Exos LMD - Note de synthèse - 1re - 136

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NOTE DE SYNTHÈSE

permettant de faire jouer la possession d'état indépendamment des actes ou décisions
étrangères intervenues par ailleurs sur la filiation. On aurait pu ainsi penser que cette
notion offrait un moyen privilégié de régulariser la filiation de l'enfant né d'une gestation pour autrui en la dissociant de la phase antérieure illicite en droit français. Plusieurs
auteurs, embarrassés par le sort réservé aux enfants, ont proposé de séparer la question
de leur statut du processus d'ensemble mis en œuvre par leurs parents en fraude de
l'interdiction française. Ainsi a-t-on pu considérer que, si l'importation directe des actes
étrangers faisait ressortir une contradiction flagrante avec l'ordre public français,
d'autres moyens de preuve de la filiation, conformes au droit français, pouvaient être
éventuellement envisagés. C'est précisément, nous semble-t-il, en ce sens qu'il faut
comprendre la formule de l'article 311-15 qui réserve le jeu de la possession d'état par
application de la loi française. La possession d'état devrait être appréciée en tant que
telle, au regard des seuls éléments de fait qui en France permettent d'établir la réalité
sociologique d'une filiation, indépendamment de l'opération de gestation pour autrui
menée en contravention de la loi française.
Parce que c'est une situation de fait, qui se fonde et se consolide progressivement sur les
seules relations inter-personnelles entre les adultes et l'enfant qu'ils élèvent, la possession d'état peut ainsi réussir à se constituer à l'abri de toute considération et jugement
sur le mode de conception de l'enfant. Et ce d'autant plus que la possession d'état est
une présomption qui repose sur la vraisemblance sans prétendre nécessairement correspondre à la filiation biologique. Ce qu'elle cherche à manifester et à protéger c'est une
vérité affective plus qu'une vérité biologique. Bien plus, les réformes successives, et
notamment l'ordonnance du 4 juillet 2005, n'ont eu de cesse de renforcer le rôle de la
possession d'état aussi bien dans l'établissement que dans la consolidation des filiations
reposant sur un vécu familial, quitte à verrouiller des statuts mensongers. Il semblerait
donc que la promotion croissante de la possession d'état soit révélatrice d'une volonté
d'affranchir le droit de la filiation du primat de la vérité biologique.
La distance, que la règle de l'article 311-15 du Code civil comme celles du droit de la
filiation permettent à la possession d'état de prendre avec le mode de conception de
l'enfant, aurait donc pu conduire à trouver dans cette notion un moyen d'établir la filiation de l'enfant. L'opposition de l'ordre public international pour neutraliser les effets de
la possession d'état ne paraît donc pas reposer sur un raisonnement sans faille. On peut
aussi avoir des doutes sur le bien-fondé de ces décisions au regard des impératifs internationaux de protection des droits de l'homme.
III - La mise à l'écart de l'ordre public « transnational » : un raisonnement risqué
Dans chacune des trois affaires déférées à la Cour de cassation, la filiation des enfants
était soit tronquée du lien maternel, soit laissée vide de toute mention sur les registres
français de l'état civil. Aussi les trois pourvois invoquaient-ils une violation tant de
l'intérêt supérieur de l'enfant protégé par l'article 3-1 de la CIDE que de son droit au
respect de la vie privée et familiale garanti par l'article 8 de la Convention EDH. À ces
griefs, la Cour de cassation oppose dans les trois cas la même défense : « la situation
ainsi faite à l'enfant, qui ne le prive pas de la filiation que le droit [de l'État où il est né]
lui reconnaît, ni ne l'empêche de vivre avec ceux qui l'élèvent en France, ne porte pas
atteinte au droit au respect de la vie privée et familiale de cet enfant (...), non plus qu'à
son intérêt supérieur ».
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