Exos LMD - Note de synthèse - 1re - 186

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NOTE DE SYNTHÈSE

Où en serait le mérite ? De toute façon, les intersexes se sentiront enfermés dans une
catégorie à laquelle tout une part d'eux-mêmes ne se résignera pas.
2 - Comment prendre en considération la difficulté d'être de cette très étroite
population ?
Certains répondront qu'en dépit de ses incertitudes, l'alternative actuelle suffit, car elle
est adaptée au plus grand nombre. De minimis non curat praetor - même si cette vénérable maxime perd son crédit à l'heure de l'individualisme triomphant. On ne peut
manquer de penser qu'un certain traditionalisme demeurera attaché à la bipartition classique, au nom de l'intérêt général. À bien des égards, la séparation entre les sexes est un
facteur d'ordre dans les rapports sociaux, auquel il serait peut-être regrettable de
renoncer. Au reste, les intersexes pourraient y trouver une place spécifique par la
mention à l'état civil d'un sexe double, qui constitue à sa façon une identification positive. On pourrait même songer à aller au-delà en les autorisant, sur leurs papiers administratifs, à se prévaloir de l'un des deux seulement : celui auquel ils tendent à conformer
leur apparence sociale (V. la proposition et les doutes de M.-L. Rassat, Sexe, médecine et
droit, in Mélanges P. Raymaud, p. 651).
On peut être plus audacieux - sans prétendre multiplier les groupes à l'excès
(A. Fausto-Sterling, Les cinq sexes. Pourquoi mâle et femelle ne sont pas suffisants,
Payot, 2013) -, en songeant à la promotion d'une troisième catégorie sexuelle, ce que
fait le jugement de Tours tout en s'en défendant. Pourquoi ne pas admettre la promotion d'un genre neutre, pour tous ceux qui ne trouvent pas leur compte à celles qui existent - suivant ainsi la voie récemment ouverte par l'Allemagne ou l'Australie ? Il est vrai
qu'il est difficile pour notre société de concevoir le neutre, quand la langue que nous
avons en partage se révèle incapable de le formuler. De fait, on prétend qu'en français,
le masculin exprime le neutre : c'est assez dire qu'en réalité, il n'y existe pas ! Si l'on
surmonte cette difficulté d'expression, on peut imaginer la consécration de cette catégorie - ce troisième sexe qui a été le support de bien des fantasmes depuis le XIXe siècle
(L. Murat, La loi du genre. Une histoire culturelle du « troisième sexe » Fayard, 2006, qui
en recherche les incarnations du côté de l'homosexualité davantage que des intersexes).
Évidemment, la perspective en est aussitôt dérangeante : faut-il vraiment constituer un
type nouveau, amené à demeurer résiduel, où l'on ne rangera que les rares individus
considérés comme marqués d'un inachèvement physiologique ?
On imagine aisément que les partisans du genre viendront proposer de remplir cette
catégorie nouvelle, de façon quelque peu inattendue : au lieu des trois classes évoquées,
ne suffirait-il pas qu'il n'y en ait qu'une - celle-là ? Car loin d'être une anomalie, l'intersexualité peut nous entraîner sur la voie d'une pensée postmoderne qui abandonne
toute référence à la nature. Là où la tradition a longtemps considéré deux sexes différents, nettement séparés, les études de genre nous suggéreraient d'échapper aux
fausses évidences pour réconcilier enfin l'humanité au sein d'un genre unique, construction sociale qui fluctuerait entre deux pôles extrêmes - le masculin et le féminin idéaux,
jamais totalement incarnés -, pour permettre aux individus de parcourir toute la gamme
des attitudes selon leur tempérament (P. Reigné, Sexe, genre et état des personnes, JCP
2011. 1140, pour un éclairage juridique).
Il est ainsi possible qu'au terme de siècles de souffrance et de honte, l'intersexe se place
à l'avant-garde d'une rénovation des personnes, qui romprait tous les liens avec une
physiologie jugée dépassée, à laquelle on réfère volontiers la plupart des maux sociaux.

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