Exos LMD - Note de synthèse - 1re - 190

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NOTE DE SYNTHÈSE

européen applicable, avait pourtant souligné la primauté sur toute autre -, ainsi que les
composantes biologiques autres que l'apparence physique (principalement les aspects
gonadiques, hormonaux et génétiques). Les magistrats occultent également le caractère
artificiel de cette apparence, laquelle est la conséquence non souhaitée d'un traitement
contre l'ostéoporose prescrit au demandeur (rappr. Paris, 18 janv. 1974, RTD civ. 1974.
801, obs. R. Nerson, où les juges refusent de tenir compte d'une apparence physique
artificielle). Ensuite, dans l'appréciation du sexe social, les magistrats considèrent que le
requérant étant marié à une femme et ayant adopté un enfant avec une femme, il est
nécessairement de sexe masculin. Ce faisant, les magistrats oublient la loi nº 2013-404
du 17 mai 2013 ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe et permettant aux personnes de ces couples d'adopter des enfants. Certes, en l'espèce, le mariage
et l'adoption ont eu lieu avant cette loi. Cependant, s'agissant d'apprécier le comportement social du demandeur dans la durée, il n'est pas possible de se placer au seul jour
où le mariage et l'adoption ont été constitués. Il convient de les apprécier de manière
continue, ce qui impose de tenir compte du changement social intervenu depuis 2013
et empêche donc, dans le raisonnement abstrait auquel s'astreint la cour, de déduire
de la qualité d'époux ou de père le sexe social du requérant.
Enfin, toujours dans l'appréciation du sexe social, les magistrats ont manifestement une
lecture partielle des attestations qui leur étaient soumises et sur lesquelles s'était appuyé
le premier juge tourangeau pour décider en l'espèce : « Force est de constater que (...)
l'entourage [du requérant] ne peu[t] affirmer que le sexe masculin que l'officier d'état
civil a mentionné à sa naissance corresponde à une réalité quelconque, pas plus que ne
l'aurait été le sexe féminin ».
4 - Mis bout à bout, l'ensemble des arguments critiques évoqués plus haut révèlent, du
point de vue de la technique juridique, la faiblesse du raisonnement tenu par les magistrats orléanais tant pour refuser le principe de la mention neutre, que pour refuser de
tenir compte en l'espèce de l'intersexuation du requérant. Appréhendées d'un point de
vue psychologique, ces faiblesses du raisonnement sont également révélatrices du coût
psychologique important que représente, pour des personnes qui, comme les juges
d'appel, ne sont pas familiarisées avec l'intersexuation, l'adoption d'un nouveau paradigme en matière d'identité sexuée. En effet, la conviction qu'il n'existe que deux sexes
est si profondément inscrite dans la représentation sociale de l'identité sexuée en Occident - « butoir ultime de la pensée » a pu écrire Françoise Héritier (Masculin-Féminin.
I. La pensée de la différence, O. Jacob, 2002, p. 18) -, qu'il est très difficile d'en
changer. Dès lors, plutôt que de reconstruire leur représentation sociale de l'identité
sexuée, les individus - tels ici les magistrats orléanais - préféreront souvent s'accommoder des faiblesses et incohérences dans leur discours ; le coût psychologique de ces
incohérences sera moindre à leurs yeux que celui d'un changement du « noyau » de
cette représentation sociale (sur les représentations sociales, leur structure et leurs évolutions, V. not., M.-L. Rouquette et P. Rateau, Introduction à l'étude des représentations
sociales, PUG, 1998 ; P. Moliner et C. Guimelli, Les représentations sociales, PUG, 2015).
Espérons néanmoins que, pour la santé physique et psychique des personnes intersexuées, la Cour de cassation, en particulier sa première chambre civile souvent considérée
comme gardienne de l'orthodoxie du raisonnement juridique, saura dépasser ces incohérences et que, malgré le coût psychologique de cette évolution, elle réussira à installer
résolument le droit français dans un paradigme nouveau - l'absence de binarité de

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