tonnes les hydrocarbures ainsi déversés chaque année et à
l'équivalent d'un Erika par semaine les rejets effectués en Méditerranée. Une proposition de loi visait à renforcer les
dispositions de la loi du 5 juillet 1983 réprimant la pollution par les navires. Cependant, les dispositions de cette loi
ont été abrogées par l'ordonnance du 18 septembre 2000 pour être codifiées aux articles L. 218-10 à L. 218-31 du
Code de l'environnement. Cette codification a été effectuée à droit constant, sous réserve de modifications formelles
visant à intégrer les dispositions du nouveau Code pénal.
La Cour sur appel d'un jugement du TGI du Havre en date du 13 décembre 2004 reconnaît l'existence du préjudice
subi par le milieu aquatique. Les associations de défense de l'environnement sont indemnisées au titre du préjudice
matériel subi par la flore et les invertébrés du milieu aquatique et du préjudice moral porté à l'intérêt collectif des associations. La Cour reconnaît ainsi que la pollution de mer par hydrocarbures ayant son origine dans des dégazages lèse
directement les intérêts collectifs défendus par les associations qui ont pour objet social la protection des milieux naturels de la faune et de la flore qui sont les premières victimes de dégazages à tous les stades de l'échelle de la vie
marine (eau et minerais, planctons, algues, mollusques et crustacés, poissons...) et incontestablement l'infraction
commise a donc porté atteinte aux intérêts collectifs défendus par les associations qui ont de ce fait subi un préjudice
moral.

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